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CAA de NANTES, 6ème chambre, 19/11/2024, 23NT02409, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 5 mai 2021 du premier président et du procureur général près la cour d'appel de Rennes portant retrait du bénéfice du congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS) qui lui a été accordé le 25 novembre 2020. Par un jugement n°2103236 du 9 juin 2023, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 8 aout 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 9 juin 2023 et de rejeter la demande de M. E.... Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé que les chefs de la cour d'appel de Rennes ne pouvaient se fonder sur les dispositions du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat, pris pour l'application de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, dès lors que cette loi ne serait pas applicable aux magistrats de l'ordre judiciaire. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2024, M. E... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable et à titre subsidiaire qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ; - le décret n°86-442 du 14 mars 1986 ; - le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ; - le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ; - le code des pensions civiles et militaires ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bailleul, rapporteure publique, - et les observations de M. E.... Considérant ce qui suit : 1. M. E..., magistrat judiciaire, a été nommé vice-procureur près le tribunal de grande instance de Cayenne par un décret du 10 décembre 2018 et installé dans ses fonctions le 1erjanvier 2019. Après avoir été affecté au tribunal judiciaire de Rennes à la suite de sa nomination en qualité de vice-président placé auprès du premier président de la cour d'appel de Rennes par un décret du 27 avril 2020, il a été placé en congé de longue maladie (CLM) du 20 juin 2019 au 20 septembre 2020. Par des courriers des 7 septembre 2019 et 1er août 2020, il a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie à l'origine de son CLM et le bénéfice des dispositions du décret n°2019-122 du 21 février 2019. Par une décision du 25 novembre 2020, le premier président de la cour d'appel de Rennes et le procureur général près de cette cour ont accordé à l'intéressé, à titre provisoire, le bénéfice d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service (CITIS). Par une décision du 5 mai 2021, intervenue après un avis émis le 11 février 2021 par la commission de réforme, ces mêmes autorités ont retiré à M. E... le bénéfice du CITIS. Saisi par M. E..., le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision par un jugement du 9 juin 2023.Le garde des sceaux, ministre de la justice demande à la cour d'annuler ce jugement. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Il ressort de la décision du 18 avril 2023 portant délégation de signature du secrétaire général du ministère de la justice, régulièrement publiée, que ce dernier a donné, en application de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, à Mme B... C..., signataire de la requête d'appel, adjointe au chef du bureau du contentieux administratif et du conseil, chef du pôle contentieux statutaire, délégation de signature à l'effet de signer au nom du garde des sceaux, ministre de la justice, à l'exclusion des décrets, tous actes, arrêtés et décisions relevant du service de l'expertise et de la modernisation du secrétariat général dans la limite des attributions du bureau du contentieux administratif et du conseil de la sous-direction des affaires juridiques générales et du contentieux. Par suite, la requête d'appel du garde des sceaux, ministre de la justice est recevable. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes : /1° En activité ; /2° En service détaché ; /3° En disponibilité ; / 4° Sous les drapeaux ; / 5° En congé parental. (...) ". Aux termes de l'article 68 de cette ordonnance : " Les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après. ". Aux termes de l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " La présente loi s'applique aux fonctionnaires civils des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics y compris les établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales, à l'exclusion des fonctionnaires des assemblées parlementaires et des magistrats de l'ordre judiciaire. (...) ". 4. En vertu de l'article 68 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant certaines positions, dont le congé maladie pour invalidité temporaire imputable au service, qui est une position d'activité, s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire. Dès lors qu'aucune disposition du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat n'est contraire aux règles statutaires du corps judiciaire, c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé que ces dispositions n'étaient pas applicables aux magistrats de l'ordre judiciaire. 5. Il appartient alors à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour. 6. En premier lieu, par un décret du 12 avril 2016, M. D... a été nommé conseiller à la Cour de cassation pour exercer les fonctions de premier président de la cour d'appel de Rennes et par un décret du 1ermars 2021, M. Benet-Chambellan, avocat général à la Cour de cassation, a été déchargé des fonctions de procureur général près la cour d'appel de Rouen et chargé des fonctions de procureur général près la cour d'appel de Rennes. La décision en litige comporte en outre la signature de ses auteurs ainsi que la mention lisible de leurs noms, prénoms et qualités. La circonstance selon laquelle la décision en cause ne mentionne pas les actes de nomination des autorités signataires est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen selon lequel il n'est pas justifié de la compétence des auteurs de la décision en litige doit être écarté. 7. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article R. 46 du code des pensions civiles et militaires, dans sa version applicable : " La commission de réforme est, lorsqu'il s'agit d'examiner le cas d'un membre du Conseil d'Etat ou d'un magistrat de l'ordre judiciaire, composée comme suit : (...) 2° Dans chaque autre département, sous la présidence du commissaire de la République ou de son représentant, qui dirige les délibérations mais ne participe pas aux votes : - le chef de service dont dépend l'intéressé, ou son représentant ; - le directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou son représentant ; - deux représentants, titulaires ou éventuellement suppléants, des magistrats à l'égard desquels la commission est compétente et qui sont désignés par leurs collègues dans les conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ; - les membres du comité médical prévu à l'article 5 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Le secrétariat de la commission de réforme départementale est celui du comité médical prévu à l'article 6 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986. Cette commission est compétente à l'égard des magistrats exerçant leurs fonctions dans le département considéré, sauf pour les premiers présidents et procureurs généraux et pour les présidents et procureurs des tribunaux judiciaires de Nanterre, Bobigny et Créteil, qui relèvent de la compétence de la commission visée au 1° ci-dessus. " Aux termes de l'article R. 49 du même code : " La commission de réforme ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice assiste à la séance ; un praticien de médecine générale ou un spécialiste compétent pour l'affection considérée doit participer à la délibération. (...) ". 8. D'autre part, aux termes de l'article 5 du décret du 14 mars 1986 susvisé, dans sa rédaction applicable : " Il est institué auprès de l'administration centrale de chaque département ministériel un comité médical ministériel compétent à l'égard des personnels mentionnés au 1er alinéa de l'article 14 ci-après. Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Un suppléant est désigné pour chacun de ces membres. (...) ". Aux termes de l'article 5-1 de ce même décret : " Un conseil médical départemental est institué auprès du préfet dans chaque département. / Les conseils médicaux départementaux sont compétents à l'égard des fonctionnaires qui exercent leurs fonctions dans les départements considérés et qui ne relèvent pas de la compétence d'un autre conseil médical. (...) ". 9. Il ressort du procès-verbal de la commission de réforme du 11 février 2021 que celle-ci était composée du président, de deux médecins, d'un délégué du personnel et d'un représentant de l'administration. Toutefois, l'absence d'un représentant du personnel à la réunion du 11 février 2021 de la commission de réforme départementale ou la présence d'un seul médecin généraliste ne sont pas, à elles seules de nature à entacher la procédure d'irrégularité, dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué par M. E... que cette commission n'aurait pas siégé puis délibéré dans les conditions fixées par l'article R. 49 du code des pensions civiles et militaires précité, en vertu duquel elle ne peut délibérer valablement que si la majorité absolue des membres en exercice, parmi lesquels un praticien de médecine générale ou un spécialiste compétent pour l'affection considérée, assiste à la séance et prend part à la délibération. En outre, le fait qu'un seul des représentants prévus par le décret du 14 mars 1986 a siégé n'a ni exercé une influence sur la décision prise, ni privé M. E... d'une garantie à laquelle il avait droit dès lors qu'il ressort des mentions de son avis que la commission a, lors de sa séance du 11 février 2021, adopté cet avis à l'unanimité. De plus, si M. E... soutient que l'administration aurait refusé de procéder à une expertise complémentaire, il ne résulte d'aucune disposition législative ni réglementaire que l'administration était tenue de procéder à une telle expertise. Enfin, si M. E... fait valoir que la commission de réforme de Guyane aurait dû être saisie, il ressort des pièces du dossier que le comité départemental de la Guyane a bien été saisi et a, le 9 janvier 2020, estimé que son avis, sollicité sur la question du droit à l'intéressé d'un congé de longue maladie, était devenu sans objet, puis a recommandé de saisir la commission de réforme pour avis sur la reconnaissance d'une maladie imputable au service. Il ressort en outre des pièces produites en première instance, et notamment du procès-verbal de la séance du 11 février 2021, que la commission de réforme de Rennes, régulièrement saisie le 4 août 2020 en raison de la mutation de l'intéressé dans ce ressort, a ainsi pu se prononcer sur la demande du requérant. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 5 mai 2021 est intervenue au terme d'une procédure irrégulière. 10. En dernier lieu, aux termes de l'article 47-5 du décret du 14 mars 1986 relatif, notamment, au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa version applicable : " (...) 2°En cas de maladie, de deux mois à compter de la date à laquelle elle reçoit le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles. / Un délai supplémentaire de trois mois s'ajoute aux délais mentionnés au 1° et au 2° en cas (...) de saisine de la commission de réforme compétente. (...) /Au terme de ces délais, lorsque l'instruction par l'administration n'est pas terminée, l'agent est placé en congé pour invalidité temporaire imputable au service à titre provisoire (...) ". Selon les termes de l'article 47-9 du même décret : " (...) Lorsque l'administration ne constate pas l'imputabilité au service, elle retire sa décision de placement à titre provisoire en congé pour invalidité temporaire imputable au service et procède aux mesures nécessaires au reversement des sommes indûment versées. (...) ". La décision du 5 mai 2021 relève que les délais d'examen des dossiers devant la commission de réforme ont rendu impossible la prise de décision des chefs de cour avant l'expiration du délai maximum de cinq mois prévus par les dispositions de l'article 47-5 2° cité ci-dessus. M. E... a donc été placé, à titre provisoire, par une décision du 25 novembre 2020, en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la période du 20 juin 2019 au 20 septembre 2020 inclus, dans l'attente de l'avis de la commission de réforme. Dès lors que M. E... a été placé, à titre provisoire, en congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la période du 20 juin 2019 au 20 septembre 2020 inclus, cette décision, dont les conditions du retrait sont réglées par décret, n'est pas susceptible d'avoir créé des droits au profit de l'intéressé et il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire préalable. 11. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 5 mai 2021 du premier président et du procureur général près la cour d'appel de Rennes. Le garde des sceaux, ministre de la justice est donc fondé à demander l'annulation de ce jugement. Sur les frais liés au litige : 12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er: Le jugement du 9 juin 2023 du tribunal administratif de Rennes est annulé. Article 2 : La demande de M. E... présentée devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 25 octobre 2024 à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Pons, premier conseiller, - Mme Bougrine, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 novembre 2024. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, C. VILLEROT La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23NT02409
Cours administrative d'appel
Nantes
