CAA de PARIS, 6ème chambre, 17/01/2023, 21PA03731, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 janvier 2023
Num21PA03731
JuridictionParis
Formation6ème chambre
PresidentM. CELERIER
RapporteurM. Dominique PAGES
CommissaireMme NAUDIN
AvocatsSCP MAUGENDRE MINIER AZRIA LACROIX SCHWAB

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :


Mme A... E... C... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui verser la somme de 62 973,60 euros, en réparation de ses préjudices financiers, de troubles dans les conditions d'existence et de son préjudice moral, assortie des intérêts à compter de la date de réception de la demande préalable et des intérêts capitalisés annuellement.


Par un jugement n°1909261/2-2 du 3 mai 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.


Procédure devant la Cour :


Par une requête sommaire, enregistrée le 5 juillet 2021, et un mémoire ampliatif, enregistré le 27 septembre 2021, Mme C..., représentée par Me Arvis, demande à la Cour :


1°) d'annuler ce jugement du 3 mai 2021 du Tribunal administratif de Paris ;


2°) de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 62 973, 60 euros, assortie des intérêts à compter de la date de réception de la demande préalable et des intérêts capitalisés annuellement ;


3°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car il est entaché d'insuffisance de motivation ;
- l'illégalité tant externe qu'interne des décisions du 25 mars 2015 lui refusant la reconnaissance d'une maladie professionnelle constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
- les manquements graves à la déontologie, à l'impartialité, à l'égalité de traitement et au secret médical dont les praticiens de l'AP-HP ont fait preuve à son égard constituent également des fautes de nature à engager la responsabilité de l'administration ;
- le préjudice financier s'élève à 47 973,60 euros, soit 17 453,10 euros au titre de son placement en demi-solde du 11 septembre 2015 au 10 mars 2017, 15 520,50 euros au titre des frais médicaux qui n'ont, à tort, pas été pris en charge et 15 000 euros au titre de la perte de traitement résultant de son placement en disponibilité d'office ;
- le préjudice de troubles dans les conditions d'existence s'élève à 5 000 euros ;
- le préjudice moral s'élève à 10 000 euros.


Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, représentée par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 1 800 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... sont infondés.


Par une ordonnance du 18 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
31 août 2022 à 12 heures.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Guardiola pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.


Considérant ce qui suit :


1. Mme C... a été recrutée le 9 juin 1978 par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) en tant qu'agent hospitalier, avant d'être affectée au sein du (PSEUDO)groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière (PSEUDO)en qualité d'aide-soignante où elle a exercé ses fonctions au sein des services de lingerie, de restauration et de salle puis, à compter de l'année 2000, principalement au service de restauration. Mme C... a été victime d'un accident de service le 12 janvier 1984 et a déclaré trois maladies professionnelles prises en charge à compter de 2004 ainsi qu'une autre affection reconnue maladie professionnelle en 2011. Par deux déclarations effectuées le 27 novembre 2013 et le 7 février 2014, Mme C... a sollicité en outre la reconnaissance, au titre de maladies professionnelles, d'un syndrome du canal carpien et d'une lombosciatique droite. Après deux avis négatifs émis le 17 mars 2015 par la commission de réforme, l'administration a refusé de reconnaître l'imputabilité des maladies déclarées au service par deux décisions du 25 mars 2015. Mme C... a été admise à la retraite à compter du 1er juillet 2018. Le 28 décembre 2018, elle a introduit une demande préalable indemnitaire, implicitement rejetée le 28 février 2019 par l'administration. Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'AP-HP à lui verser la somme de 62 973,60 euros, en réparation de ses préjudices financiers, de troubles dans les conditions d'existence et d'un préjudice moral. Par un jugement du 3 mai 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Mme C... relève appel de ce jugement.


