Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, du 21 novembre 1997, 97LY01601, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision21 novembre 1997
Num97LY01601
JuridictionLyon
Formation3E CHAMBRE
RapporteurM. BERTHOUD
CommissaireM. QUENCEZ

Vu la décision en date du 13 juin 1997, enregistrée au greffe de la cour le 3 juillet 1997, par laquelle le Conseil d'Etat a annulé, en tant qu'il a statué sur les droits de M. Henri X... à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité, l'arrêt en date du 28 octobre 1993, par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a d'une part annulé le jugement du 4 mai 1990 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 septembre 1988 du ministre du budget lui concédant un titre de pension sans rente viagère d'invalidité et retirant l'arrêté du 10 mai 1988 du même ministre qui lui attribuait ladite rente au taux de 42 %, d'autre part rejeté les demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille, ainsi que les conclusions incidentes de l'intéressé ;
Vu le recours, enregistré le 5 novembre 1990 au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du budget ; le ministre demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mai 1990 en tant d'une part qu'il a annulé à la demande de M. Henri X... l'arrêté du 19 septembre 1988 par lequel le ministre du budget a révisé la pension concédée à M. X... par un précédent arrêté du 10 mai 1988 en supprimant la rente viagère d'invalidité dont celle-ci était assortie et d'autre part décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les droits de l'intéressé ;
2 ) de rejeter entièrement les demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 7 novembre 1997 :
- le rapport de M. BERTHOUD, conseiller ;
- les observations de Me Y..., avocat au Conseil d'Etat, pour M. X... ;
- et les conclusions de M. QUENCEZ, commissaire du gouvernement ;

Sur l'étendue du litige soumis à la juridiction de renvoi :
Considérant que par l'arrêt du 28 octobre 1993, la cour administrative d'appel de Lyon a d'une part, sur appel principal du ministre de l'économie, des finances et du budget, annulé le jugement du 4 mai 1990 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il a annulé l'arrêté du 19 septembre 1988 par lequel le ministre du budget a révisé la pension concédée à M. X... par un précédent arrêté du 10 mai 1988 en supprimant la rente viagère d'invalidité dont celle-ci était assortie, d'autre part rejeté les demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille en tant qu'elles tendaient à l'attribution d'une telle rente, ainsi que les conclusions incidentes de l'intéressé ; que le Conseil d'Etat n'a annulé ledit arrêt qu'en tant qu'il a statué sur les droits de M. Henri X... à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ; que dès lors, les conclusions incidentes de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser des dommages et intérêts doivent être regardées comme définitivement rejetées par la cour ;
Sur les droits de M. X... à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité :
Considérant qu'aux termes de l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées ...en service ...peut être radié des cadres par anticipation ...sur sa demande" ; qu'aux termes de l'article L.28 du même code, "le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services" ; qu'aux termes de l'article L.55 dudit code, "la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou de l'intéressé que dans les conditions suivantes : A tout moment en cas d'erreur matérielle ; Dans un délai d'un an à compter de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit" ;
Considérant que la décision de révision de pension contestée par M. X... est intervenue avant l'expiration du délai d'un an prévu par les dispositions susmentionnées ; que par suite, le ministre requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal en a prononcé l'annulation au seul motif que l'administration n'établissait pas que la décision de concession initiale était entachée d'un erreur matérielle ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige relatif aux droits de M. X... par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le point de savoir si l'arrêté du 10 mai 1988, en tant qu'il attribuait à M. X... une rente d'invalidité à raison d'infirmités imputables au service, était ou non entaché d'une erreur de droit autorisant le ministre à le réviser ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.31 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme ...le pouvoir de décision appartient dans tous les cas au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances" ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartenait aux ministres chargés de se prononcer sur les droits à pension de M. X... de rechercher si les affections qui ont été la cause de la cessation de ses fonctions avaient été contractées en service ou aggravées par celui-ci ; que ces dispositions n'obligeaient pas les ministres à se conformer à l'avis favorable émis par la commission de réforme sur la nature et la cause des infirmités ;
