Conseil d'État, 7ème chambre, 17/01/2023, 461068, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 janvier 2023
Num461068
Juridiction
Formation7ème chambre
RapporteurMme Elise Adevah-Poeuf
CommissaireMme Cécile Raquin
AvocatsSCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET ; SCP L. POULET-ODENT

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 4 février 2020 par laquelle le directeur de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a refusé de lui attribuer une rente viagère d'invalidité, ainsi que la décision du 3 juin 2020 par laquelle cette autorité a rejeté son recours gracieux formé contre cette décision. Par un jugement n° 2007413 du 25 novembre 2021, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 22VE00165 du 3 février 2022, enregistrée le 3 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi enregistré le 25 janvier 2022 au greffe de cette cour, présenté par Mme A.... Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 25 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la CNRACL et de la Caisse des dépôts et consignations la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme A... et à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la Caisse des dépôts et consignations ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté municipal du 3 février 2020, Mme A..., adjointe technique territoriale, a été radiée des effectifs de la commune de Jouy-le-Moutier et admise à la retraite pour invalidité à compter du 20 septembre 2019. Par un courrier du 4 février 2020, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, agissant en qualité de gestionnaire de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) a informé l'intéressée qu'elle émettait un avis favorable à cette admission à la retraite, sans attribution d'une rente viagère. Mme A... a formé un recours gracieux contre cette décision. Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, a rejeté ce recours par une décision du 3 juin 2020. Mme A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 25 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite(...) ". Aux termes de l'article 37 du même décret : " I.- Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l'article 36 ci-dessus bénéficient d'une rente viagère d'invalidité cumulable, selon les modalités définies au troisième alinéa du I de l'article 34, avec la pension rémunérant les services prévus à l'article précédent./Le bénéfice de cette rente viagère d'invalidité est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité interviennent avant que le fonctionnaire ait atteint la limite d'âge sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée et sont imputables à des blessures ou des maladies survenues dans l'exercice des fonctions ou à l'occasion de l'exercice des fonctions, ou résultant de l'une des autres circonstances énumérées à l'article 36 ci-dessus (...) ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., titularisée dans le corps des adjoints techniques territoriaux en 2008, a été placée en congé de maladie à compter du 1er janvier 2009 alors qu'elle était affectée comme agent territorial spécialisé des écoles maternelles dans une école de la commune. Placée ensuite en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée jusqu'au 17 décembre 2012, elle a repris son activité dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique et a été affectée comme agent de restauration dans une autre école jusqu'au 13 juin 2013. Elle a été placée en congé de longue durée à compter du 20 juin 2013, jusqu'au 31 août 2014, puis en mi-temps thérapeutique et, enfin, à temps plein, dans une troisième école, avant d'être à nouveau placée en congé de longue durée à compter du 16 mars 2015. Ayant épuisé ses droits statutaires à congé de longue durée, elle a été placée d'office en disponibilité à compter du 16 avril 2015, jusqu'à son admission à la retraite le 20 septembre 2019.

5. En premier lieu, il ressort des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif s'est borné à relever que l'appréciation de faits caractérisant un harcèlement moral dépassait le cadre strictement médical de la mission confiée aux médecins qui les ont évoqués. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en subordonnant la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie dont elle est atteinte à l'existence d'une situation de harcèlement moral.

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'appui de ses allégations, Mme A... se prévalait de certificats médicaux décrivant dans des termes généraux une situation de souffrance présentée par celle-ci comme liée au travail, ces certificats ne se prononçant pas de façon univoque sur l'existence d'un lien entre ses conditions de travail et la maladie qu'elle a développée. De même, si elle se prévalait d'un avis du 29 mars 2018 par lequel la commission de réforme a reconnu l'imputabilité de sa maladie au service, cette commission, par un avis ultérieur, a écarté l'existence d'un lien direct entre sa maladie et les conditions de travail auxquelles elle a été exposée. Enfin, l'enquête administrative diligentée par le maire de la commune en 2017 avait pour objet de faire la lumière sur les faits de harcèlement moral dont Mme A... soutenait avoir été victime et ne se prononce pas sur l'imputabilité au service de la maladie dont elle est atteinte. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aurait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en jugeant que Mme A... n'établissait pas l'existence d'un lien direct entre sa maladie et l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail ne peut qu'être écarté.

7. En troisième lieu, d'une part, le tribunal n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués à l'appui du moyen tiré de ce que la maladie dont souffre Mme A... aurait un lien direct avec ses conditions de travail. D'autre part, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en omettant de prendre en compte les conclusions de la commission d'enquête diligentée par le maire de la commune n'est en tout état de cause pas assorti de précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il suit de là que les moyens tirés de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé et serait entaché d'une erreur de droit ne peuvent qu'être écartés.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la Caisse des dépôts et consignations.

ECLI:FR:CECHS:2023:461068.20230117