Sur la régularité du jugement attaqué :


2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de
Mme C..., ont répondu de façon circonstanciée à tous ses moyens et ont ainsi satisfait à l'obligation de motivation des jugements posée par l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :


3. L'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 disposait, dans sa version alors applicable, que : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie (...) si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. " Aux termes de l'article 31 du décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. " Aux termes de l'article 30 de l'arrêté du 4 août 2004 : " Ces commissions présidées, selon le cas, par le préfet de Paris, ou par le préfet de police ou leur représentant, qui dirige les délibérations mais ne prend pas part au vote, sont composées comme suit : /- deux praticiens de médecine générale, membres du comité médical dont relève l'agent, auxquels est adjoint, pour les cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste, qui participe aux délibérations mais ne participe pas aux votes ; ".


4. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment des deux procès-verbaux émis le 17 mars 2015 que les commissions de réforme étaient régulièrement composées conformément aux dispositions précitées de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004.
La circonstance, à la supposer établie, que les deux médecins, qui ont siégé au sein de cette commission, sont également des médecins statutaires employés par l'AP-HP est insuffisante pour caractériser un manquement à l'obligation d'indépendance de la commission, alors que le seul médecin expert employé par la AP-HP, le docteur D..., à s'être prononcé sur les pathologies de lombosciatique et de syndrome du canal carpien de Mme C... ne siégeait pas à la commission.


5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans les conditions mentionnées à ce tableau. (...) ". A l'époque des faits litigieux, aucune disposition ne rend applicables aux fonctionnaires hospitaliers, qui demandent le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractées dans des conditions mentionnées à ce tableau. Il appartient donc au fonctionnaire qui entend voir reconnaître le caractère professionnel d'une pathologie dont il souffre d'apporter des éléments de nature à justifier l'existence d'un lien direct entre cette pathologie et son travail habituel.


6. D'une part, il est constant que Mme C... souffre d'une lombosciatalgie droite, déclarée par une demande de reconnaissance de maladie professionnelle le 27 novembre 2013. Mme C... soutient que sa pathologie est une rechute de son accident de service du 12 janvier 1984 et produit un certificat médical du 8 novembre 2013 qui conclut, sans plus de précisions, que la recrudescence de lombalgies justifie une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, ainsi que l'exposé détaillé des tâches qu'elle effectuait. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'accident de service du 9 janvier 1984 a généré une dorsalgie d'effort et que l'intéressée indique, selon les termes non contestés sur ce point du rapport d'expertise du 23 juillet 2014, souffrir du rachis lombaire depuis son arrivée en 1978 à l'AP-HP. En outre, Mme C... ne verse pas aux débats de documents mettant en relation directe les tâches qu'elle effectuait et sa pathologie. Dans ces conditions, Mme C... n'apporte pas d'éléments de nature à justifier d'un lien direct entre sa lombosciatalgie droite et son travail habituel.


7. D'autre part, il est constant que Mme C... souffre d'un syndrome du canal carpien droit, déclaré dans sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle du 7 février 2014. Mme C... soutient que sa pathologie est en lien direct et certain avec l'exercice de ses fonctions et produit à l'appui de ses allégations un certificat médical du 8 novembre 2013 indiquant que le syndrome du canal carpien, dont elle souffre et qui a été mis en évidence par un électromyogramme du 8 novembre 2013, doit être reconnu comme maladie professionnelle ainsi que divers relevés de ses activités, dont un rapport du médecin du travail du 7 juin 2005, un rapport du 16 mai 2006 de la direction des ressources humaines et une fiche de tâche actualisée le 1er mars 2012, qui font état de tâches quotidiennes de préparation, de manipulation et de nettoyage. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir de lien direct et certain, au plan médical, entre les tâches effectuées et la pathologie de Mme C..., ainsi que l'a estimé le rapport d'expertise du 23 juillet 2014 du docteur D....


8. Dans ces conditions, en refusant de reconnaître l'imputabilité des maladies déclarées au service par deux décisions du 25 mars 2015, l'administration n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.


9. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la faute commise par l'AP-HP du fait des manquements aux obligations d'indépendance, d'impartialité, de déontologie et de secret médical doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 9 du jugement attaqué.


10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.


11. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par l'Assistance Publique- Hôpitaux de Paris.




DÉCIDE :


Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Assistance Publique- Hôpitaux de Paris au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... C... et à l'Assistance Publique- Hôpitaux de Paris.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 janvier 2023.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03731