Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, du 21 février 1996, 93NT00638, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision21 février 1996
Num93NT00638
JuridictionNantes
Formation3E CHAMBRE
RapporteurMme Lissowski
CommissaireM. Cadenat

Vu la requête, enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 26 février 1992 présentée par M. Daniel NOYAU et analysée ci-après ;
Vu l'arrêt en date du 28 mai 1993 par lequel le Conseil d'Etat a décidé d'attribuer la requête de M. Daniel NOYAU à la cour administrative d'appel de Nantes ;
Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 16 juin et 8 juillet 1993 au greffe de la cour sous le n 93NT00638, présentés pour M. Daniel NOYAU, demeurant à La Haute Deverre, 61100, Flers, par Me X..., avocat ;
Vu la décision accordant à M. Daniel NOYAU le bénéfice de l'aide juridictionnelle qui lui a été notifiée le 15 novembre 1993 ;
M. NOYAU demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 871117-88451-90422 en date du 26 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant 1 ) à l'annulation de la décision du 29 octobre 1987 par laquelle le préfet de l'Orne a refusé de régulariser les retenues pour faits de grève effectuées sur ses traitements des mois de janvier et août 1987, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le préfet sur sa demande du 29 décembre 1987 tendant à la régularisation des retenues pour faits de grève opérées sur son traitement du mois de décembre 1987, tendant 2 ) à l'annulation de la décision du préfet en date du 21 mars 1989 rejetant sa demande tendant à la régularisation de la retenue pour faits de grève effectuée sur son traitement du mois de janvier 1989 ainsi que la décision résultant du silence gardé par le préfet de l'Orne sur sa demande du 7 février 1990 tendant à la régularisation de la retenue pour faits de grève opérée sur son traitement du mois de janvier 1990, et 3 ) à la condamnation de l'Etat à lui restituer certaines sommes, à lui verser des dommages et intérêts et les frais irrépétibles ;
2 ) d'annuler lesdites décisions pour excès de pouvoir ;
3 ) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 500 F au titre de dommages et intérêts ;
4 ) de condamner l'Etat sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel à lui verser la somme de 4 822,44 F ;
Vu l'ensemble des autres pièces produites et jointes au dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Vu la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 ;
Vu la loi n 82-889 du 19 octobre 1982 ;
Vu la loi n 87-588 du 30 juillet 1987 ;
Vu la loi n 61-825 du 29 juillet 1961 ;
Vu le décret n 62-765 du 6 juillet 1962 ;
Vu le pacte international de New-York ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 1996 :
- le rapport de Mme Lissowski, conseiller,
- et les conclusions de M. Cadenat, commissaire du gouvernement,

Considérant que M. NOYAU, greffier dans le département de l'Orne, conteste les retenues pour faits de grève effectuées sur ses traitements en soutenant notamment que l'administration ne pouvait légalement pratiquer des retenues sur les traitements nets qu'il a perçus postérieurement ;
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, ainsi que des dispositions des lois des 29 juillet 1961 et 19 octobre 1982 et enfin de l'article 1er du décret du 6 juillet 1962 portant règlement sur la comptabilité publique en ce qui concerne la liquidation des traitements des personnels de l'Etat, la retenue pour absence de service fait, est assise en ce qui concerne les fonctionnaires de l'Etat sur l'ensemble de leur rémunération ; qu'il s'ensuit que lorsqu'un fonctionnaire s'abstient, en cas de grève, d'accomplir son service au cours d'une journée, il doit subir par application des dispositions sus-indiquées sur sa rémunération mensuelle, laquelle comprend le traitement brut, une retenue du trentième ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.61 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Les agents visés à l'article L.2 supportent une retenue de 8,9 % sur les sommes payées à titre de traitement ou de solde, à l'exclusion d'indemnités de toute nature" ; et aux termes de l'article L.712-9 du code de la sécurité sociale : "La couverture des risques et charges ( ...) est assurée par une cotisation des fonctionnaires et, pour ceux qui sont en activité, une cotisation au mois égale de l'Etat" ; qu'enfin aux termes de l'article D 712-38 : "Le taux de la cotisation due pour la couverture des prestations en nature de l'assurance maladie, maternité et invalidité, versées aux fonctionnaires de l'Etat, est fixé à 15,75 % soit 9,70 % à la charge de l'Etat et 6,05 % à la charge de l'assuré, sur les traitements soumis à retenue pour pension pour les fonctionnaires de l'Etat" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions d'une part, que la retenue pour pension n'a pas à être opérée sur la fraction du traitement non payée pour service non fait, et d'autre part, que la retenue correspondant à la cotisation d'assurance maladie, maternité et invalidité ne peut, non plus, être opérée sur la fraction du traitement non payée pour service non fait ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. NOYAU est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 26 décembre 1991, lequel par ailleurs, est suffisamment motivé et répond à tous les moyens que présentait M. NOYAU ; qu'il est également fondé à demander l'annulation des décisions explicites ou implicites du préfet de l'Orne refusant de faire droit à ses demandes de régularisation des retenues opérées pour faits de grève et de lui accorder la somme assortie des intérêts de droit et s'élevant à un total non contesté de 206,36 F ;

Considérant que M. NOYAU demande la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 500 F à titre de dommages et intérêts ; que toutefois, il ne précise nullement le préjudice qui aurait résulté pour lui de ces décisions, et qui serait différent de la somme qu'il demande au titre des frais irrépétibles ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu d'accorder à M. NOYAU le remboursement des frais à hauteur de la somme de 457,44 F représentant des frais de téléphone et de déplacement qu'il a exposés ;
Article 1er - Le jugement en date du 26 décembre 1991 du tribunal administratif de Caen est annulé, ensemble les décisions susvisées du préfet de l'Orne.
Article 2 - L'Etat versera la somme totale de deux cent six francs trente six centimes (206,36 F) soit les sommes suivantes : quatre vingt francs trente cinq centimes (80,35 F), vingt huit francs cinquante huit centimes (28,58 F), soixante et un francs soixante six centimes (61,66 F) et trente trois francs soixante dix sept centimes (33,77 F).
Article 3 - Chacune de ces sommes portera intérêts au taux légal à compter de la date à laquelle la demande préalable a été pour chacune d'entre elles présentée au préfet de l'Orne.
Article 4 - L'Etat est condamné à verser à M. NOYAU la somme de quatre cent cinquante sept francs quarante quatre centimes (457,44 F) au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 5 - Le surplus des conclusions de M. NOYAU est rejeté.
Article 6 - Le présent arrêt sera notifié à M. NOYAU, au ministre de la justice et au ministre de l'intérieur.