Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, du 10 mars 2000, 96NT01552, inédit au recueil Lebon
Date de décision | 10 mars 2000 |
Num | 96NT01552 |
Juridiction | Nantes |
Formation | 3E CHAMBRE |
Rapporteur | M. MILLET |
Commissaire | Mme COËNT-BOCHARD |
Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 12 juillet 1996, présenté par le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre qui demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-34 du 4 avril 1996 par lequel le Tribunal administratif d'Orléans a annulé pour excès de pouvoir sa décision, en date du 31 octobre 1994, refusant d'attribuer à M. Renaud Y... de SAINT PEREUSE le titre de prisonnier du Viet-Minh ;
2 ) de rejeter la demande présentée par M. Y... de SAINT PEREUSE devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n 83-1109 du 21 décembre 1983 ;
Vu la loi n 89-1013 du 31 décembre 1989 ;
Vu le décret n 73-74 du 18 janvier 1973, modifié notamment par le décret n 81-315 du 6 avril 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2000 :
- le rapport de M. MILLET, premier conseiller,
- les observations de M. Y... de SAINT PEREUSE,
- et les conclusions de Mme COËNT-BOCHARD, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1989 portant création du statut de prisonnier du Viet-Minh : "Le statut de prisonnier du Viet-Minh s'applique aux militaires de l'armée française et aux Français ou ressortissants français qui, capturés par l'organisation dite "Viet-Minh" entre le 16 août 1945 et le 20 juillet 1954, sont décédés en détention ou sont restés détenus pendant au moins trois mois. - Toutefois, aucune durée minimum de détention n'est exigée des personnes qui se sont évadées ou qui présentent, du fait d'une blessure ou d'une maladie, une infirmité dont l'origine est reconnue imputable à la captivité par preuve dans les conditions fixées à l'article L.2 ou au premier alinéa de l'article L.213 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre" ; qu'en vertu de l'article L.213 de ce code, auquel renvoie l'article 1er de la loi précitée : "Il appartient aux postulants de faire la preuve de leurs droits à pension en établissant notamment :
- Pour les victimes elles-mêmes, que l'infirmité invoquée a bien son origine dans une blessure ou dans une maladie causée par l'un des faits définis aux paragraphes 1er et 2 de la section I ..." ; que, d'après les articles L.195 et L.200 du même code, auxquels renvoient les dispositions précitées, sont réputées causées par des faits de guerre les infirmités résultant des maladies contractées en captivité et consécutives à des mauvais traitements subis dans des camps de prisonniers ou à des privations résultant d'une détention ordonnée par l'ennemi ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le statut de prisonnier du Viet-Minh n'est susceptible de bénéficier aux prisonniers qui ont été détenus pendant moins de trois mois par cette organisation qu'à la condition qu'ils apportent la preuve de l'imputabilité des infirmités qu'ils invoquent à un fait précis de leur captivité, qualifié de fait de guerre ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y... de SAINT PEREUSE, alors chef d'escadron au 1er régiment étranger de cavalerie, a été capturé le 20 juillet 1954 par le Viet-Minh, à l'issue des combats de Chu-Boï, puis acheminé, alors qu'il était blessé, vers le camp de Quang X..., où il a été détenu du 25 juillet au 30 août 1954, soit pendant une période inférieure à trois mois ;
Considérant que, si, en application des dispositions annexées au décret susvisé du 18 janvier 1973, modifié notamment par le décret du 6 avril 1981, et de la loi susvisée du 21 décembre 1983 qui leur a conféré force de loi, une pension militaire d'invalidité a été accordée à M. Y... de SAINT PEREUSE en raison des infirmités résultant de la colite chronique, de l'asthénie et de la spondylarthrose dont il est atteint, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur l'appréciation des droits de l'intéressé au titre de prisonnier du Viet-Minh ; que, par suite, le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a estimé qu'au regard de ses droits à pension, M. Y... de SAINT PEREUSE remplissait les conditions de preuve exigées par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1989 pour se voir attribuer le titre de prisonnier du Viet-Minh ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen invoqué par l'intéressé devant le Tribunal administratif d'Orléans ;
Considérant que, s'il n'est pas contesté que M. Y... de SAINT PEREUSE a été victime, le jour de sa capture, d'une blessure au pied gauche, causée par des éclats de mortier, il ressort des pièces du dossier, qu'en raison de l'état de sa blessure, l'intéressé a été ensuite transporté au camp de Quang X..., où il a reçu des soins jusqu'à cicatrisation ; que, dans ces conditions, ni les attestations délivrées par trois officiers qui l'ont connu au cours de sa captivité, ni les certificats rédigés par deux médecins militaires, n'établissent que la blessure en cause serait survenue après que M. Y... de SAINT PEREUSE ait été fait prisonnier ; que, par suite, l'intéressé ne peut être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe en application des dispositions de la loi du 31 décembre 1989, de l'imputabilité de sa blessure à un fait de captivité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision, en date du 31 octobre 1994, refusant d'attribuer à M. Y... de SAINT PEREUSE le titre de prisonnier du Viet-Minh ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Orléans, en date du 4 avril 1996, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. Y... de SAINT PEREUSE devant le Tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la défense (secrétariat d'Etat aux anciens combattants) et à M. Y... de SAINT PEREUSE.