Cour administrative d'appel de Paris, 4e chambre, du 29 avril 1997, 96PA00061, mentionné aux tables du recueil Lebon
(4ème Chambre)
VU, enregistrée au greffe de la cour le 8 janvier 1996, la décision en date du 22 novembre 1995 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a : 1 ) annulé l'arrêt en date du 11 avril 1991 de la cour administrative d'appel de Paris ; 2 ) renvoyé l'affaire de M. Roger X... devant la cour administrative d'appel de Paris ;
VU le mémoire, enregistré au greffe de la cour le 9 février 1996, présenté par le ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement ; il conclut au rejet de la requête ; le ministre délégué au budget, porte-parole du Gouvernement soutient que l'arrêt du Conseil d'Etat implique que la cour statue sur la demande de l'intéressé tendant à la prise en compte, dans la pension civile qui lui a été allouée au titre de sa carrière dans la police nationale, des services militaires effectués du 8 au 21 septembre 1948 et du 28 juin 1950 au 31 mars 1954 ; que, toutefois, ce moyen invoqué pour la première fois en appel n'est pas recevable ; qu'en outre, le caractère définitif de l'appréciation portée par l'administration quant aux droits du requérant à pension militaire s'oppose à la révision de sa pension ;
VU, enregistré au greffe de la cour le 12 mars 1996, le mémoire présenté pour M. X..., demeurant ..., par la SCP TIFFREAU-THOUIN-PALAT, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; M. X... demande que la cour :
1°) annule le jugement n° 67317/6 du 23 mars 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 mai 1986 du ministre de la défense lui refusant la prise en compte dans les annuités liquidables de la pension de retraite dont il est titulaire d'une période de 3 ans 9 mois et 17 jours de services militaires effectifs qui a déjà donné lieu à l'octroi d'une solde de réforme ;
2 ) annule la décision susmentionnée du ministre de la défense ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite annexé à la loi du 20 septembre 1948 ;
VU le code des pensions civiles et militaires de retraite annexé à la loi du 26 décembre 1964 ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 1997 :
- le rapport de Mme COROUGE, conseiller,
- et les conclusions de M. BROTONS, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., alors sapeur de 2ème classe, après avoir accompli 3 ans, 9 mois, 17 jours de services militaires effectifs, a été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour infirmités graves et incurables à compter du 1er avril 1954 ; que, cependant, par décision du 2 décembre 1960, était substitué au bénéfice de la pension de retraite le bénéfice d'une solde de réforme, celle-ci étant toutefois suspendue pendant la période où l'intéressé avait perçu sa pension d'invalidité ; que son état de santé s'étant amélioré, M. X... a repris du service à compter du 12 mars 1956 dans les services de la police nationale jusqu'au 2 janvier 1985, date à laquelle il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite ; que, par lettre en date du 15 décembre 1984, il a demandé au ministre de la défense que soient pris en considération dans le calcul des services déterminant ses droits à la pension civile de retraite les services militaires accomplis et que soit rapportée la décision relative à la solde de réforme dont il proposait le remboursement ; que, le 23 mai 1986, le ministre de la défense a rejeté cette demande ;
Considérant, d'une part, que s'il est constant que, le 23 mai 1986, date de la décision attaquée, la décision du 9 décembre 1960, qui n'avait fait l'objet d'aucun recours contentieux dans le délai légal, était définitive, le ministre conservait néanmoins la faculté de rapporter, s'il le jugeait opportun, ladite décision, dès lors que ce retrait, sollicité par M. X... en vue d'obtenir le bénéfice d'un régime de pension plus favorable, n'était susceptible, en l'espèce, de porter atteinte ni aux droits acquis du requérant, ni à ceux des tiers ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance qu'une solde de réforme avait été concédée à M. X... ne constituait pas, par elle-même, un obstacle légal à ce que la décision qui l'avait admis au bénéfice de cette solde de réforme, fût rapportée ; que ce retrait aurait seulement eu pour conséquence d'entraîner de plein droit l'annulation de la solde concédée, ainsi d'ailleurs que M. X... le sollicitait ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'en rejetant la demande dont il était saisi, par le motif qu'il a invoqué, le ministre de la défense a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et a ainsi entaché sa décision d'une erreur de droit ; que, dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 10.000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision en date du 23 mai 1986 du ministre de la défense, ensemble le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 23 mars 1988, sont annulés.
Article 2 : L'Etat (ministre de la défense) est condamné, sur le fondement des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à payer à M. X... la somme de 10.000 F.