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 14/11/2024, 22BX01885, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler, d'une part, la décision du 5 décembre 2019 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de la Basse-Terre a " annulé " l'arrêté du 13 juin 2019 l'autorisant à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 décembre 2019, et d'autre part, la décision " contenue dans l'arrêté n° 2020/170/CHBT " le plaçant en congé de maladie à demi-traitement à compter du 17 avril 2020 " prorogée par lettre du 29 juin au 1er juillet 2020 ". Par un jugement n° 2000540 du 12 avril 2022, le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 29 juin 2020 plaçant M. B... en congé de maladie à demi-traitement respectivement du 17 avril au 20 octobre 2020 et du 1er juillet au 20 octobre 2020, et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 9 juillet 2022, M. B..., représenté par la SELARL Roland Ezelin, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision du 5 décembre 2019 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier de la Basse-Terre a " annulé " l'arrêté du 13 juin 2019 l'autorisant à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 décembre 2019, ainsi que la décision " contenue dans l'arrêté n° 2020/170/CHBT " le plaçant en congé de maladie à demi-traitement à compter du 17 avril 2020 " prorogée par lettre du 29 juin au 1er juillet 2020 ". 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Basse-Terre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision du 5 décembre 2019 l'admettant à la retraite a été retirée plus de quatre mois après avoir été prise ; c'est ainsi à tort que le tribunal a refusé de l'annuler ; - le tribunal ne s'est pas prononcé sur la demande d'annulation de " l'arrêté n° 2020/170/CHBT qui l'avait placé en congé de maladie à demi-traitement à compter du 17 avril 2020 prorogé par lettre du 29 juin 2020 " ; - si la directrice du centre hospitalier a rapporté la décision relative à son traitement qui lui faisait grief, il a été une nouvelle fois placé à demi-traitement ; le centre hospitalier a souhaité soumettre son dossier d'accident du travail à la commission de réforme, mais celle-ci ne s'est jamais réunie, et le directeur des ressources humaines l'a invité à solliciter un congé de longue maladie si son état ne lui permettait pas de reprendre le travail ; il aurait dû être placé en arrêt de travail imputable au service ; cette situation lui a causé une perte de salaire, il est suivi en thérapie psychologique, et son bras atteint par l'accident n'a pas retrouvé sa mobilité. Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2023, le centre hospitalier de la Basse-Terre, représenté par la SELARL Minier, Maugendre et Associées, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - si la décision du 13 juin 2019 a admis M. B... à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 31 décembre 2019, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a informé l'intéressé, par un courrier du 23 octobre 2019, de ce qu'il était classé dans la catégorie sédentaire et ne pouvait être admis à la retraite avant l'âge de 62 ans ; cette décision non contestée est devenue définitive ; alors que M. B... ne remplissait pas les conditions d'attribution d'une pension de retraite, la décision du 13 juin 2019, qui n'avait pour effet ni de le radier des cadres, ni de lui accorder une pension de retraite, ne lui ouvrait aucun droit ; comme l'a jugé à bon droit le tribunal, le centre hospitalier était tenu de la retirer afin de placer M. B... dans une position régulière d'activité jusqu'à l'ouverture des droits à pension ; - M. B... a été victime d'un accident de service le 28 mai 2019, et ses arrêts de travail ont été pris en charge à ce titre jusqu'au 20 octobre 2019 ; après avoir présenté un certificat de rechute, il a été placé en arrêt de maladie au titre de l'accident de service jusqu'au 17 janvier 2020, mais une expertise médicale a conclu à l'absence d'imputabilité au service ; M. B... a donc été placé en congé de maladie ordinaire par un arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020, avec un passage à demi-traitement du 17 avril au 20 octobre 2020, en retardant l'application du demi-traitement au 1er juillet 2020 par le courrier d'accompagnement du même jour ; M. B... a présenté un recours gracieux par lettre du 3 juillet 2020, auquel il a été fait droit par un arrêté n° 2020/377/CHBT du 15 juillet 2020 qui a annulé l'arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020 et a placé M. B... en congé au titre de la rechute d'accident du travail jusqu'au 20 octobre 2020 ; cette décision de retrait non contestée est devenue définitive ; c'est ainsi à bon droit que le tribunal a jugé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation des décisions du 29 juin 2020, ce qui a nécessairement pour effet de rejeter les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020 . Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de la sécurité sociale ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., technicien supérieur hospitalier de première classe né le 25 avril 1961, qui était considéré comme relevant de la catégorie active du fait de l'exercice de fonctions de buandier, a été admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite à compter du 31 décembre 2019 par un arrêté de la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre du 13 juin 2019. Toutefois, par une décision du 23 octobre 2019, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) lui a refusé le bénéfice d'un départ anticipé à la date souhaitée, et par une décision du 5 décembre 2019, le directeur des ressources humaines du centre hospitalier a " annulé " l'arrêté du 13 juin 2019 et informé M. B... de ce qu'il devait reprendre son activité au moins jusqu'à l'âge de soixante-deux ans, à partir duquel il pourrait faire valoir ses droits à la retraite. 2.Par ailleurs, M. B... a été victime d'un accident de service le 28 mai 2019, et ses arrêts de travail ont été pris en charge à ce titre jusqu'au 20 octobre 2019. Il a ensuite pris un congé annuel du 21 octobre au 7 novembre 2019. Son médecin lui a prescrit un arrêt de travail à partir du 8 novembre 2019, en retenant une imputabilité à l'accident du travail, mais cette imputabilité n'a pas été retenue par le médecin expert désigné par l'administration. Par un arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020, la directrice du centre hospitalier a placé M. B... en congé de maladie à demi-traitement du 17 avril au 20 octobre 2020, en précisant dans le courrier d'accompagnement que dans l'attente de l'avis de la commission de réforme sur l'imputabilité au service, les arrêts de travail étaient considérés comme relevant de la maladie ordinaire à partir du 18 janvier 2020, et que dans un premier temps, le demi-traitement ne serait pas appliqué pour la période du 17 avril au 20 juin 2020 afin de permettre à M. B..., s'il le souhaitait, de déposer une demande de congé de longue maladie. 3. M. B... a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande d'annulation de la décision du 5 décembre 2019, ainsi que de la décision " contenue dans l'arrêté n° 2020/170/CHBT " le plaçant en congé de maladie à demi-traitement à compter du 17 avril 2020 " prorogée par lettre du 29 juin au 1er juillet 2020 ". Il relève appel du jugement du 12 avril 2022 par lequel le tribunal le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions initiale et modificative du 29 juin 2020 le plaçant en congé de maladie à demi-traitement respectivement du 17 avril au 20 octobre 2020 et du 1er juillet au 20 octobre 2020, et a rejeté le surplus de la demande. Sur la régularité du jugement : 4. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite de la requête dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. 5. Ainsi qu'il a été exposé au point 2, l'arrêté n° 2020/170/CHBT du 29 juin 2020 a placé M. B... en congé de maladie à demi-traitement du 17 avril au 20 octobre 2020, et le courrier d'accompagnement a indiqué que dans un premier temps, le demi-traitement ne serait pas appliqué pour la période du 17 avril au 20 juin 2020. Par un arrêté n° 2020/377/CHBT du 15 juillet 2020 postérieur à l'introduction de la requête de première instance, lequel avait acquis un caractère définitif à la date du jugement, la directrice du centre hospitalier a " annulé " l'arrêté du 29 juin 2020 et placé M. B... en congé pour rechute d'accident du travail à plein traitement jusqu'au 20 octobre 2020. Le litige relatif à la rémunération à demi-traitement dont le tribunal était saisi avait ainsi perdu son objet. En se bornant à faire valoir qu'il aurait été " une nouvelle fois placé à demi-traitement ", que la commission de réforme ne se serait jamais réunie et qu'il aurait dû être placé en arrêt de travail imputable au service, M. B... ne critique pas utilement le non-lieu à statuer prononcé par les premiers juges au regard des conclusions dont ils étaient saisis. 6. Dès lors que le tribunal a prononcé à bon droit un non-lieu sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du 29 juin 2020 plaçant M. B... en congé de maladie à demi-traitement jusqu'au 20 octobre 2020, il n'avait pas à se prononcer sur la légalité de ces décisions. Le jugement n'est ainsi pas entaché d'irrégularité. Sur la décision du 5 décembre 2019 : 7. Aux termes de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Un acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droits peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l'édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l'article L. 221-6. " 8. Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction applicable au litige : " I.- La liquidation de la pension intervient : / 1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins dix-sept ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. / (...). " L'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale fixait alors l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite à soixante-deux ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955. Aux termes de l'article 2 du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " (...) L'admission à la retraite est prononcée, après avis de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, par l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination. " Aux termes de l'article 61 du même décret : " Les pensions et les rentes viagères d'invalidité sont liquidées par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. " 9. La décision de la CNRACL du 23 octobre 2019 mentionnée au point 1, devenue définitive faute d'avoir été contestée, a refusé à M. B... le bénéfice d'un départ en retraite à l'âge de cinquante-huit ans aux motifs que ses fonctions de " blanchisseur " ne relevaient pas de la catégorie active et que la durée de ses services dans cette catégorie n'était que de 3 ans, 7 mois et 18 jours. Ainsi, la situation de M. B..., qui ne pouvait prétendre à une retraite anticipée au titre de la catégorie active et n'avait pas atteint l'âge de soixante-deux ans, n'ouvrait pas droit à la liquidation d'une pension de retraite à compter du 31 décembre 2019. Dans ces circonstances, l'arrêté du 13 juin 2019 par lequel la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre, qui n'avait pas recueilli l'avis de la CNRACL, l'a admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite à compter du 31 décembre 2019, n'a pas créé de droits à son bénéfice, et pouvait être abrogé par la décision du 5 décembre 2019. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a refusé d'annuler la décision du 5 décembre 2019 abrogeant l'arrêté du 13 juin 2019, ni à soutenir que c'est à tort qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande d'annulation des décisions du 29 juin 2020. 11. M. B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le centre hospitalier de la Basse-Terre à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de la Basse-Terre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au centre hospitalier de la Basse-Terre. Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024 à laquelle siégeaient : M. Luc Derepas, président de la cour, Mme Catherine Girault, présidente de chambre, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure. Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024. La rapporteure, Anne A... Le président, Luc DerepasLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22BX01885
Cours administrative d'appel
Bordeaux
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 12/11/2024, 23MA01766, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 2 octobre 2019, par laquelle le recteur de l'académie de Nice a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de sa maladie. Par un jugement n° 1905687 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2023, Mme C..., représentée par Me Bensa-Troin, doit être regardée comme demandant à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 26 janvier 2022 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision du 2 octobre 2019 ; 3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ; Elle soutient que : - la maladie dont elle souffre est imputable à l'exercice de ses fonctions, ainsi que l'a estimé l'expert désigné par le tribunal ; - c'est à tort, en revanche que ce même expert a considéré qu'elle n'effectuait pas des gestes correspondant à la description des travaux à réaliser dans le tableau 57B pour retenir une maladie professionnelle ; - c'est la raison pour laquelle, à titre subsidiaire, elle sollicite la désignation d'un nouvel expert. Une mise en demeure a été adressée le 10 juillet 2024 au recteur de l'académie de Nice. Un courrier du 11 septembre 2024 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2024, le recteur de l'académie de Nice conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée à sa date d'émission en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la sécurité sociale ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Isabelle Ruiz, rapporteure ; - les conclusions de M. François Point, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., professeure d'anglais au lycée Calmette, après qu'une épicondylite du coude droit lui a été diagnostiquée, a demandé le 3 septembre 2018 la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Le 26 septembre 2019, la commission départementale de réforme des Alpes-Maritimes a émis un avis défavorable à cette reconnaissance. Par une décision du 2 octobre 2019, le recteur de l'académie de Nice, suivant l'avis de la commission de réforme, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Mme C... a alors saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande qui a été regardée comme tendant à l'annulation de cette décision. Par un jugement avant-dire-droit du 26 janvier 2022, le tribunal administratif de Nice a prescrit une expertise. A la suite de la remise du rapport par l'expert le 18 mai 2022, par le jugement du 16 mai 2023, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Mme C... relève appel de ce jugement. Sur le bien-fondé du jugement : 2. Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, alors en vigueur au moment où la maladie affectant Mme C... a été diagnostiquée : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contracté en service définis aux II, III et IV du présent article (...)/ II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service./ (...) VI.- Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires (...) ". Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, dans sa rédaction applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit :/ (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...)/ Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite (...) ". 3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 4. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme C..., le recteur s'est fondé sur la circonstance que " la relation de cause à effet n'est pas en relation directe et exclusive avec la maladie professionnelle ". Cette décision a été prise au vu de l'avis de la commission de réforme émis lors de sa séance du 26 septembre 2019 au terme duquel la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie en cause devait être rejetée, faisant suite aux conclusions du médecin agréé et expert, le docteur D... qui considérait que la pathologie de Mme C... ne remplissait pas les conditions du tableau 57B et qu'elle devait être prise en compte dans le cadre de la maladie ordinaire. Un nouveau praticien a été saisi à la demande de l'appelante, le docteur A..., qui a conclu également que l'affectation ne pouvait être reconnue comme maladie professionnelle, que la profession exercée par l'intéressée n'était pas pourvoyeuse de tendinopathie et que les gestes déclarés par Mme C... constituaient des gestes de la vie courante. Enfin, l'expert désigné par le tribunal, le docteur B... a conclu dans son rapport établi le 16 mai 2022 tout à la fois que la pathologie du coude droit présentée par l'intéressée ne correspondait pas à l'une de celles désignées dans le tableau 57B des maladies professionnelles mentionnées aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et que cette pathologie présentait un lien direct et certain avec les fonctions exercées par Mme C.... 5. Cependant, d'une part et en tout état de cause, il n'appartenait pas aux médecins de se prononcer sur l'imputabilité au service au sens des dispositions des articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et d'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une maladie professionnelle ne suppose aucun rapport d'exclusivité et n'impose pas que l'activité professionnelle soit à l'origine de l'apparition de la pathologie, dont l'imputabilité au service peut être reconnue dès lors qu'elle est significativement aggravée dans le cadre de l'activité professionnelle. Il ressort de l'avis même de l'expert, le docteur B..., que la pathologie affectant Mme C... présente un lien direct et certain avec l'exercice de ses fonctions. Au regard de cet avis, qui n'est pas sérieusement contesté par l'administration, l'imputabilité à l'activité professionnelle de la pathologie déclarée par Mme C... et affectant son coude droit doit être reconnue et la décision du 2 octobre 2019 refusant la reconnaissance de cette imputabilité doit être annulée. 6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 octobre 2019. Sur la charge des frais d'expertise : 7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat les frais et honoraires de l'expertise du docteur B... qui ont été liquidés et taxés à la somme de 1 170 euros par ordonnance du 28 février 2022 de la présidente du tribunal administratif de Nice, antérieurement mis à la charge de Mme C... par le jugement annulé. D É C I D E : Article 1er : La décision du 2 octobre 2019 et le jugement du 16 mai 2023 sont annulés. Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 1 170 euros sont mis à la charge définitive de l'Etat. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au recteur de l'académie de Nice. Copie en sera adressée à l'expert, le docteur B.... Délibéré après l'audience du 28 octobre 2024, où siégeaient : - M. Alexandre Badie, président de chambre, - M. Renaud Thielé, président assesseur, - Mme Isabelle Ruiz, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 novembre 2024. N° 23MA01766 2
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 2ème chambre, 08/11/2024, 22MA01822, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 7 mars 2019 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre et d'enjoindre à la commune de reconnaître cette pathologie comme maladie professionnelle imputable au service depuis le 13 juin 2014. Par un jugement n° 1901189 du 27 mai 2022, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 7 mars 2019 du maire de Six-Fours-les-Plages refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par M. E... et a enjoint au maire de la commune de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie déclarée par M. E... avec toutes les conséquences qui s'y attachent, dans un délai de trois mois. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés le 29 juin 2022, le 25 juillet 2022 et le 5 septembre 2022, la commune de Six-Fours-les-Plages, représentée par la SELARL Grimaldi et associés, agissant par Me Grimaldi, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon n° 1901189 du 27 mai 2022 ; 2°) de mettre à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la requête de première instance était irrecevable en application de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - la pathologie dont souffre M. E... n'est pas imputable au service. Par un mémoire, enregistré le 10 août 2022, M. E..., représenté par Me Coureau, demande à la cour : 1°) d'annuler la décision du maire de Six-Fours-les-Plages du 7 mars 2019 ; 2°) d'enjoindre au maire de Six-Fours-les-Plages de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie depuis le 13 juin 2014 et en tirer toutes les conséquences ; 3°) d'enjoindre au maire de Six-Fours-les-Plages de le placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service dans l'attente de sa mise à la retraite pour invalidité ; 4°) d'enjoindre à la commune de Six-Fours-les-Plages de lui verser de manière rétroactive l'intégralité de la rémunération qui aurait dû lui être versée depuis le début de son arrêt de travail en date du 13 juin 2014 ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - sa requête en première instance était recevable ; - l'attitude de sa hiérarchie à son égard constitue une sanction déguisée illégale ; - il est victime de harcèlement moral ; - les problèmes rencontrés dans l'exercice de sa profession sont à l'origine de ses troubles dépressifs. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Rigaud ; - les conclusions de M. Gautron, rapporteur public ; - et les observations de Me Bouarfa, représentant la commune de Six-Fours-les-Plages. Considérant ce qui suit : 1. La commune de Six-Fours-les Plages interjette appel du jugement du 27 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2018 ainsi qu'à la réparation des préjudices en résultant. Sur la recevabilité de la demande de première instance : 2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " (...) La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. ". 3. La demande présentée par M. E... devant le tribunal, qui tendait, d'une part, à l'annulation de la décision du 7 mars 2019 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont il souffre et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au maire de reconnaître cette pathologie comme maladie professionnelle imputable au service depuis le 13 juin 2014, était assortie d'un exposé des faits et de moyens suffisamment précis, à l'appui de ces conclusions. En particulier, M. E... a fait valoir que la pathologie dont il souffre était imputable au service. La commune de Six-Fours-les-Plages n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir opposée selon laquelle la demande ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Sur le bienfondé du jugement : 4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ". Il résulte de la combinaison des dispositions de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires et de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 qu'un fonctionnaire qui souffre d'une maladie contractée ou aggravée en service a droit à un congé de maladie à plein traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. 5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. 6. Il ressort des pièces du dossier que M. E... souffre de troubles dépressifs en raison desquels il a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 13 juin 2014, puis en congé de longue maladie. Pour refuser de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, le maire de Six-Fours-les-Plages a retenu l'absence de lien direct et certain entre cette dernière et l'activité professionnelle, suivant ainsi l'avis émis par la commission de réforme le 21 février 2019. La commune de Six-Fours-les-Plages se prévaut du rapport d'expertise du Dr D..., médecin psychiatre, en date du 19 septembre 2017, qui conclut à l'absence d'imputabilité au service de la pathologie de M. E..., et des avis émis par la commission de réforme le 24 mai 2018 et le 7 mars 2019. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de l'expertise médicale réalisée par le Dr C..., médecin psychiatre agréé et chef de service au centre hospitalier Sainte-Marie à Nice, dont la valeur probante n'est pas remise en cause par la circonstance qu'elle a été réalisée à la demande de M. E..., que les conditions de survenue de la décompensation psychopathologique de l'intéressé permettent de retenir l'existence d'un lien direct avec les conditions de travail. Ces conclusions sont corroborées d'une part par les témoignages de collègues de travail de M. E... et d'autre part par le signalement effectué par le Dr B..., médecin du travail, auprès du service d'aide au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés au mois de juin 2014, après avoir constaté l'existence d'un risque psycho-social affectant l'agent, particulièrement suite à son isolement physique dans un bureau individuel de la mairie à compter de 2012. Si, par ailleurs, la commune de Six-Fours-les-Plages invoque l'existence de circonstances permettant selon elle de détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service, tenant aux difficultés induites par la gestion, par M. E..., de la mise sous-tutelle de ses deux parents, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que ces difficultés aient entraîné de troubles psychologiques chez l'agent, qui, par ailleurs, ne présente aucun antécédent de cette nature. Dans ces conditions, les premiers juges ont pu, à bon droit, rattacher les troubles dépressifs subis par l'agent à son activité professionnelle, qui ne s'expliquent, dans leur gravité, par aucun antécédent ou cause extérieure à l'exercice de la profession. 7. La commune de Six-Fours-les-Plages n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 7 mars 2019 par laquelle le maire de Six-Fours-les-Plages a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de M. E.... Sur l'injonction : 8. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 sont applicables, s'agissant des agents relevant du statut de la fonction publique territoriale, depuis le 13 avril 2019, date d'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019, relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service pour la fonction publique territoriale. Les droits des agents en matière d'accident de service ou de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée. 9. En l'espèce, les troubles dépressifs dont souffre M. E... sont apparus en 2014, soit antérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 10 avril 2019. Il n'est donc pas fondé à demander à la cour qu'il soit enjoint à la commune de Six-Fours-les-Plages de le placer en congé d'invalidité temporaire imputable au service jusqu'à sa mise à la retraite pour invalidité. 10. L'exécution du présent arrêt n'appelle pas d'autre mesure d'exécution que celles que les premiers juges ont déjà enjoint à la commune de Six-Fours-les-Plages de prendre. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. E... dans la présente instance. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Six-Fours-les-Plages au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 1 500 euros à verser à M. E.... D É C I D E : Article 1er : La requête de la commune de Six-Fours-les-Plages est rejetée. Article 2 : La commune de Six-Fours-les-Plages versera à M. E... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Les surplus des conclusions de M. E... est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la commune de Six-Fours-les-Plages. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient : - Mme Cécile Fedi, présidente de chambre, - Mme Lison Rigaud, présidente assesseure, - M. Jérôme Mahmouti, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2024. 2 N° 22MA01822
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 07/11/2024, 22VE01176, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans, à titre principal, d'annuler la décision du 6 novembre 2017 par laquelle le centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy a rejeté sa réclamation préalable formée à l'encontre du titre de perception émis par la direction départementale des finances publiques d'Indre-et-Loire le 28 juillet 2017, ainsi que la décision du 13 juin 2018 par laquelle cette direction a rejeté sa réclamation préalable dirigée contre la mise en demeure du 23 mars 2018 et de prononcer la décharge de son obligation de payer la somme principale de 16 957 euros ainsi que la somme de 1 696 euros au titre des majorations, à titre subsidiaire, de prononcer la remise gracieuse de sa dette, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1902164 du 22 mars 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 16 mai 2022 et 15 mars 2024, M. B..., représenté par Me Moumni, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision du 6 novembre 2017, ensemble le titre de perception du 28 juillet 2017, ainsi que la décision du 13 juin 2018 par laquelle cette direction a rejeté sa réclamation préalable dirigée contre la mise en demeure du 23 mars 2018 ; 3°) à titre subsidiaire, de lui accorder la remise gracieuse de la régularisation qui lui est demandée pour un trop-perçu d'un montant de 16 957 euros, ainsi que de la somme de 1 696 euros qui lui est réclamée à titre de majoration ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué est manifestement entaché d'une erreur de droit et de fait dès lors qu'il retient que le titre de perception litigieux est suffisamment motivé ; - il est entaché d'une erreur de droit et de fait au regard des règles de prescriptions énoncées notamment par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ; - il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, la décision refusant de faire droit à sa demande de remise gracieuse étant entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ; - le titre de perception en litige est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 24 et de celles des articles 112 et suivants du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 dès lors que l'indication des montants de la créance ne suffit pas à justifier de la réalité des sommes réclamées ; - le créance litigieuse n'était ni liquide, ni certaine, ni exigible lors de l'émission du titre de perception ; - la créance d'un montant de 16 628,53 euros était prescrite, conformément aux dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ; - la décision rejetant sa demande de remise gracieuse est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit et repose à tout le moins sur une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'affaire dès lors que la procédure de recouvrement méconnaît l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 et l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 ; il est sans emploi. Par un mémoire en défense, enregistré le 9 février 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. B.... Il soutient que : - la demande était tardive, M. B... ayant été informé dans le courrier du 20 mars 2017 que le titre de perception pouvait faire l'objet d'un recours, sous la forme de l'opposition à l'exécution du titre prévue par les articles 117 et 118 du décret du 7 novembre 2012, cette démarche étant un préalable obligatoire à toute saisine de la juridiction administrative ; M. B... ne justifie pas en quoi l'imprécision dont il se prévaut serait à l'origine de la tardiveté de son recours ; - subsidiairement, les bulletins de solde constituent une preuve suffisante du versement effectif des sommes en question ; - sur les conclusions dirigées contre la mise en demeure du 23 mars 2018, seul le moyen tiré de la prescription est opérant ; la créance n'était pas prescrite lors de l'émission du titre ; - sur les conclusions tendant à la remise gracieuse, ces conclusions sont irrecevables ; si M. B... demande l'annulation de la décision de refus de remise gracieuse, il n'apporte aucun élément de nature à établir son impossibilité de s'acquitter de sa dette ; - il s'en remet pour le surplus à ses écritures de première instance. