CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 29/02/2024, 21BX02979, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal des pensions de Saint-Denis d'annuler la décision du 3 août 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de cervicalgies.
Par un jugement n° 1901577 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion
a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2021 et des mémoires enregistrés les 3 mai,
24 mai et 2 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Lemée, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de lui accorder un droit à pension au taux de 10 % pour l'infirmité de cervicalgies, ou à titre subsidiaire d'ordonner une expertise avant dire droit.
Il soutient que :
- la présentation de sa requête par l'application Télérecours citoyens vaut signature électronique ;
- il limite sa demande aux cervicalgies, et le litige pour lequel l'administration invoque l'autorité de la chose jugée ne portait pas sur cette infirmité ;
- l'infirmité de " cervicalgies avec mobilité quasi normale " retenue par l'administration ne correspond ni aux limitations conséquentes en rotation et en flexion avec douleurs et névralgies cervico-brachiales intermittentes décrites par l'expert, ni à l'imagerie mettant en évidence un état très dégradé du rachis cervical ; les névralgies ont été confirmées par une IRM réalisée en urgence pour suspicion d'AVC et sont évaluées à 15 à 40 % par le guide barème ; les imageries médicales et l'expertise démontrent une immobilisation partielle de la tête et du tronc ; il présente une limitation fonctionnelle dans ses activités sportives ; les cervicalgies doivent ainsi être évaluées à 10 % ;
- selon le docteur D..., l'atteinte des dorsales et des cervicales constitue
une complication de la blessure initiale ; s'il a quitté le service actif le 6 juin 2000, il a servi dans la réserve opérationnelle durant plus de deux mois par an de 2002 à 2018 ; il a continué à
sauter en parachute jusqu'en 2007 et a participé à trois opérations extérieures en 2011, 2012
et 2015 ; le traumatisme lombaire du 3 mai 1989 a causé des lésions sur l'ensemble du rachis, même si le vieillissement a pu les aggraver ; ainsi, l'infirmité de cervicalgies est en lien avec l'accident du 3 mai 1989.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 février, 13 mai, 14 juin et 18 juillet 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête d'appel non signée est irrecevable ;
- la présente instance ne saurait concerner d'autres pathologies que celle qui a fait l'objet de la décision du 3 août 2018 ;
- la précédente demande de pension pour l'infirmité de cervicalgies a été rejetée par
une décision du 12 septembre 2012, et le recours contentieux de M. B... a été définitivement rejeté ; eu égard à l'autorité de la chose jugée, la nouvelle demande présentée
le 4 novembre 2016 pour la même infirmité était irrecevable, alors même que l'administration l'a instruite ;
- le taux de 10 % ouvrant droit à pension correspond à des signes fonctionnels non décrits par l'expert ; les névralgies cervico-brachiales intermittentes ne correspondent pas à celles pour lesquelles le guide barème retient un taux de 15 à 40 % ;
- les radiographies témoignent de lésions arthrosiques dégénératives dues au vieillissement, lesquelles ne trouvent pas leur origine dans un traumatisme particulier et ne constituent pas le prolongement des lombalgies indemnisées ; en l'absence de preuve de l'existence d'un fait précis à l'origine de l'affection invoquée, les multiples microtraumatismes subis par les militaires servant dans les unités parachutistes ne sauraient être regardées comme des circonstances particulières de service pour l'application de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; M. B... ne démontre pas avoir été victime d'un traumatisme durant ses périodes de réserve ; l'imputabilité des cervicalgies au traumatisme lombaire du 3 mai 1989 n'est pas établie, et au demeurant, M. B... est pensionné pour des lombalgies en lien avec un accident survenu le 2 juin 1982.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 14 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lemée, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., engagé dans l'armée le 26 janvier 1972 et radié des cadres pour admission à la retraite le 6 juin 2000 au grade de capitaine, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 10 % par arrêté du 16 janvier 2012, avec jouissance
à compter du 26 janvier 2001, pour l'infirmité de lombalgies chroniques avec raideur du rachis en lien avec une blessure survenue en service et constatée le 2 juin 1982. Le 4 novembre 2016,
il en a sollicité la révision pour la prise en compte de l'infirmité de cervicalgies. Par une décision du 3 août 2018, la ministre des armées a rejeté sa demande sans qu'il soit besoin de rechercher l'origine de cette infirmité, au motif que le taux d'invalidité était inférieur à 10 %. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions de Saint-Denis. La procédure a été transmise au tribunal administratif de La Réunion en application de la loi du 13 juillet 2018 susvisée. M. B... relève appel du jugement du 29 mars 2021 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicable à la date de la demande de pension : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / (...). "
3. La première demande de pension militaire d'invalidité présentée par M. B... pour l'infirmité de cervicalgies a été rejetée par une décision du 12 septembre 2012 au motif que le taux de 10 % n'était pas atteint, après une expertise réalisée le 9 juin 2011 qui n'a rattaché les cervicalgies à aucun événement survenu en service. Dans sa seconde demande enregistrée
le 4 novembre 2016, M. B... a invoqué une aggravation de son état. L'expert qui l'a examiné le 2 mai 2018 a constaté à l'examen clinique un enraidissement du rachis cervical avec une limitation de l'inclinaison latérale, de la rotation ainsi que de l'extension et de la flexion, alors que les radiographies mettaient en évidence une ostéophytose (excroissance osseuse en lien avec une cervicarthrose) C6-C7, des lésions étagées d'arthrose entre C4 et D7 et une hernie C4-C5. Si l'expert a relevé que M. B... avait été victime de nombreux microtraumatismes dans le cadre de son activité de parachutiste, il a précisé que les cervicalgies ne pouvaient être rattachées à aucun traumatisme particulier, ce que le requérant, pensionné pour des lombalgies en lien avec une blessure constatée le 2 juin 1982, ne conteste pas utilement en invoquant un autre traumatisme du 3 mai 1989, non documenté, ayant causé des douleurs intenses au niveau lombaire, et en indiquant, sans se prévaloir d'aucun accident, qu'il a continué à sauter en parachute jusqu'en 2007 dans le cadre de ses services dans la réserve opérationnelle. Dans ces circonstances, et alors que les cervicalgies sont en lien avec des lésions dégénératives d'arthrose documentées pour la première fois par une radiographie du 1er décembre 2008, l'existence d'un lien de causalité avec une blessure ou un accident survenu en service ne peut être regardée comme établie.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin
de non-recevoir opposée en défense ni d'ordonner une nouvelle expertise, que M. B...
n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 6 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.
La rapporteure,
Anne A...
La présidente,
Catherine GiraultLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX02979