CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 23/01/2024, 21TL04947, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite de refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'affection dont il a souffert du 17 décembre 2014 au 3 mai 2016, d'enjoindre au département des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de son dossier sous quinze jours et de saisir, en cas de refus de reconnaître l'imputabilité au service, la commission de réforme ainsi que de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales, une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2001774 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2021, sous le n°21MA04947 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04947, M. A..., représenté par Me Cacciapaglia, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 8 juin 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite en date du 4 janvier 2020 par laquelle la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de l'affection dont il a souffert du 17 décembre 2014 au 8 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre au département des Pyrénées-Orientales de procéder au réexamen de son dossier sous quinze jours et de saisir, en cas de refus de reconnaître l'imputabilité au service de sa rechute, la commission de réforme ;
4°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité par son refus d'annuler la décision implicite en litige, participant ainsi à la non reconnaissance d'un droit, et en s'abstenant de vérifier le respect de l'obligation procédurale de consulter la commission de réforme ; il a commis une erreur de droit en se fondant sur le décret du 14 mars 1986 qui n'est pas applicable à sa situation et en lui opposant des conditions de forme alors que sa demande n'était enfermée dans aucune forme ou délai ; il a commis une erreur d'appréciation en ne reconnaissant pas l'imputabilité au service de sa maladie ;
- la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de consultation de la commission de réforme et est intervenue en méconnaissance de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 mars 2022, et un dépôt de pièces, enregistré le 16 mai 2023, qui n'a pas été communiqué, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par la SELARL D4 Avocats Associés, agissant par Me Rouquet, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement contesté et à ce que qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir, à titre principal, que le jugement attaqué est bien fondé et, à titre subsidiaire, que la décision attaquée n'est entachée d'aucun vice.
Par une ordonnance du 7 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 mai 2022.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Teulière, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dumont, représentant le département des Pyrénées-Orientales.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint technique de deuxième classe, initialement affecté en qualité d'agent d'entretien au palais des rois de Majorque à Perpignan avant d'être victime d'un accident de service en date du 18 septembre 2014 et placé en arrêt de travail à partir du 17 décembre 2014 pour dépression réactionnelle à une situation difficile au travail, a adressé le 25 octobre 2019 au département des Pyrénées-Orientales, son employeur, une demande de reconnaissance de l'affection dont il a souffert comme imputable au service à compter du 17 décembre 2014. Par un jugement du 8 juin 2021, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a notamment rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 58./Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite./ Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales./ (...) ". L'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, alors applicable, disposait : " (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, créé par le décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale : " Pour obtenir un congé pour invalidité temporaire imputable au service, le fonctionnaire, ou son ayant-droit, adresse par tout moyen à l'autorité territoriale une déclaration d'accident de service, d'accident de trajet ou de maladie professionnelle accompagnée des pièces nécessaires pour établir ses droits. / La déclaration comporte : 1° Un formulaire précisant les circonstances de l'accident ou de la maladie. Ce formulaire est transmis par l'autorité territoriale à l'agent qui en fait la demande, dans un délai de quarante-huit heures suivant celle-ci et, le cas échéant, par voie dématérialisée, si la demande le précise ; 2° Un certificat médical indiquant la nature et le siège des lésions résultant de l'accident ou de la maladie ainsi que, le cas échéant, la durée probable de l'incapacité de travail en découlant. ". Aux termes de l'article 37-3 du même décret : " I.- La déclaration d'accident de service ou de trajet est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de quinze jours à compter de la date de l'accident./ Ce délai n'est pas opposable à l'agent lorsque le certificat médical prévu au 2° de l'article 37-2 est établi dans le délai de deux ans à compter de la date de l'accident. Dans ce cas, le délai de déclaration est de quinze jours à compter de la date de cette constatation médicale./ II.- La déclaration de maladie professionnelle prévue à l'article 37-2 est adressée à l'autorité territoriale dans le délai de deux ans suivant la date de la première constatation médicale de la maladie ou, le cas échéant, de la date à laquelle le fonctionnaire est informé par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle./(...) IV.- Lorsque les délais prévus aux I et II ne sont pas respectés, la demande de l'agent est rejetée. Les délais prévus aux I, II et III ne sont pas applicables lorsque le fonctionnaire entre dans le champ de l'article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ou s'il justifie d'un cas de force majeure, d'impossibilité absolue ou de motifs légitimes. ". L'article 15 du décret n°2019-301 du 10 avril 2019 relatif aux dispositions transitoires et finales dispose : " Les conditions de forme et de délais prévues aux articles 37-2 à 37-7 du décret du 30 juillet 1987 précité ne sont pas applicables aux fonctionnaires ayant déposé une déclaration d'accident ou de maladie professionnelle avant l'entrée en vigueur du présent décret./ Les délais mentionnés à l'article 37-3 du même décret courent à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication du présent décret lorsqu'un accident ou une maladie n'a pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date. ".