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - la loi n° 50-772 du 30 juin 1950 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le décret n° 51-1185 du 11 octobre 1951 ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Camenen, - et les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., adjudant-chef de l'armée de terre, relève appel du jugement du 22 mars 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du centre expert des ressources humaines et de la solde de Nancy du 6 novembre 2017 rejetant sa réclamation préalable formée à l'encontre du titre de perception émis le 28 juillet 2017 et mettant à sa charge le reversement d'un indu de rémunération de 16 957 euros, ainsi que de la décision du 13 juin 2018 rejetant sa réclamation préalable dirigée contre le commandement de payer du 23 mars 2018, et à ce que soit prononcée la décharge de l'obligation de payer cette somme ainsi que de la somme de 1 696 euros au titre des majorations, à titre subsidiaire, à ce que soit prononcée la remise gracieuse de sa dette. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. B... soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit, d'erreurs de fait et d'erreurs manifestes d'appréciation, de tels moyens, qui sont relatifs au bien-fondé de ce jugement, sont sans incidence sur sa régularité et ne peuvent utilement être invoqués en appel. Ils doivent, par suite, être écartés. Au fond : En ce qui concerne le moyen opposé par le ministre des armées et tiré de la tardiveté de la demande de première instance : 3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Il résulte de ces dispositions que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle. 4. Il résulte de l'instruction que le titre de perception en litige émis le 28 juillet 2017 ne comporte pas la mention des voies et délais de recours. Si le courrier du 20 mars 2017 informant M. B... de la régularisation d'un trop-versé de solde indique que " seul le titre de perception notifié peut faire l'objet d'un recours, sous la forme de l'opposition à l'exécution de titre prévue par les articles 117 et 118 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique " et que " cette démarche est un préalable obligatoire à toute saisine de la juridiction administrative ", d'une part, cette information ne figure pas dans la notification de la décision au sens des dispositions précitées de l'article R. 421-5 du code de justice administrative et, d'autre part, elle n'indique pas si le recours contentieux doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et dans quel délai. Ces mentions ne sont donc pas suffisantes pour faire courir le délai de recours. En outre, si le courrier du 6 novembre 2017 rejetant la réclamation préalable de M. B... précise qu'il peut contester ce rejet " devant la juridiction compétente, dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la présente décision, conformément aux dispositions prévues aux articles 118 et 119 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ", ces mentions ne sont, en tout état de cause, pas davantage suffisantes en ce qui concerne la juridiction concernée pour faire courir les délais de recours. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre des armées doit être écartée. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation du titre de perception, du commandement de payer et de décharge de l'obligation de payer la somme de 16 957 euros : 5. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Ces dispositions imposent à la personne publique qui émet un état exécutoire d'indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases de la liquidation. 6. Il résulte de l'instruction que le titre de perception litigieux mentionne les indemnités et cotisations répétées à titre de paiements indus, ainsi que les périodes concernées. Il se réfère à la lettre adressée à M. B... par le centre expert des ressources humaines et de la solde le 20 mars 2017, qui détaille les montants en cause pour chaque composante de la créance et que l'intéressé a nécessairement reçue ainsi qu'il résulte de son courriel du 28 mars 2017. Par ailleurs, il ne résulte pas des articles 112 et suivants du décret du 7 novembre 2012 précité, contrairement à ce que soutient le requérant, que le titre de perception devrait indiquer les éléments de preuve du bien-fondé de la créance. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du titre de perception doit être écarté. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. (...). ". 8. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil. Il en résulte que tant la lettre par laquelle l'administration informe un agent public de son intention de répéter une somme versée indûment qu'un ordre de reversement ou un titre exécutoire interrompent la prescription à la date de leur notification. La preuve de celle-ci incombe à l'administration. 9. D'une part, il résulte de l'instruction que M. B... a perçu, sur sa solde de juillet 2013, une avance d'un montant de 16 628,53 euros au titre de l'indemnité d'éloignement à laquelle il avait droit en raison de son affectation à venir sur l'archipel des Crozet, puis a perçu la première fraction de cette indemnité, d'un montant de 16 741,40 euros, sur sa solde d'octobre 2013 avant de recevoir la deuxième fraction de cette indemnité, de même montant, sur sa solde de juillet 2017. Il n'est pas contesté qu'il ne pouvait prétendre qu'à une indemnité d'éloignement d'un montant total de 33 482,80 euros. L'existence d'un trop-versé d'un montant de 16 628,53 euros n'a été révélée que lors du versement de la deuxième fraction de l'indemnité d'éloignement à M. B... en juillet 2017. Cette créance n'était donc pas prescrite lors de l'émission du titre de perception le 28 juillet 2017, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ce trop-versé n'était pas encore constitué lorsque l'administration a informé M. B... de son existence dans son courrier précité du 20 mars 2017. 10. D'autre part, il résulte de l'instruction que les créances réclamées au titre de la nouvelle bonification indiciaire correspondent quant à elles à des sommes versées sur les soldes d'août 2015 à juillet 2016. Ces créances ne sont, dès lors, pas non plus prescrites, la lettre du 20 mars 2017 ayant interrompu la prescription. 11. En troisième lieu, aux termes de l'article 2 de la loi du 30 juin 1950 fixant les conditions d'attribution des soldes et indemnités des fonctionnaires civils et militaires relevant du ministère de la France d'outre-mer, les conditions de recrutement, de mise en congé ou à la retraite de ces mêmes fonctionnaires : " Pour faire face aux sujétions particulières inhérentes à l'exercice de la fonction publique dans les territoires d'outre-mer, les fonctionnaires civils visés à l'article 1er recevront : (...) / 2° Une indemnité destinée à couvrir les sujétions résultant de l'éloignement pendant le séjour et les charges afférentes au retour, accordée au personnel appelé à servir en dehors soit de la métropole, soit de son territoire, soit du pays ou territoire où il réside habituellement, qui sera déterminée pour chaque catégorie de cadres à un taux uniforme s'appliquant au traitement et majorée d'un supplément familial. Elle sera fonction de la durée du séjour et de l'éloignement et versée pour chaque séjour administratif, moitié avant le départ et moitié à l'issue du séjour. (...) / Le complément spécial et l'indemnité d'éloignement seront attribués par décret au personnel militaire en service dans les territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer dans les mêmes formes et délais que pour les fonctionnaires civils. ". Et aux termes de l'article 7 du décret du 11 octobre 1951 modifiant les régimes de rémunération et des prestations familiales des militaires à solde mensuelle et à solde spéciale progressive entretenus au compte du budget du ministère de la France d'outre-mer dans les territoires relavant dudit ministère : " II. - L'indemnité d'éloignement prévue par l'article 2, alinéa 2 de la loi n° 50-772 du 20 juin 1950, est allouée dans les mêmes conditions, qu'aux personnels civils des cadres généraux, aux militaires à solde mensuelle et à solde spéciale progressive appelés à servir en dehors, soit de la métropole, soit du territoire où ils sont en service, soit du pays ou territoire où ils résident habituellement. (...) / III. - L'indemnité d'éloignement est payable en deux fractions égales, l'une avant le départ, l'autre au retour, fixées chacune d'après les soldes métropolitaines en vigueur au moment de sa liquidation et en fonction de l'éloignement et de la durée du séjour. (...). ". 12. Ainsi qu'il a été dit au point 9, il n'est pas contesté que le montant total de l'indemnité d'éloignement à laquelle avait droit M. B... au titre de son affectation au sein de l'archipel des Crozet était de 33 482,80 euros et il résulte de l'instruction que M. B... a bénéficié d'une avance sur son indemnité d'éloignement sur sa solde de juillet 2013 d'un montant de 16 628,53 euros, puis de la première fraction de cette indemnité d'un montant de 16 741,40 euros en octobre 2013 et, enfin, de la deuxième fraction de cette indemnité d'un même montant en juillet 2017. La preuve de ces versements est suffisamment établie par les bulletins de solde produits par l'administration en première instance. Ainsi, lors de l'émission du titre de perception litigieux, il existait un trop-versé de solde au bénéfice de M. B... d'un montant de 16 628,53 euros. Par suite, cette créance était certaine, liquide et exigible lors de l'émission du titre de perception en litige. 13. Enfin, il résulte de l'instruction, en particulier du mémoire en défense produit par le ministre des armées en première instance auquel il se rapporte expressément en appel, que l'analyse du centre expert des ressources humaines et de la solde a mis en évidence l'existence d'un trop-versé d'indemnité d'éloignement à M. B... de 16 628,53 euros et d'un trop-versé de nouvelle bonification indiciaire de 404,63 euros, soit au total déduction faite des cotisations sociales, d'un montant net global de 15 485,87 euros. Ainsi, le titre de recettes litigieux comporte une erreur de calcul au détriment de M. B.... Il y a lieu de la rectifier et de ramener le montant de la créance résultant du titre de perception litigieux à la somme de 15 485,87 euros et d'annuler dans cette mesure le titre de recettes. En ce qui concerne les conclusions à fin de remise gracieuse : 14. L'octroi d'une remise gracieuse n'est qu'une simple faculté pour l'administration. La décision refusant une remise gracieuse ne peut être utilement déférée au juge de l'excès de pouvoir que si elle est entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit ou si elle repose sur une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'affaire. 15. En se prévalant de ce que la procédure de recouvrement méconnaît les dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 et celle de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, M. B... n'établit pas que la décision contestée repose sur des faits matériellement inexacts ou qu'elle est entachée d'une erreur de droit. En tout état de cause, ces circonstances ne sont pas établies, compte tenu de ce qui a été énoncé aux points précédents. Par ailleurs, les circonstances que M. B... a formulé une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et qu'il est demandeur d'emploi titulaire d'une pension militaire d'invalidité d'un montant mensuel de 153 euros ne sont pas, à elles seules, de nature à établir qu'il est dans l'impossibilité de rembourser la somme réclamée par l'administration et qu'une erreur manifeste d'appréciation aurait été commise. 16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande, la somme mise à sa charge par le titre de recettes du 28 juillet 2017 devant être ramenée à la somme de 15 485,87 euros. Sur les frais liés à l'instance : 17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. B... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DECIDE : Article 1er : Le jugement n° 1902164 du tribunal administratif d'Orléans du 22 mars 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation du titre de recettes émis à son encontre le 28 juillet 2017 en tant qu'il excède la somme de 15 485,87 euros et à la décharge de la somme excédant celle de 15 485,87 euros prévue par ce titre. Article 2 : Le titre de recettes émis à l'encontre de M. B... le 28 juillet 2017 est annulé en tant qu'il excède la somme de 15 485,87 euros. Article 3 : M. B... est déchargé de la somme de 1 471,13 euros correspondant à la différence entre la somme de 16 957 euros mise à sa charge par le titre de recettes émis à son encontre le 28 juillet 2017 et celle de 15 485,87 euros. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Signerin-Icre, présidente, M. Camenen, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024. Le rapporteur, G. CAMENENLa présidente, C. SIGNERIN-ICRE La greffière, V. MALAGOLILa République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 22VE01176 2
Cours administrative d'appel
Versailles
Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 07/11/2024, 472707, Publié au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Par une décision n° 435323 du 29 septembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt n° 17NT03250 du 5 juillet 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. A... D... contre le jugement n° 1500510 du 30 mai 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande et celle qu'il avait formée au nom de ses enfants mineurs, E... et C..., tendant à la condamnation de l'Etat à les indemniser des préjudices qu'ils estiment avoir subis à la suite d'une vaccination obligatoire contre l'hépatite B. Par un arrêt n° 21NT02781 du 3 février 2023, la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté la requête de M. D..., agissant tant en son nom propre qu'en celui de son fils, et G... Mme E... D..., devenue majeure. Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 avril et 4 juillet 2023 et le 15 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D..., agissant tant en son nom propre qu'en celui de son fils, et Mme E... D... demandent au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code civil ; - le code de la santé publique ; - le code du service national ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport G... Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. D... et autres ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D..., vacciné en 1994 et 1995 contre le virus de l'hépatite B, à titre obligatoire, pendant son service national, a souffert à partir de septembre 1995 de divers troubles qu'il a attribués à cette vaccination, en lien avec une myofasciite à macrophages par ailleurs diagnostiquée en 1997. Il a bénéficié pour ce motif, à partir de 2001, d'une pension militaire d'invalidité. Le ministre de la défense a toutefois rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices non réparés par cette pension, par une décision du 17 mars 2015. Par un jugement du 30 mai 2017, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. D..., agissant en son nom propre et pour le compte de ses enfants mineurs, tendant à l'indemnisation de ces préjudices sur le fondement de l'article L. 62 du code du service national. Par une décision du 29 septembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Nantes avait rejeté son appel contre ce jugement et renvoyé l'affaire devant la même cour administrative d'appel. L'intéressé, agissant tant en son nom propre qu'en celui de son fils C..., mineur à la date d'introduction du pourvoi, et sa fille, Mme E... D..., désormais majeure, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 3 février 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, après avoir, en application de l'article R. 625-3, devenu l'article R. 626-3, du code de justice administrative, invité l'Académie nationale de médecine à produire des observations d'ordre général destinées à l'éclairer sur la solution à donner au litige, a de nouveau rejeté son appel contre le jugement de première instance. Sur le pourvoi en cassation de M. D... et autres : 2. Saisis d'un litige individuel portant sur la réparation des conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, il appartient aux juges du fond, dans un premier temps, non pas de rechercher si le lien de causalité entre la vaccination et l'affection présentée est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant eux, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Il leur appartient ensuite, soit, s'il ressort de cet examen qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination obligatoire subie par la victime et les symptômes qu'elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination. 3. Pour rejeter la demande d'indemnisation de M. D..., la cour administrative d'appel a, aux points 3 à 6 de son arrêt, analysé les observations d'ordre général de l'Académie nationale de médecine qu'elle avait sollicitées, et en a déduit, au point 7, qu'" en l'état des connaissances scientifiques (...), aucune probabilité d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B contenant ou non un adjuvant aluminique et la survenue de symptômes pouvant se rattacher aux manifestations cliniques caractéristiques d'une myofasciite à macrophages ne peut être retenue ". 4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des travaux scientifiques, conduits pour l'essentiel par une équipe du centre hospitalier universitaire Henri Mondor à partir de 1998, ont formulé l'hypothèse d'un lien entre l'administration de vaccins comportant des adjuvants à base de sels d'aluminium et la survenance d'un ensemble de symptômes de douleurs musculaires et articulaires, d'asthénie et de troubles cognitifs rattachés à la myofasciite à macrophages et qu'en 1999, puis à nouveau en 2002, l'Organisation mondiale de la santé a recommandé de mener des recherches complémentaires sur cette question. Les observations d'ordre général de l'Académie nationale de médecine, sollicitées par la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir rappelé ces éléments, indiquent que les recherches ultérieures, ainsi que plusieurs rapports consacrés aux adjuvants vaccinaux par l'Académie nationale de médecine en 2012, le Haut conseil de la santé publique en 2013 et l'Académie nationale de pharmacie en 2016, ont permis d'établir un lien entre les vaccinations comportant, à l'instar de celle reçue par M. D..., des adjuvants à base de sels d'aluminium et l'existence de lésions histologiques autour du site d'injection, constitutives de la myofasciite à macrophages, mais n'ont jamais validé l'association entre ces lésions et les signes cliniques mentionnés ci-dessus et relevés chez certains des patients qui en étaient atteints, ce dont elles concluent que le " rôle éventuel [des adjuvants à base de sels d'aluminium] dans la mise en œuvre d'une maladie clinique générale, qu'elle soit inflammatoire et/ou auto-immune (...) n'est pas démontré à ce jour ". 5. Il résulte de l'ensemble des éléments relevés par l'arrêt attaqué et rappelés au point 4 ainsi que des autres pièces du dossier soumis aux juges du fond que si aucun lien de causalité n'a pu être établi à ce jour entre l'administration de vaccins contenant des adjuvants à base de sels d'aluminium et des symptômes de douleurs musculaires et articulaires, d'asthénie et de troubles cognitifs susceptibles d'être rattachés aux lésions histologiques caractéristiques de la myofasciite à macrophages retrouvées, chez les patients concernés, autour du site d'injection, l'hypothèse qu'un tel lien existe a été envisagée par des travaux de recherche scientifique ayant donné lieu à des publications dans des revues reconnues, qui ne sont pas formellement démentis par les données actuelles de la science, notamment pas par les observations d'ordre général de l'Académie nationale de médecine précédemment mentionnées, qui se bornent à faire la synthèse de travaux déjà connus, sans s'appuyer sur des travaux de recherche ou une méthodologie d'analyse nouveaux, et qui ne concluent, au demeurant, qu'à l'absence de démonstration de l'existence d'un lien entre vaccin contenant des adjuvants aluminiques et symptômes déjà mentionnés. Dès lors, en jugeant qu'au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, il n'y avait aucune probabilité qu'existe un lien entre ces symptômes et la vaccination contre l'hépatite B, la cour administrative d'appel de Nantes a inexactement qualifié les faits de la cause. 6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de leur pourvoi, M. D... et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. 7. Conformément au second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il incombe au Conseil d'Etat, statuant au contentieux de régler l'affaire au fond. Sur le règlement du litige : En ce qui concerne l'exception de prescription retenue par le tribunal administratif : 8. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 62 du code du service national : " Nonobstant les dispositions régissant les régimes de couverture sociale qui leur sont propres, les jeunes gens accomplissant les obligations du service national, victimes de dommages corporels subis dans le service ou à l'occasion du service, peuvent, ainsi que leurs ayants droit, obtenir de l'Etat, lorsque sa responsabilité est engagée, une réparation complémentaire destinée à assurer l'indemnisation intégrale du dommage subi, calculée selon les règles du droit commun. " Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics visée ci-dessus : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. " Dans le cas d'indemnisation d'un dommage corporel, le délai de cette prescription commence à courir au premier jour de l'année suivant la date de consolidation du dommage. Enfin, aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance. / (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption ". 9. Il résulte de l'instruction que si le rapport de l'expertise réalisée en mai 2014 par le Dr B... à la demande de l'administration indique qu'une certaine stabilité clinique semble avoir été constatée chez M. D... après 2007, plusieurs documents médicaux versés au dossier, notamment, outre ce rapport, le compte-rendu d'expertise du Dr F... de juin 2010 et le bilan d'hospitalisation à l'Institution nationale des Invalides en juillet 2017, mettent en évidence, de manière concordante, la difficulté à fixer la date de consolidation de l'état de santé de l'intéressé en raison du caractère évolutif de certains des symptômes dont il est atteint. Il en ressort toutefois que cette date ne pouvait être antérieure à 2010. Dès lors, l'action en réparation n'était pas prescrite le 13 novembre 2013, date à laquelle M. D... a formé sa demande indemnitaire préalable. 10. Il suit de là que M. D... et autres sont fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans qui a fait droit à l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre pour rejeter la demande indemnitaire dont il était saisi. 11. Il appartient au Conseil d'Etat, saisi du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande présentée par M. D... et autres devant le tribunal administratif d'Orléans. En ce qui concerne la demande de première instance : Quant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat : 12. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, la probabilité de l'existence d'un lien de causalité entre l'administration d'un vaccin contenant des adjuvants à base de sels d'aluminium et les symptômes de douleurs musculaires et articulaires, d'asthénie et de troubles cognitifs susceptibles d'être rattachés à la myofasciite à macrophages ne peut, dans le dernier état des connaissances scientifiques, être regardée comme exclue. Il y a donc lieu, de faire application des principes énoncés au point 2, en examinant, dans les circonstances de l'espèce, si les symptômes sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de l'état de santé antérieur ou des antécédents de l'intéressé et, par ailleurs, s'il ne ressort pas du dossier qu'ils peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que la vaccination litigieuse. 13. Il résulte de l'instruction, notamment des documents médicaux produits au dossier, que M. D..., qui a reçu, les 3 mai, 29 juin, 22 août 1994 et le 8 février 1995 des injections du vaccin contre l'hépatite B, contenant des adjuvants à base de sels d'aluminium, a ressenti à partir de septembre 1995 des troubles consistant en des douleurs musculaires, et un état d'essoufflement et de fatigue généralisée, qui se sont aggravés et ont conduit à plusieurs hospitalisations à partir de décembre 1995, et auxquels se sont ajoutés des troubles cognitifs. Une biopsie réalisée en mars 2017 a mis en évidence des lésions de myofasciite à macrophages autour des sites d'injection. Le délai d'apparition des symptômes, inférieur à un an, peut être considéré comme normal pour une affection liée à la myofasciite à macrophages et se caractérisant par les symptômes manifestés. Contrairement à ce que soutient le ministre de la défense et des armées, il ne résulte pas de l'instruction qu'une autre cause que les vaccinations reçues par l'intéressé puisse être retenue pour expliquer ces symptômes. Il en résulte que, dans les circonstances de l'espèce, le lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B reçue par M. D... dans le cadre de son service national et les symptômes dont il est atteint doit être regardé comme établi et que, dès lors, l'intéressé est fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée au titre des dispositions de l'article L. 62 du code du service national. Quant à l'indemnisation des préjudices subis par M. D... : 14. En premier lieu, M. D... est fondé à réclamer la compensation des souffrances endurées à titre temporaire, que le rapport d'expertise du Dr B... réalisé le 23 mai 2014 évalue à " au minimum " un niveau de 5 sur une échelle allant jusqu'à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à 20 000 euros. 15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. D... subit un préjudice esthétique résultant notamment de troubles de la marche nécessitant l'utilisation d'une canne pour les distances supérieures à un kilomètre. Il en sera fait une juste appréciation en le fixant à 3 000 euros. 16. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. D... a été contraint, en raison de son état de santé, de renoncer à plusieurs activités exigeant un effort physique, notamment la pratique du karaté qu'il exerçait à haut niveau. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'agrément en le fixant à 2 000 euros. Quant à l'indemnisation des préjudices subis par M. C... D... et Mme E... D... : 17. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les enfants de M. D... du fait de la dégradation de l'état de santé de leur père, en allouant à ce titre la somme de 3 000 euros à son fils, M. C... D..., qui est désormais majeur, et la même somme à sa fille, Mme E... D.... 18. Il résulte de tout ce qui précède qu'il convient de condamner à l'Etat à verser à M. A... D... la somme de 25 000 euros et la somme de 3 000 euros chacun à M. C... D... et Mme E... D.... Quant aux intérêts : 19. Conformément à l'article 1231-6 du code civil, M. D... et autres ont droit aux intérêts au taux légal afférents aux sommes indiquées au point 18 à compter du 13 novembre 2013, date de la demande préalable à l'administration. Sur les frais d'instance : 20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 5 000 euros à verser à M. D... et autres au titre des frais exposés par eux devant le Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Nantes et le tribunal administratif d'Orléans. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'arrêt du 3 février 2023 de la cour administrative de Nantes est annulé. Article 2 : Le jugement du 30 mai 2017 du tribunal administratif d'Orléans est annulé. Article 3 : L'Etat versera les sommes de 25 000 euros à M. A... D... et de 3 000 euros chacun à Mme E... D... et M. C... D..., avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2013. Article 4 : L'Etat versera à M. D... et autres la somme globale de 5 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par M. D... et autres est rejeté. Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... D..., premier dénommé, et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré à l'issue de la séance du 9 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, M. Stéphane Hoynck, M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, conseillers d'Etat et Mme Amel Hafid, maîtresse des requêtes en service extraordinaire, rapporteure. Rendu le 7 novembre 2024. Le président : Signé : M. Jacques-Henri Stahl La rapporteure : Signé : Mme Amel Hafid Le secrétaire : Signé : M. Bernard LongierasECLI:FR:CECHR:2024:472707.20241107
Conseil d'Etat
