Conseil d'État, 2ème chambre, 29/06/2023, 465924, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 13 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale.
Par un jugement n° 1903896 du 21 janvier 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 20NT00968 du 17 mai 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 19 juillet 2022, 19 octobre 2022 et 10 mars 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Trémolière, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
Sur la régularité de l'arrêt attaqué :
1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ". La circonstance selon laquelle l'arrêt attaqué fait état de deux dates d'audience différentes est sans influence sur la régularité dudit arrêt dès lors que les pièces du dossier d'appel, en particulier l'avis d'audience, permettent d'établir la date exacte de celle-ci et que, par suite, l'erreur qui affecte l'une de ces dates est purement matérielle.
Sur le bien fondé de l'arrêt attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa rédaction applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service ". L'article L. 3 du même code dispose : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées au point 2 que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
4. En premier lieu, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Nantes a méconnu son office et entaché son arrêt de contradiction de motifs en jugeant que lorsque la présomption légale d'imputabilité au service ne trouve pas à s'appliquer, la preuve de cette imputabilité peut être apportée par tout moyen à l'exception de ceux énumérés au point 3.
5. En deuxième lieu, les principes exposés au point 3 n'interdisent pas aux juges du fond, faisant usage de leur pouvoir souverain d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité au service doit, par dérogation à ces principes, être regardée comme établie. La cour administrative d'appel de Nantes, en ne recourant pas à cette possibilité, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui ne saurait être discutée devant le juge de cassation.
6. En troisième lieu, il ressort des pièces de la procédure que M. A..., s'il a invité la cour administrative d'appel de Nantes à faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour solliciter de l'administration, d'une part, le dossier médical présenté au moment de son intégration dans l'armée, d'autre part, ses états de service et, plus largement, tous éléments utiles de nature strictement médicale en sa possession susceptibles d'établir le lien qu'il allègue entre un fait précis de service et les infirmités invoquées, n'établit pas qu'il se trouverait dans l'impossibilité de fournir ces éléments. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la cour aurait méconnu les règles relatives à la charge de la preuve en s'abstenant de solliciter ces éléments auprès de l'administration.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " (...) Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : / 30 % en cas d'infirmité unique ; / 40 % en cas d'infirmités multiples./ En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents./ Toutefois, si le pourcentage total de l'infirmité aggravée est égal ou supérieur à 60 %, la pension est établie sur ce pourcentage. ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. En l'absence de tout fait précis de service ayant causé un traumatisme qui serait à l'origine de l'infirmité litigieuse, celle-ci doit être qualifiée de maladie.
8. Pour dénier à M. A... un droit à pension pour l'affection invoquée, la cour administrative d'appel de Nantes a relevé que M. A..., qui ne rentre dans aucun des cas de présomption d'imputabilité prévus à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, premièrement n'était pas, contrairement à ce qu'il soutient, sur un théâtre d'opération extérieure lors de l'accident survenu le 15 octobre 2001 et que les mentions de son livret militaire concernant cet accident, qui font état d'une dorsalgie aiguë, ne suffisent pas à établir un lien de causalité avec l'affection invoquée consistant en une lombalgie, deuxièmement que M. A..., s'il évoque à titre subsidiaire un accident survenu le 27 août 2001 lors d'une opération extérieure, n'établit ni la réalité de cette opération, ni la cause de l'arrêt de travail qui lui a été prescrit à l'époque, troisièmement que si l'évolution lente de la pathologie de M. A... rend difficile d'en fixer l'élément déclencheur, cette circonstance confirme seulement que son infirmité est susceptible d'être reconnue comme une maladie imputable au service et non comme un accident de service, quatrièmement que les expertises médicales confirment que M. A... souffrait dès 2002 d'une " discopathie débutante des deux derniers étages " et a souffert d'une lombalgie avec sciatalgies en juin 2009 et, enfin, que si certains médecins reconnaissent que M. A... présente un degré d'invalidité de 30 %, ils n'admettent, dans le meilleur des cas, le lien avec le service qu'à hauteur de 15 %, ce taux restant inférieur au seuil permettant l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour une maladie hors temps de guerre. La cour a ce faisant, sans commettre d'erreur de droit, porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine qui n'est pas entachée de dénaturation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre des armées.