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que, par une lettre du 25 octobre 2019, réceptionnée par le département le 4 novembre suivant, M. A... a adressé, par l'intermédiaire de son conseil, une demande d'imputabilité au service de la pathologie dont il a souffert sur le fondement des dispositions précitées de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983. Il a notamment joint à sa lettre les arrêts de travail qui ont été prescrits, des certificats médicaux, rapport et expertise médicale. S'il est constant que cette demande ne respectait pas les formes prévues par les dispositions précitées de l'article 37-2 du décret du 30 juillet 1987, qui imposaient à l'agent d'adresser une déclaration de maladie professionnelle comprenant notamment un formulaire précisant les circonstances de la maladie, la présentation dudit formulaire n'est pas prescrite à peine d'irrecevabilité ou de nullité de la demande et le département ne fait pas valoir que celle-ci aurait été incomplète. Si le département fait cependant valoir en défense que la demande de l'agent, présentée après l'expiration du délai prévu au II de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987 était tardive, il résulte de l'article 15 du décret du 10 avril 2019 susmentionné que ce délai n'a commencé à courir qu'à compter du premier jour du deuxième mois suivant la publication dudit décret dès lors que la maladie de l'intéressé n'avait pas fait l'objet d'une déclaration avant cette date. Ainsi, à la date de réception de la demande, le délai de déclaration de maladie professionnelle prévu par les dispositions précitées du II de l'article 37-3 du décret du 30 juillet 1987 n'était pas échu.
5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a considéré que la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales avait pu légalement rejeter sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle au seul motif qu'elle ne répondait pas aux conditions de forme requises.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier.
7. Aux termes de l'article 37-6 du décret précité du 30 juillet 1987, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " La commission de réforme est consultée par l'autorité territoriale : (...)3° Lorsque l'affection résulte d'une maladie contractée en service telle que définie au IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée dans les cas où les conditions prévues au premier alinéa du même IV ne sont pas remplies. ".
8. Il résulte des dispositions citées au point précédent que, s'agissant d'une maladie ne relevant pas des tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et en l'absence d'un défaut d'imputabilité manifeste, l'autorité territoriale, qui n'est pas fondée à soutenir, pour les raisons mentionnées au point 4 qu'elle se trouvait en situation de compétence liée pour rejeter la demande présentée par M. A..., devait consulter la commission de réforme si elle n'entendait pas faire droit à la demande présentée. Par suite, ce dernier est fondé à soutenir que l'absence de saisine de la commission de réforme l'a privé d'une garantie et que la décision implicite de rejet contestée est ainsi intervenue au terme d'une procédure irrégulière.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement et les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt implique que la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales procède à l'examen de la demande de M. A... et qu'elle saisisse, le cas échéant, pour avis le conseil médical, qui remplace désormais la commission de réforme aux termes de l'article 37-6 du décret du 30 juillet 1987 dans sa version applicable depuis le 14 mars 2022, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par le département des Pyrénées-Orientales au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens soit mise à la charge de M. A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales une somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 8 juin 2021, ensemble la décision implicite par laquelle la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales a rejeté la demande en date du 25 octobre 2019 d'imputabilité au service de la maladie de M. A... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la présidente du conseil départemental des Pyrénées-Orientales de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, à l'examen la demande de M. A... et de saisir, le cas échéant, pour avis le conseil médical.
Article 3 : Le département des Pyrénées-Orientales versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le département des Pyrénées-Orientales sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.
Le rapporteur,
T. Teulière
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21TL04947