Conseil d'État, 7ème chambre, 06/11/2024, 491101, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 19 janvier 2021 par laquelle le directeur du service des retraites de l'Etat a rejeté sa demande d'octroi d'une bonification au titre de sa pension de retraite et d'enjoindre au service des retraites de l'Etat de réexaminer sa demande. Par une ordonnance n° 2101582 du 4 décembre 2023, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 janvier et 11 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. François-Xavier Bréchot, maître des requêtes, - les conclusions de M. Nicolas Labrune, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., professeur d'enseignement technique, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2014. Par lettre du 17 décembre 2020, il a demandé au service des retraites de l'Etat de réviser sa pension afin de prendre en compte la bonification accordée aux professeurs de l'enseignement technique, sur le fondement des dispositions, en vigueur jusqu'au 1er juillet 2011, du h de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Cette demande a été rejetée par une décision du 19 janvier 2021. Par une ordonnance du 4 décembre 2023, contre laquelle M. B... se pourvoit en cassation, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme manifestement irrecevable en raison de sa tardiveté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit procédé à une nouvelle liquidation de sa pension de retraite. 2. D'une part, aux termes de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " (...) la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / A tout moment en cas d'erreur matérielle ; / Dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. / (...) ". 3. D'autre part, aux termes du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, les présidents de formation de jugement des tribunaux peuvent, par ordonnance, " rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ". 4. La question de savoir si une demande de révision de pension a été présentée à l'administration dans le délai imparti par les dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite n'est pas relative à la recevabilité de la requête soumise à la juridiction administrative mais à son bien-fondé. Ainsi, en rejetant comme manifestement irrecevable, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de rejet de sa demande de révision de sa pension de retraite, motif pris de ce qu'elle avait été présentée après l'expiration du délai d'un an suivant la notification de la décision de concession de la pension, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a commis une erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative. 7. Le h de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoyait, jusqu'à son abrogation par le I de l'article 49 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, que s'ajoutait aux services effectifs " la bonification accordée aux professeurs d'enseignement technique au titre du stage professionnel exigé pour avoir le droit de se présenter au concours par lequel ils ont été recrutés ". / (...) ". En vertu du II de l'article 49 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, les fonctionnaires recrutés avant le 1er janvier 2011 ont conservé, pour les périodes antérieures à cette date, le bénéfice des dispositions du h de cet article L. 12 dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi. Aux termes de l'article R. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La bonification accordée aux professeurs d'enseignement technique recrutés avant le 1er janvier 2011, en application du II de l'article 49 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, est égale, dans la limite de cinq années, à la durée de l'activité professionnelle dont ils ont dû justifier pour pouvoir se présenter au concours de recrutement dans les conditions exigées par le statut particulier au titre duquel ils ont été nommés ". 8. Il résulte de l'instruction que la demande formée par M. B... tend à ce qu'il soit fait application, pour le calcul de sa pension, des dispositions combinées du h de l'article L. 12 et de l'article R. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoyant une bonification accordée aux professeurs d'enseignement technique. Cette demande vise à corriger une erreur de droit et non une erreur matérielle au sens des dispositions de l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Présentée le 17 décembre 2020, soit plus d'un an après la notification, le 5 mai 2014, de sa pension, elle ne pouvait dès lors qu'être rejetée. 9. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus de révision qui lui a été opposé. Ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées. 10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du 4 décembre 2023 de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.ECLI:FR:CECHS:2024:491101.20241106
Conseil d'Etat
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/11/2024, 23MA00314, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Par une première requête, enregistrée sous le n° 2004123, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'il estimait avoir subis du fait de la gestion fautive de ses demandes de placement en congé de longue maladie et de mise à la retraite pour invalidité, et d'enjoindre au SDIS des Hautes-Alpes de régulariser sa situation administrative sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir. Par un jugement n° 2004123 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ainsi que les conclusions présentées par le SDIS des Hautes-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 2101075, M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 15 décembre 2020 à son encontre par le SDIS des Hautes-Alpes pour un montant de 20 156,34 euros. Par un jugement n° 2101075 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, ainsi que les conclusions présentées par le SDIS des Hautes-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédures devant la Cour : I - Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2023 et le 9 octobre 2024 sous le n° 23MA00314, M. A... B..., déclarant venir aux droits de M. C... B..., représenté par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement n° 2004123 du tribunal administratif de Marseille du 6 décembre 2022 ; 2°) d'enjoindre au SDIS des Hautes-Alpes de régulariser la situation administrative de M. C... B..., sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ; 3°) de condamner le SDIS des Hautes-Alpes à lui verser la somme de 10 000 euros sauf à parfaire, en réparation des préjudices subis par M. C... B... ; 4°) de mettre à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les conséquences de la faute commise en tardant à se prononcer sur la demande de congé de longue maladie de son père, ne se limitent pas à une simple compensation financière mais s'étendent à la perte de chance d'être placé dans la position administrative adéquate, correspondant à la perte d'une chance de percevoir la bonification au titre des services accomplis en qualité de sapeur-pompier professionnel, en vertu de l'article 15-II-2° du décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - les préjudices subis en conséquence sont en premier lieu, l'interruption prématurée, en juin 2019, de la perception de la compensation " perte de salaires " qu'il avait souscrite, en deuxième lieu, un trop-perçu de son employeur d'un montant de 20 156,34 euros, objet d'un titre exécutoire, en troisième lieu, un trop-perçu de sa mutuelle d'un montant de 15 930,99 euros, en quatrième lieu, une perte des compléments de six mois de revenus de sa mutuelle pour la somme de 3 000 euros et des compléments de primes été-hiver 2019 pour la somme de 1 474,40 euros, en cinquième lieu, le non-remboursement par l'assurance de son prêt immobilier des intérêts d'emprunt des mois de juillet et d'août 2019 d'un montant de 900 euros, et en dernier lieu, un préjudice psychologique et un préjudice moral ; - la situation administrative de M. C... B... doit être régularisée, celui-ci n'ayant jamais fait l'objet d'un placement en disponibilité d'office dans l'attente de sa mise en retraite pour invalidité. Par un mémoire en défense, enregistrés le 9 novembre 2023, le SDIS des Hautes-Alpes, représenté par Me Ducrey-Bompard de la SCP Alpavocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de son auteur les entiers dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'établissement public fait valoir que : - à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car elle n'est pas motivée et son auteur ne justifie ni de son lien de filiation avec le demandeur de première instance ni de sa qualité d'héritier ; - à titre subsidiaire, les moyens d'appel ne sont pas fondés, aucune faute dans l'instruction de la demande de congé de longue maladie et de mise à la retraite pour invalidité de M. C... B... ou dans le traitement de sa situation financière n'a été commise, et l'établissement n'étant à l'origine d'aucun préjudice pour lui. II - Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 23MA00315, le 6 février 2023 et le 9 octobre 2024, M. A... B..., déclarant venir aux droits de M. C... B..., représenté par Me Morabito de la SCP Gobert et associés, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler l'avis des sommes à payer émis le 15 décembre 2020 par le SDIS des Hautes-Alpes à l'encontre de M. C... B... pour un montant de 20 156,34 euros et de le décharger du paiement de cette somme ; 2°) de mettre à la charge du SDIS des Hautes-Alpes les entiers dépens et la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - à titre principal, en application de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et dans la mesure où les pièces justificatives qui ont été remises à M. C... B... par son administration ne sont pas de nature à lui permettre d'identifier la nature ou le motif du versement prétendument irrégulier dont il a bénéficié, l'irrégularité de celui-ci ne peut être considérée comme évidente, et la créance invoquée est donc prescrite ; - à titre subsidiaire, l'émission de ce titre exécutoire procède d'une erreur et d'une négligence fautive, et de la faute commise par le SDIS dans la gestion anormalement longue de sa demande de congé de longue maladie, reconnue par jugement du tribunal administratif de Marseille. Par un mémoire en défense, enregistrés le 30 octobre 2023, le SDIS des Hautes-Alpes, représenté par Me Ducrey-Bompard de la SCP Alpavocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mis à la charge de son auteur les entiers dépens et la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'établissement public fait valoir que : - à titre principal, la requête d'appel est irrecevable car elle n'est pas motivée et son auteur ne justifie ni de son lien de filiation avec le demandeur de première instance ni de sa qualité d'héritier, de son intérêt propre à contester le titre exécutoire qui ne le vise pas ; - à titre subsidiaire, la requête d'appel n'est pas fondée dès lors que seule est sollicitée l'annulation du titre exécutoire, dont la contestation relève du plein contentieux, que la créance en cause n'est pas prescrite en application de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, qu'aucune faute n'a été commise et que les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité du SDIS sont irrecevables, faute de demande préalable, et ne sont pas fondées en tout état de cause. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ; - le code des pensions civiles et militaires de retraite ; - le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ; - le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ; - le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique, - et les observations de Me Morabito, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. C... B..., sapeur-pompier professionnel en poste au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Hautes-Alpes, placé en congé de maladie ordinaire à compter du 15 mars 2016, a présenté le 5 avril 2017 une demande de congé de longue maladie à laquelle le président du conseil d'administration du SDIS a fait droit, après avis favorable du comité médical du 18 juillet 2019, par un arrêté du 13 décembre 2019, pour la période du 15 mars 2016 au 15 mars 2019. M. B... a été admis à la retraite pour invalidité à sa demande, à compter du 27 septembre 2019, par un arrêté du 7 février 2020. Par un titre émis et rendu exécutoire le 15 décembre 2020, le président du conseil d'administration du SDIS a recherché le paiement par M. B... de la somme de 20 156,34 euros correspondant à un trop-perçu de traitement pour la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020. Par un premier jugement n° 2004123 rendu le 6 décembre 2022, dont M. A... B..., venant aux droits de son père, M. C... B..., décédé le 23 novembre 2021, relève appel par sa requête n° 23MA00314, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de celui-ci tendant à la condamnation du SDIS des Hautes-Alpes à réparer les conséquences dommageables de la gestion selon lui fautive de ses demandes de congé de longue maladie et d'admission à la retraite pour invalidité, et à ce qu'il soit enjoint à cet établissement public de régulariser sa situation administrative. Par un second jugement n° 2101075 rendu le 6 décembre 2022, dont M. A... B... doit être regardé comme relevant appel en cette même qualité, par sa requête n° 23MA00315, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande M. C... B... tendant à l'annulation du titre exécutoire du 15 décembre 2020 et à la décharge du paiement de la somme de 20 156,34 euros. 2. Les requêtes n°s 23MA00314 et 23MA00315 sont relatives à la carrière d'un même agent public et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt. Sur la requête n° 23MA00314 : En ce qui concerne l'étendue du litige : 3. M. C... B... étant décédé le 23 novembre 2021, les conclusions de M. A... B..., venant aux droits de son père, tendant à ce qu'il soit enjoint à son ancien employeur, le SDIS des Hautes-Alpes, de régulariser sa situation administrative de sapeur-pompier professionnel en prononçant rétroactivement sa mise en disponibilité d'office pour raison de santé, à les supposer présentées accessoirement à des conclusions dirigées contre le refus tacite de faire droit à la demande de M. B... relative à cette régularisation, sont devenues sans objet. Il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer. En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel : 4. D'une part, il ressort des écritures produites dans le délai d'appel par M. A... B... que celui-ci ne s'est pas borné à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance. Par suite, la fin de non-recevoir tirée par le SDIS des Hautes-Alpes de ce que la requête serait irrecevable, faute de satisfaire aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu desquelles la requête doit, à peine d'irrecevabilité, contenir l'exposé des faits et moyens ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge, doit être écartée. 5. D'autre part, M. A... B..., qui agit en sa qualité d'unique héritier de M. C... B..., son père, dont il a accepté la succession, et qui en justifie suffisamment aux dossiers d'instance, par la production d'un acte de notoriété du 16 décembre 2021 et d'un courrier du centre des finances publiques de Gap du 7 mai 2024, est recevable, en venant aux droits à indemnisation de celui-ci nés avant son décès, à interjeter appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de cet agent public tendant à la condamnation du SDIS des Hautes-Alpes à réparer les conséquences dommageables de la gestion prétendument fautive de ses demandes de congé de longue maladie et d'admission à la retraite pour invalidité. