CAA de LYON, 3ème chambre, 15/03/2023, 20LY03485, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision15 mars 2023
Num20LY03485
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentM. FEDI
RapporteurMme Bénédicte LORDONNE
CommissaireM. DELIANCOURT
AvocatsBCV AVOCATS ASSOCIES - COMBARET - VIAL

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble : 1°) d'annuler la décision du 6 mars 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier Lucien Hussel a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie, ensemble le rejet de son recours gracieux par décision du 5 juillet 2018, au besoin en diligentant une expertise ; 2°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ; 3°) de condamner le centre hospitalier Lucien Hussel à lui verser la somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1805677 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2020, Mme B..., représentée par la SELARL CDMF Avocats, agissant par Me Medina, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 septembre 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 6 mars 2018 et celle du 5 juillet 2018, rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier Lucien Hussel de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ;
4°) de condamner ledit centre à lui verser la somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice ;
5°) de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise.

Elle soutient que :
- la requête est recevable ;
- le centre hospitalier Lucien Hussel s'est cru à tort lié par l'avis de la commission de réforme ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- la pathologie dont elle souffre est en lien direct avec le service ; rien ne permet de retenir qu'elle souffre d'arthrose à l'épaule droite depuis 1989 et 1994 ; elle ne souffre aucunement d'une quelconque maladie inflammatoire, et encore moins d'une maladie inflammatoire touchant ses articulations ;
- sa situation est injuste et dure depuis de nombreux mois, de sorte qu'elle doit être indemnisée de son préjudice à hauteur de 5 000 euros.


Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2021, le centre hospitalier Lucien Hussel, représenté par la société d'Avocats BCV, agissant par Me Brocheton, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- les dispositions de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 sont seules applicables ;
- le lien de causalité n'est pas établi entre la maladie et les fonctions ; un état antérieur à type de pathologie dégénérative constitue une circonstance particulière qui détache la maladie du service ;
- l'appréciation des premiers juges rejetant les conclusions indemnitaires de la requérante n'est pas discutée ; ces conclusions sont irrecevables, faute de demande indemnitaire préalable ; aucun préjudice indemnisable n'est établi ; la décision du 6 mars 2018 n'est entachée d'aucune illégalité fautive ;
- l'appréciation des premiers juges rejetant les conclusions à fin d'expertise n'est pas discutée ; cette demande est dépourvue d'utilité.

Par ordonnance du 3 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 3 février 2022.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère ;
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;
- et les observations de Me Brocheton pour le centre hospitalier Lucien Hussel.



Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., adjointe administratif principale, exerce depuis 2002 les fonctions de vaguemestre au centre hospitalier Lucien Hussel. Souffrant des épaules, elle a formulé, le 21 février 2017, une demande de reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie au service. Par une décision du 6 mars 2018, après avis de la commission de réforme émis le 9 janvier 2018, le directeur du centre hospitalier a rejeté sa demande. Mme B... a formé un recours gracieux le 19 avril 2018. La commission de réforme a formulé un nouvel avis le 28 juin 2018. Le centre hospitalier Lucien Hussel a communiqué cet avis à l'intéressée le 5 juillet 2018. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation de la décision du 6 mars 2018 et de la prétendue décision du 5 juillet 2018. Par le jugement du 29 septembre 2020, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir opposé l'irrecevabilité des conclusions de la demande de Mme B... contre le courrier du 5 juillet 2018, a rejeté les conclusions de sa demande dirigée contre la décision du 6 mars 2018.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, Mme B... ne conteste pas l'irrecevabilité opposée par les premiers juges des conclusions de sa demande contre le courrier du 5 juillet 2018, lequel se contente de lui communiquer l'avis qui a été rendu par la commission de réforme le 28 juin 2018. Si, comme le soutient la requérante, le silence gardé par le centre hospitalier Lucien Hussel sur son recours gracieux a fait naître une décision implicite de rejet, son recours contentieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision en litige, qui est suffisamment motivée, que le directeur du centre hospitalier se serait, à tort, estimé lié par l'avis, consultatif, de la commission de réforme, qu'il a pu sans erreur de droit ni méconnaissance de sa compétence, s'approprier pour statuer sur la demande Mme B....
4. En troisième lieu, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ont été rendues applicables aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière par l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 est manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'est donc entré en vigueur, en tant qu'il s'applique à la fonction publique hospitalière, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 16 mai 2020, du décret n° 2020-566 du 13 mai 2020 par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017.
5. Il s'ensuit que les dispositions de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 dans leur rédaction antérieure à celle résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 sont applicables au présent litige, comme le soutient du reste le défendeur.
6. Aux termes de ce texte : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...). Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales ".
7. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
8. Mme B... soutient que ses fonctions de vaguemestre impliquent des mouvements répétitifs, bras levés, en particulier pour le tri du courrier dans des casiers dont la hauteur peut atteindre 1,75 mètre. Il résulte toutefois des conclusions de l'expertise que les imageries médicales du mois de janvier 2017 ont révélé que Mme B... souffre d'une arthropathie dégénérative du côté gauche au niveau acromio-claviculaire avec un aspect globalement symétrique du côté droit. L'expertise médicale précise également avoir retrouvé sur des clichés fournis par l'intéressée et remontant respectivement au mois d'avril 1989 et au mois de mars 1994, des images de " calcification de la coiffe des rotateurs confirmant à l'évidence la présence d'une périarthrite scapulo-humérale calcifiante d'origine dégénérative " pour conclure à une " maladie dégénérative ancienne touchant les deux épaules et sans lien avec l'activité professionnelle ". Si Mme B... a produit au dossier de première instance un certificat médical daté du 28 mars 2018, selon lequel l'arthrose serait discrète et n'expliquerait pas la symptomatologie présentée aux deux épaules, " qui est beaucoup plus périarticulaire (tendon-tendinopathie) que articulaire (arthrose-articulation) ", ce seul certificat émanant de son médecin généraliste ne suffit pas à contredire sérieusement les conclusions de l'expertise, comme l'a retenu la commission de réforme qui a émis en considération de ce document un deuxième avis défavorable. Il existe donc, en l'espèce, un état de santé antérieur préexistant conduisant à détacher la survenance de la maladie du service.
9. Mme B... réitère en appel ses conclusions indemnitaires, sans critiquer le jugement attaqué, qui a retenu la fin de non-recevoir opposée par le défendeur, et tirée du défaut de liaison du contentieux. Les conclusions indemnitaires de Mme B... ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la requérante demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge du centre hospitalier Lucien Hussel, qui n'est pas partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le centre hospitalier Lucien Hussel.



D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier Lucien Hussel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratives sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier Lucien Hussel.
Délibéré après l'audience du 28 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Gilles Fédi, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
Mme Bénédicte Lordonné, première conseillère,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mars 2023.
La rapporteure,
Bénédicte LordonnéLe président,
Gilles Fédi
La greffière,
Sandra Bertrand
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 20LY03485