Considérant que s'il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis par le médecin traitant de M. X..., que ce dernier a souffert, de 1961 à 1985, d'une rhinosinusite chronique qui a nécessité un traitement approprié, notamment par de fréquentes cures thermales, et a présenté des bronchites à répétition donnant lieu à des arrêts de travail au cours des périodes d'enseignement scolaire, les allégations de M. X... selon lesquelles la sinusite polypeuse bilatérale dont il se plaint serait imputable aux mauvaises conditions de chauffage d'une salle de cours du collège d'Orange, où il a été affecté de 1953 à 1956, en tant que professeur de lettres, ou à l'insalubrité d'un bâtiment du collège de Cavaillon, établissement où il a exercé les mêmes fonctions de 1957 à 1961, ne sont accompagnées d'aucune justification sérieuse ; que les deux lettres, en date du 6 février 1956 et du 14 janvier 1960, qui ont été adressées par l'intéressé à son supérieur hiérarchique, en prévision d'une éventuelle demande ultérieure de rente d'invalidité, ainsi qu'elles le précisent, et qui font allusion à trois arrêts de travail survenus en 1955-1956 pour angine , amygdalite et laryngite, et à un arrêt de travail de trois semaines survenu en 1960, ne sauraient constituer la preuve d'un lien direct de causalité entre l'exercice du service assuré par M. X... et la sinusite chronique dont il est atteint ;que dès lors, nonobstant l'avis de la commission de réforme, l'intéressé ne satisfait pas aux conditions fixées par les articles L.27 et L.28 précités du code des pensions civiles et militaires de retraite, qui subordonnent l'attribution d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services à la radiation des cadres pour invalidité en raison d'infirmités résultant notamment de maladies contractées ou aggravées en service ;
Considérant, par ailleurs, que si le ministre de l'éducation nationale a, par arrêté du 7 octobre 1986, admis M. X... à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité résultant de l'exercice de ses fonctions, ledit arrêté, qui s'est borné à indiquer les bases sur lesquelles ce ministre se proposait de faire procéder à la liquidation de la pension de l'intéressé, mais n'avait pas pour objet et ne pouvait avoir légalement pour effet de conférer à l'intéressé des droits à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité, ne faisait pas obstacle à ce que la liquidation de la pension fût opérée sur d'autres bases, notamment pour invalidité ne résultant pas de l'exercice des fonctions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... ne saurait prétendre à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité ; qu'ainsi, en tant qu'il était assorti d'une telle rente, l'arrêté du ministre chargé du budget en date du 10 mai 1988 était entaché d'une erreur de droit ; que par suite, le ministre, qui a pu légalement réviser la pension concédée à M. X... par cet arrêté en supprimant la rente viagère d'invalidité dont celle-ci était assortie, est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille , en tant qu'il a d'une part annulé son arrêté du 19 septembre 1988 concédant à M. X... un titre de pension sans rente viagère d'invalidité et valant retrait de l'arrêté du 10 mai 1988, d'autre part décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les droits de l'intéressé ; que les conclusions de M. X... tendant à ce que la cour condamne l'Etat à lui concéder un titre de pension assorti d'une rente viagère d'invalidité et à lui verser des intérêts moratoires sur les arrérages de cette rente doivent être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que hors le cas prévu par l'article L.8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration ; que le présent arrêt n'implique aucune des mesures d'exécution prévues audit article ; que dès lors, les conclusions de M. X... tendant à ce que la cour enjoigne au ministre chargé du budget de lui remettre un nouveau titre de pension ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions susmentionnées de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 mai 1990 est annulé en tant qu'il a d'une part annulé son arrêté du 19 septembre 1988 concédant à M. X... un titre de pension sans rente viagère d'invalidité et valant retrait de l'arrêté du 10 mai 1988, d'autre part décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les droits de l'intéressé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de l'intéressé sont rejetés.