Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, du 18 février 1999, 96BX01090, inédit au recueil Lebon
Vu l'ordonnance en date du 10 mai 1996 par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la cour administrative d'appel de Bordeaux le recours du MINISTRE DELEGUE AUX ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE ;
Vu le recours, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 avril 1996, présenté par le MINISTRE DELEGUE AUX ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE ;
Le ministre demande à la cour :
- d'annuler le jugement en date du 25 janvier 1996 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a annulé sa décision du 7 mars 1994 rejetant la demande d'attribution du titre de prisonnier du Viet Y... présenté par M. X... ;
- de rejeter la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n 89-1013 du 31 décembre 1989 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 janvier 1999 :
- le rapport de A. BEC, rapporteur ;
- et les conclusions de J-F. DESRAME, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 portant création du statut de prisonnier du Viet Y... : "Le statut de prisonnier du Viet Y... s'applique aux militaires de l'armée française et aux Français ou ressortissants français qui, capturés par l'organisation dite "Viet Y..." entre le 16 août 1945 et le 20 juillet 1954, sont décédés en détention ou sont restés détenus pendant au moins trois mois. Toutefois, aucune durée minimum de détention n'est exigée des personnes qui se sont évadées ou qui présentent, du fait d'une blessure ou d'une maladie, une infirmité dont l'origine est reconnue imputable à la captivité par preuve dans les conditions fixées à l'article L.2 ou au premier alinéa de l'article L.213 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre" ; qu'en vertu de l'article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Ouvrent droit à pension : 1 Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2 Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ;
3 L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service" ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le statut de prisonnier du Viet Y... peut bénéficier aux prisonniers qui ont été détenus pendant moins de trois mois par cette organisation s'ils apportent la preuve de l'imputabilité des infirmités qu'ils invoquent à un fait précis de leur captivité ;
Considérant que si les conditions dans lesquelles lui a été attribuée une pension d'invalidité sont, par elles-mêmes, sans influence sur l'appréciation de ses droits au titre de prisonnier du Viet Y..., il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment des attestations produites que M. X... a été, à la suite de sa capture par le Viet Y... le 7 mai 1954, conduit au camp de prisonniers n 70 où il est arrivé, dans un état d'épuisement général, après une première tentative d'évasion et une marche exténuante de quinze jours, au cours de laquelle il a été à plusieurs reprises roué de coups par les gardiens ; qu'il y a, par suite des mauvais traitements et des privations subies, contracté diverses affections qui doivent ainsi être regardées comme imputables à sa captivité ; que ces affections sont par suite au nombre de celles qui lui ouvrent droit au titre de prisonnier du Viet Y... ; qu'en outre, ce titre lui est également acquis au titre de ses diverses évasions, même s'il a été à chaque fois repris ; qu'en effet il n'appartient pas au secrétariat d'Etat aux anciens combattants, en l'absence de texte, de subordonner la reconnaissance de la qualité de prisonnier du Viet Y... à la réussite de l'évasion ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le secrétariat d'Etat aux anciens combattants n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé sa décision en date du 7 mars 1994 refusant à M. X... le titre de prisonnier du Viet Y... ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DELEGUE AUX ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE est rejeté.