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. B... : S'agissant des fautes alléguées : 6. Il résulte de l'instruction que M. C... B..., placé en congé de maladie ordinaire depuis le 15 mars 2016, a présenté une demande de congé de longue maladie le 15 mars 2017, qui a été reçue par le SDIS des Hautes-Alpes le 5 avril 2017 selon les dires de celui-ci qui ne sont pas contestés par l'appelant. Si, dès le 12 avril 2017, le SDIS a saisi de cette demande le comité médical ainsi que le centre de gestion qui ont désigné un médecin psychiatre, lequel a rendu son rapport d'expertise le 6 juin 2017, et si, par un arrêté du 3 juin 2017, le président du conseil d'administration du SDIS a placé d'office M. B... en position de mise en disposition à compter du 21 mars 2017, à demi-traitement, jusqu'à l'intervention de l'avis de ce comité, cet organisme n'a rendu un avis favorable à l'octroi de ce congé que le 18 juillet 2019 et ce n'est que par un arrêté du 13 décembre 2019 que le président du conseil d'administration du SDIS a fait droit à la demande de M. B.... En prétendant que ce retard pour statuer sur la demande de congé de M. B... est imputable au comité médical, le SDIS ne livre aucun élément propre à justifier que, en sa qualité d'employeur de l'agent concerné, il ait entrepris d'adresser des relances à cet organisme et toute autre démarche propre à assurer le traitement de la demande de son agent. La circonstance que M. B... n'a pas donné suite à la lettre du 31 janvier 2018 par laquelle le directeur départemental d'incendie et de secours lui indiquait ne pas disposer de toutes les informations récentes sur son absence, sa situation et ses intentions, alors que le SDIS ne précise pas la nature des informations dont l'absence aurait fait obstacle au traitement utile de la demande de congé de longue maladie, est sans incidence sur le caractère fautif de l'inertie de ses services. Ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le retard du SDIS dans le traitement de la demande de congé de longue maladie de M. B... revêt un caractère fautif, de nature à engager sa responsabilité envers celui-ci. 7. En revanche, et d'une part, il résulte de l'instruction que sur réception le 17 décembre 2018 de la demande de M. B..., présentée le 12 décembre 2018, tendant à son admission à la retraite pour invalidité, le SDIS a saisi l'expert psychiatre le 22 mars 2019. S'il est constant que cette saisine fait suite à deux courriers de relance de l'intéressé et d'un représentant syndical, et si l'avis du comité médical, le déclarant inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction a été rendu le 18 juillet 2019, l'expert psychiatre, qui avait rendu son premier rapport le 17 avril 2019, a dû en établir un autre, le 5 juin 2019, à la demande du médecin de prévention du centre de gestion des Hautes-Alpes. En outre, à la suite de l'avis d'inaptitude émis par le comité médical le 18 juillet 2019, la commission de réforme, saisie dans les plus brefs délais du cas de M. B..., a rendu le 26 septembre 2019 son avis le déclarant inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions et de toute fonction, favorable à son admission à la retraite pour invalidité à compter du 27 septembre 2019. Enfin, alors que le SDIS a adressé le dossier de M. B... à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales le 18 décembre 2019, après avoir attendu la réception du rapport complet de l'expert psychiatre, il affirme sans être contredit avoir dû saisir de nouveau la caisse du dossier de l'agent avant de signer, le 7 février 2020, l'arrêté l'admettant à la retraite pour invalidité à compter du 27 septembre 2019. L'ensemble de ces circonstances ne traduisent pas de retard fautif dans l'engagement et le traitement par le SDIS des Hautes-Alpes de la procédure de mise à la retraite pour invalidité de M. B.... 8. D'autre part, la seule circonstance que l'arrêté de mise à la retraite pour invalidité, par sa date de prise d'effet, n'a pas ouvert à M. B... droit à la bonification de pension instituée par le 2° du II de l'article 15 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, au bénéfice des sapeurs-pompiers professionnels " admis à la retraite à compter de cinquante-sept ans, qui ont accompli vingt-sept ans de services effectifs " " dont dix-sept en qualité de sapeurs-pompiers professionnels ", ne rend pas illégal cet arrêté. Si M. B... a entendu invoquer également, à l'appui de ses conclusions indemnitaires, la rétroactivité illégale de cet arrêté, il résulte de l'instruction, ainsi d'ailleurs que l'a jugé la Cour dans son arrêt n° 23MA00313 du 19 décembre 2023, contre lequel le pourvoi en cassation du requérant n'a pas été admis, que cette date de prise d'effet, au 27 septembre 2019, se justifie par la nécessité de placer M. B... dans une situation régulière, alors que celui-ci avait été déclaré inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions comme de toute fonction dès le 15 mars 2019, par l'avis du comité médical du 18 juillet 2019. Le SDIS des Hautes-Alpes n'a donc pas commis de faute en signant, le 7 février 2020, l'arrêté l'admettant à la retraite pour invalidité. En ce qui concerne les préjudices subis : 9. Premièrement, M. B... soutient que si le congé de longue maladie lui avait été accordé sans retard, dès le 15 mars 2016, sa mutuelle, auprès de laquelle il avait souscrit un contrat garantissant le maintien de son salaire pendant trois ans en cas de congé de maladie, n'aurait pas eu à le faire bénéficier de cet avantage contractuel au cours de l'année 2016-2017 et cette garantie aurait dû lui profiter jusqu'en juin 2020, et non jusqu'en juin 2019. Mais dans la mesure où, ainsi qu'il a été dit au point 6, M. B... n'a présenté sa demande de congé de longue maladie que le 5 avril 2017 et où il a été fait droit à cette demande pour la période du 15 mars 2016 au 15 mars 2019, le requérant ne peut utilement invoquer un dommage causé par l'absence de décision intervenue avant le 5 avril 2017, ni, par suite, une perte de chance subie par son père de percevoir une année supplémentaire de la garantie contractuelle de maintien de salaire. 10. Deuxièmement, il ne résulte pas de l'instruction que si le SDIS s'était prononcé dans un délai raisonnable sur la demande de congé de M. B..., sa mutuelle, qu'il a saisie dans les plus brefs délais après le début de son congé de maladie ordinaire, le 15 mars 2016, n'aurait pas été amenée à lui verser comme elle l'a fait, en application de son contrat de garantie, un complément de salaire pour la période du 15 juin 2016 au 15 avril 2017. Ainsi, et alors que le SDIS a versé à M. B... son entier traitement de juin 2019 à mars 2020, dès avant le traitement effectif de sa demande de congé de longue maladie, l'appelant n'est pas fondé à prétendre que l'obligation faite à son père par sa mutuelle, par lettre du 13 janvier 2020, de lui rembourser les sommes qu'elle lui a versées de juin 2016 à avril 2017, qui découle du versement rétroactif du plein traitement de l'agent en application de l'arrêté du 13 décembre 2019 lui accordant ce congé, serait la conséquence directe du retard fautif à statuer sur cette demande. Il en va de même, par voie de conséquence, des difficultés financières de M. B... et des frais bancaires subis que l'appelant prête à cette obligation de rembourser. 11. Troisièmement, l'affirmation selon laquelle le SDIS se serait abstenu de communiquer à la mutuelle de M. B... des documents qu'elle aurait sollicités, mais dont le requérant ne précise ni la nature ni la teneur, et dont l'absence aurait fait obstacle au versement du complément de ses primes pour la période " été/hiver 2019 ", d'un montant total de 1 474,40 euros, n'est étayée par aucun élément permettant d'accréditer l'existence d'un tel chef de préjudice. 12. Quatrièmement, la circonstance que les sommes reçues par M. B... de son employeur, de juin 2019 à mars 2020, pour compléter son traitement mensuel malgré sa position, au cours de cette période, de mise en disponibilité d'office à demi-traitement, et récupérées par le SDIS suivant avis des sommes à payer du 15 décembre 2020, ont induit un surcroît d'imposition, est sans lien direct avec le retard fautif à statuer sur sa demande de congé de longue maladie. 13. Cinquièmement, en revanche, un tel retard a causé à M. C... B..., dont l'état psychologique ayant justifié son placement en congé de maladie le rendait plus vulnérable aux désagréments administratifs, un préjudice moral qu'il convient de réparer en allouant au requérant, venant aux droits de la victime, la somme de 2 000 euros. 14. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de condamner le SDIS des Hautes-Alpes à verser à M. A... B... la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral subi par M. C... B..., de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à cette condamnation, et de rejeter le surplus des conclusions indemnitaires de l'appelant. En ce qui concerne les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par le SDIS des Hautes-Alpes, partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, dans la présente instance, à la charge du SDIS des Hautes-Alpes, une somme au titre de ces mêmes dispositions. Sur la requête n° 23MA00315 : En ce qui concerne la recevabilité de la requête d'appel : 16. M. A... B..., qui, pour interjeter appel du jugement n° 2101075, ne s'est pas borné dans le délai d'appel à reproduire intégralement et exclusivement le texte de son mémoire de première instance, a suffisamment motivé sa requête, contrairement à ce que soutient le SDIS des Hautes-Alpes. 17. En outre, dès lors que M. A... B... est venu devant le tribunal aux droits de M. C... B..., en sa qualité d'unique héritier de ce dernier dont il a accepté la succession, ainsi qu'il a été dit au point 5, et qu'il a ainsi repris cette instance relative à l'opposition à exécution du titre exécutoire du 15 décembre 2020, il avait qualité pour interjeter appel du jugement rejetant cette demande. 18. La requête d'appel formée par M. A... B... est donc recevable. En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance : 19. D'une part, en demandant au tribunal l'annulation du titre exécutoire du 15 décembre 2020 portant sur la somme de 20 156,34 euros, et en développant à l'appui de cette demande, des moyens tendant au bien-fondé de cette créance, M. C... B... devait être regardé comme sollicitant, ainsi qu'il le fait expressément devant la Cour dans le dernier état de ses écritures, la décharge du paiement de cette somme. 20. D'autre part, de telles prétentions, qui visent à s'opposer à l'exécution de ce titre de recettes, et non à obtenir la condamnation de la personne publique qui est l'auteur de cette décision à verser au requérant une indemnité en réparation de préjudices subis, n'ont pas à être précédées d'une demande d'indemnisation, alors même qu'elles se fondent notamment sur la faute commise par l'administration en lui versant, à tort, la somme dont elle a tardé à lui réclamer le remboursement. La fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ne peut qu'être écartée. 21. Enfin, si le titre exécutoire en litige vise M. C... B... comme redevable à l'égard du SDIS des Hautes-Alpes de la somme de 20 156,34 euros, M. A... B..., en ce qu'il est l'unique héritier de M. C... B..., son père, décédé le 23 novembre 2021 ainsi qu'il a été dit, et en ce qu'il a accepté sa succession, est devenu à son tour redevable de cette somme. Il était dès lors recevable à venir, au cours de la première instance, aux droits de M. C... B... pour exercer l'opposition à l'exécution de ce titre. 22. Le SDIS des Hautes-Alpes n'est donc pas fondé à prétendre que la demande de première instance n'était pas recevable. En ce qui concerne le moyen soulevé par M. B... à titre principal : 23. Aux termes du premier alinéa de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive ". 24. Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération, y compris les avances et, faute d'avoir été précomptées sur la rémunération, les contributions ou cotisations sociales. 25. Il résulte de l'instruction, et il est du reste constant, que la somme de 20 156,34 euros dont le SDIS recherche le paiement auprès de M. B... par le titre exécutoire en litige correspond à un trop-perçu de traitements pour la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020, M. B... ayant alors reçu de son employeur l'intégralité de son traitement au lieu du demi-traitement mensuel qui lui était dû en raison de son placement en congé de longue maladie jusqu'au 15 mars 2019 et de son placement, dès le 3 juin 2017, en disponibilité d'office à demi-traitement jusqu'à l'avis du comité médical. Il en résulte que, conformément aux règles énoncées au point 4, la créance du SDIS n'était pas atteinte par la prescription biennale instituée par les dispositions législatives citées au point 23 à la date à laquelle le titre litigieux a été émis et rendu exécutoire afin de recouvrer la somme en cause. M. B..., qui ne peut utilement prétendre ignorer l'irrégularité des versements dont il a bénéficié sur cette période, de surcroît en se prévalant de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne relative à l'application du statut des fonctionnaires européens, n'est donc pas fondé à se prévaloir de ces dispositions pour demander l'annulation du titre en litige. En ce qui concerne le moyen soulevé par M. B... à titre subsidiaire : 26. M. B... demande l'annulation du titre exécutoire du 15 décembre 2020, à titre subsidiaire, en invoquant les préjudices qu'il aurait subis du fait des fautes que le SDIS aurait commises, d'une part, en lui versant par erreur dès juin 2019 jusqu'au 31 mars 2020 un plein traitement au lieu d'un demi-traitement, et d'autre part, en n'émettant cet avis de la somme de 20 156,34 euros à payer, que le 15 décembre 2020, alors que l'irrégularité de ces versements était connue selon lui de son employeur depuis avril 2020. 27. Il est constant que sur la période du 1er juin 2019 au 31 mars 2020, M. C... B... a reçu à tort du SDIS des Hautes-Alpes l'intégralité de son traitement, alors qu'il n'aurait dû percevoir qu'un demi-traitement mensuel, compte tenu de son placement en position de mise en disponibilité d'office pour raison de santé avec maintien d'un demi-traitement par un arrêté du 3 juin 2017, et en position de congé de longue maladie, à titre rétroactif, du 15 mars 2016 au 15 mars 2019. Si, contrairement à ce qu'affirme le SDIS, il ne résulte pas de l'instruction que le versement de ces sommes résulterait d'une demande de M. C... B..., à laquelle aurait fait droit un agent du SDIS, il résulte d'un échange de courriels des 5 et 26 juin 2019 entre l'intéressé et cet agent, que ce versement a été opéré dès le mois de juin 2019 au su de M. B... qui, par la suite, ne s'est pas opposé à sa reconduction. Si celui-ci affirme que ce versement ne serait jamais intervenu s'il avait pu bénéficier de son congé de longue maladie dès le 15 mars 2016, il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 9, qu'il n'a présenté à son employeur une telle demande que le 5 avril 2017 et qu'il n'aurait pu être placé dans cette position de congé, à compter du 15 mars 2016, par une décision qui n'aurait pu être prise, au plus tôt, avant la fin de l'année 2017. Dans ces conditions, alors que le SDIS n'a émis le titre exécutoire propre à récupérer le trop-perçu de traitement, dont le versement a cessé dès le mois d'avril 2020, que le 15 décembre 2020 et qu'une telle circonstance est par elle-même sans incidence sur le montant et l'exigibilité de cette créance, la perception indue et prolongée par M. B... de son plein traitement pendant neuf mois a été rendue possible avec l'accord de l'intéressé, et non pas seulement par l'erreur et la carence de son administration. Dans les circonstances de l'affaire, compte tenu de la durée de cette carence, sur laquelle le SDIS n'apporte pas de justification sérieuse, et de l'importance des sommes en cause, rapportée aux revenus de leur redevable, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi, consistant en des troubles dans les conditions d'existence, en réduisant, eu égard aux circonstances de l'espèce, d'un tiers le montant de la somme due, et en ramenant ainsi celle-ci de 20 156,34 à 13 437,56 euros. 28. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque, et à obtenir que la somme due en exécution du titre de recettes du 15 décembre 2020 soit ramenée de 20 156,34 à 13 437,56 euros. En ce qui concerne les frais liés au litige : 29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par le SDIS des Hautes-Alpes et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de de M. B... tendant à l'application de ces dispositions. DECIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. B..., dans l'instance n° 23MA00314, tendant à l'annulation du refus tacite du président du conseil d'administration du SDIS des Hautes-Alpes de régulariser sa situation administrative et à ce qu'il soit enjoint au SDIS de procéder à cette régularisation. Article 2 : Le SDIS des Hautes-Alpes est condamné à verser à M. A... B..., venant aux droits de M. C... B..., la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral. Article 3 : La somme que M. A... B... doit au SDIS des Hautes-Alpes au titre du trop-perçu de traitement par son père, M. C... B..., est ramenée de 20 156,34 euros à 13 437,56 euros. Article 4 : Le jugement n° 2004123 rendu le 6 décembre 2022 par le tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 et le jugement n° 2101075 rendu le 6 décembre 2022 par le même tribunal est annulé. Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. B... est rejeté. Article 6 : Les conclusions présentées par le SDIS des Hautes-Alpes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours des Hautes-Alpes. Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024. N° 23MA00314, 23MA003152
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/11/2024, 23MA00910, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 11 février 2020 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de pension pour aggravation de l'infirmité de lombalgies, ainsi que la décision du 4 novembre 2020 par laquelle la commission de recours de l'invalidité a rejeté son recours administratif préalable obligatoire du 9 juillet 2020, d'autre part, d'ordonner une expertise médicale confiée à un neurochirurgien qui aura pour mission de déterminer le taux d'invalidité résultant de cette infirmité au 12 octobre 2018 et de proposer un descriptif complet de cette infirmité après analyse de son dossier médical, à titre subsidiaire, de fixer le taux d'invalidité à 50 % à compter du 12 octobre 2018, et enfin de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens. Par un jugement n° 2100047 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision du 4 novembre 2020 de la commission de recours de l'invalidité, a reconnu un taux d'invalidité de 50 % à M. A... s'agissant de l'infirmité " Lombalgies - station debout très pénible " à compter du 12 octobre 2018 et a rejeté le surplus de ses conclusions. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 avril 2023 et 11 octobre 2024, le ministre des armées demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 février 2023 ; 2°) de rejeter la demande de M. A.... Le ministre soutient que : - le tribunal n'a pas justifié le taux d'invalidité supplémentaire accordé à l'intimé au regard de la gêne fonctionnelle dont il est atteint et des éléments guide-barème ; - le taux de 40 % attribué en 1988 à cette infirmité était alors surévalué, correspond aujourd'hui à la gêne fonctionnelle et au maximum auquel l'intéressé peut prétendre au regard de ce guide. Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2023, M. A..., représenté par Me Stark, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 850 euros toutes taxes comprises (TTC) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Revert, - et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... est titulaire depuis le 22 juin 1988 d'une pension militaire d'invalidité, au taux global d'invalidité de 55 %, pour deux infirmités, dont une infirmité qualifiée de " lombalgies ", évaluée au taux de 40 %. Le 12 octobre 2018, il a demandé la révision de sa pension pour aggravation de cette infirmité. Mais par une décision, prise après avis du médecin en charge des pensions du 17 janvier 2020 et de la commission consultative médicale du 30 janvier 2020, la ministre des armées a rejeté cette demande, au motif de l'absence d'aggravation de l'infirmité en cause. Le 4 novembre 2020, la commission de recours de l'invalidité a rejeté le recours de M. A... contre cette décision de rejet, au motif que le taux d'invalidité lié à l'aggravation de cette infirmité est inférieur à 10 %. Par un jugement du 16 février 2023, dont le ministre des armées relève appel, le tribunal administratif de Bastia a annulé cette décision de la commission de recours de l'invalidité et a reconnu un taux d'invalidité de 50 % à M. A... s'agissant de l'infirmité " Lombalgies - station debout très pénible " à compter du 12 octobre 2018. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. L'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre prévoit que le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée, la pension étant révisée lorsque le degré d'invalidité de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins au pourcentage antérieur. Cette disposition qui, pour l'octroi d'une révision de pension, exige seulement une aggravation réelle des blessures ou maladies, ne permet pas de remettre en cause les bases de la liquidation initiale notamment en ce qui concerne le libellé des infirmités pensionnées ou l'application qui a été faite des barèmes lors de cette liquidation. 3. D'une part, il résulte de l'instruction que la pension militaire d'invalidité a été accordée le 22 juin 1988 à M. A..., au titre de l'infirmité " Lombalgies. Station debout très pénible ", au vu d'un rapport du médecin expert du 15 janvier 1988 faisant alors apparaître chez l'intéressé non seulement des lombalgies, et une station debout très pénible, mais encore une limitation notable des mouvements de flexion, une bascule à gauche du bassin, ainsi qu'une attitude scoliotique lombaire à convexité gauche avec nette raideur sur le film de profil où la flèche de lordose avait presque complètement disparu, justifiant un taux d'invalidité de 40 %. Pour conclure à l'aggravation de cette infirmité dans son rapport du 24 décembre 2019 et à l'attribution d'un taux supplémentaire d'invalidité de 10 %, le médecin expert, informé des résultats radiographiques du 3 septembre 2018, souligne que M. A... présente une démarche guindée avec attitude antalgique et penchée en avant avec aggravation de la cyphose dorsale, une contraction des muscles para-vertébraux, une abolition des réflexes ostéotendineux ainsi qu'un déficit du quadriceps gauche et du muscle jambier antérieur gauche, et relève que l'épreuve " talon-pointe " lui est difficile à exécuter, la distance doigt-sol impossible à réaliser et le test de " Lasègue " est douloureux à 2° des deux côtés. La comparaison de ces deux rapports d'expertise médicale, complétée par le certificat médical d'un chirurgien orthopédique et vertébral du 20 septembre 2023, qui se fonde sur les pièces du dossier médical contemporaines de la demande de révision de M. A... et qui peut ainsi être utilement pris en compte pour en apprécier le bien-fondé, permet de décrire, contrairement à ce que soutient le ministre dans le dernier état de ses écritures, des signes objectifs de gêne fonctionnelle supplémentaire, consistant en des douleurs ou gênes à la marche ou en se penchant et en la limitation importante des mouvements de jambes en position allongée et debout, susceptibles d'établir une aggravation significative de son infirmité. 4. D'autre part, pour remettre en cause le taux d'invalidité de 10 % retenu par le tribunal, à la suite du médecin expert, au titre de l'aggravation de l'infirmité de M. A..., le ministre des armées ne peut utilement prétendre, à partir de l'avis du médecin en charge des pensions du 17 janvier 2020, que le taux d'invalidité de 40 % retenu pour accorder en 1988 à M. A... sa pension militaire d'invalidité, correspond en réalité, suivant les préconisations du guide-barème, à l'incapacité dont il est atteint au jour de la demande de révision de cette pension, dès lors que, ainsi qu'il a été dit au point 2, les bases de liquidation initiale de la pension ne peuvent être remises en cause lors de l'examen d'une demande de révision de cette pension. 5. Enfin, il ne résulte ni du guide-barème, qui ne présente qu'un caractère indicatif sauf en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organes, ni du rapprochement de l'ensemble des éléments médicaux relatifs à la demande de révision de pension de M. A..., que l'infirmité dont il souffre à cette date ne pourrait être indemnisée à un taux supérieur à 40 %, et suivant un taux d'invalidité supplémentaire de 10 %, lié à l'aggravation de cette infirmité, ainsi que l'ont estimé le médecin expert le 24 décembre 2019 et le chirurgien orthopédique et vertébral le 20 septembre 2023. 6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé au regard de l'exigence découlant de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, le tribunal administratif de Bastia a annulé la décision de la commission de recours de l'invalidité du 4 novembre 2020 rejetant le recours préalable de M. A..., et a reconnu un taux d'invalidité de 50 % à M. A... s'agissant de l'infirmité " Lombalgies - station debout très pénible " à compter du 12 octobre 2018. Sa requête doit donc être rejetée. Sur les frais liés au litige : 7. Dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 850 euros que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée. Article 2 : L'Etat versera à M. A... la somme de 850 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et des anciens combattants et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient : - M. Marcovici, président, - M. Revert, président assesseur, - M. Martin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024. N° 23MA009102
Cours administrative d'appel
Marseille
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 05/11/2024, 22VE00657, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 18 février 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'attribution d'une pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 1904388 du 15 juin 2021, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 mars 2022 et 7 mars 2023, M. B..., représenté par Me Pelletier, avocat, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2021 ; 2°) d'annuler la décision du 18 février 2019 de la ministre des armées ; 3°) d'enjoindre au ministre des armées de lui accorder une pension militaire d'invalidité au taux de 30 %, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il a subi une première entorse à la cheville droite, le 14 octobre 1965, imputable au service, qui n'a pas été prise en charge de façon adaptée, puis de nombreuses récidives, une douzaine au cours de sa carrière, lui laissant des séquelles ; - le médecin a commis une erreur en demandant une radiographie de la cheville gauche alors qu'il s'agissait de la cheville droite, cette erreur de latéralité a conduit à conclure à l'absence de lésion ; - le médecin expert a conclu que son arthrodèse tibio-talienne est en relation avec son accident de service du 14 octobre 1965 ; - il n'avait aucun antécédent d'entorse avant 1965. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 22 juillet 2022 et 4 avril 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - l'entorse à la cheville gauche notée en 1965 apparaît comme une récidive et aucune entorse à la cheville droite n'est indiquée ; - les récidives d'entorses à la cheville droite invoquées ne sont pas établies ; - aucun lien n'apparaît entre les entorses de 1974 et 1982 et celle de 1965 ; - la visite de fin de service ne mentionnait pas de problème de santé particulier. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Le Gars, - et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. B..., né le 16 septembre 1945, s'est engagé le 1er novembre 1963 et a été radié des contrôles le 18 juillet 1987. Par une demande enregistrée le 16 septembre 2016, il a sollicité l'octroi d'une pension militaire d'invalidité en raison de séquelles laissées par des entorses répétées de la cheville droite. Par décision du 18 février 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. 2. Aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". 3. Il résulte de ces dispositions, dans leur rédaction applicable au litige, que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle. 4. M. B... soutient qu'il a subi une entorse à la cheville droite, 14 octobre 1965, lors d'exercices de combat rapproché, une récidive d'entorse à cette même cheville, le 21 octobre 1965, et une douzaine d'entorses à la même cheville tout au long de sa carrière, lui laissant des séquelles invalidantes. Toutefois, les mentions du livret médical militaire du requérant sur l'accident du 14 octobre 1965, la récidive du 21 octobre 1965, ainsi que l'entorse de 1974 indiquent toutes une entorse à la cheville gauche. Si le requérant soutient que cela résulte d'une erreur sur la cheville concernée, il n'en justifie pas, en alléguant que les radiographies réalisées ne montrant pas de lésion osseuse auraient porté à tort, à deux reprises, en 1965 et en 1974, sur la cheville gauche alors qu'il souffrait de la cheville droite. Par ailleurs, le même livret, lors de la suspicion d'entorse de la cheville droite en mai 1982, ne mentionne pas de récidive d'entorse de cette cheville mais indique expressément l'absence de traumatisme. Enfin, la douzaine d'entorses plâtrées alléguée à la cheville droite au cours de la carrière de M. B... n'est établie par aucune pièce médicale. Dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité de l'affection pour laquelle a été formée la demande de pension à un fait précis ou à des circonstances particulières de service, comme l'exige l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'est pas rapportée. 5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées et des anciens combattants. Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, à laquelle siégeaient : Mme Versol, présidente de chambre, Mme Le Gars, présidente assesseure, Mme Hameau, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024. La rapporteure, A.C. LE GARSLa présidente, F. VERSOLLa greffière, A. GAUTHIER La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière, 2 N° 22VE00657
Cours administrative d'appel
Versailles