Cour administrative d'appel de Nancy, 3e chambre, du 31 décembre 1997, 94NC01259, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision31 décembre 1997
Num94NC01259
JuridictionNancy
Formation3E CHAMBRE
RapporteurM. MOUSTACHE
CommissaireM. VINCENT

(Troisième Chambre)
VU la requête, enregistrée le 12 août 1994 au greffe de la Cour, présentée pour L'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE, dont le siège est .... (Nord), représenté par son directeur général en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil d'administration en date du 22 juin 1994, ayant pour avocat, Maître X... ;
Il demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement, en date du 9 juin 1994, par lequel le Tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de M. Y..., d'une part, trois décisions du directeur du Centre hospitalier spécialisé d'Armentières ayant mis à la charge de M. Y... des frais d'hospitalisation ainsi que le forfait journalier afférent au séjour que ce dernier a effectué dans ledit établissement du 20 décembre 1985 au 1er avril 1987, d'autre part, un commandement, en date du 8 octobre 1990, notifié par le trésorier-payeur d'Armentières pour avoir paiement d'une somme de 7 329,84 F dont était redevable M. Y..., et, enfin, a accordé à celui-ci la décharge des sommes qui lui étaient réclamées à raison du séjour sus-mentionné ;
2°) de rejeter les demandes de M. Y... devant le Tribunal administratif de Lille ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 83-25 du 19 janvier 1983 portant diverses mesures relatives à la sécurité sociale ;
Vu la loi n 85-1403 du 30 décembre 1985 portant loi de finances pour 1986, notamment en son article 79 ;
Vu la loi n 78-753 du 17 juillet 1978 ,
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 1997 ;:
- le rapport de M. MOUSTACHE, Président,
- et les conclusions de M. VINCENT, Commissaire du Gouvernement ;

SUR LA COMPETENCE DE LA COUR :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 susvisée : "Il est créé des cours administratives d'appel compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs à l'exception de ceux portant sur les recours en appréciation de légalité, sur les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales et sur les recours pour excès de pouvoir formés contre les actes réglementaires. Toutefois, les cours administratives d'appel exerceront leur compétence sur les recours pour excès de pouvoir autres que ceux visés à l'alinéa précédent et sur les conclusions à fin d'indemnité connexes à un recours selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat ..." ;
Considérant que les demandes présentées par M. Y... devant le Tribunal administratif de Lille doivent être regardées comme dirigées contre trois titres de recettes émis en 1989 par le directeur du centre hospitalier spécialisé d'Armentières, devenu l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE pour avoir recouvrement des sommes correspondant au forfait journalier et aux frais d'hospitalisation afférents au séjour qu'il a effectué du 20 décembre 1985 au mois d'avril 1987 dans ledit établissement à la suite d'une mesure de placement d'office prises à son encontre par le préfet délégué pour la police du département du Nord ; qu'au demeurant l'argumentation du requérant tendait à établir que lesdites sommes devaient être mises à la charge de l'Etat par application des articles L.326 e L.353 du code la santé publique ; que, dès lors, de telles demandes relèvent du contentieux de pleine juridiction et, par suite, le pourvoi formé par l'établissement public susmentionné contre le jugement du tribunal administratif qui a fait droit aux demandes de M. Y... est au nombre des litiges dont il appartient à la Cour de céans de connaître par la voie de l'appel ;
AU FOND :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 4 de la loi n 83-25 du 9 janvier 1983 portant diverses mesures relatives à la sécurité sociale : "Un forfait journalier est supporté par les personnes admises dans des établissements hospitaliers ou médico-sociaux, à l'exclusion des établissements visés aux articles 52-1 et 52-3 de la loi n 70-1318 du 31 décembre 1970 et à l'article 5 de la loi n 75-535 du 30 juin 1975. Ce forfait n'est pas pris en charge par les régimes obligatoires de protection sociale, sauf dans le cas des enfants et adolescents handicapés hébergés dans des établissements d'éducation spéciale ou professionnelle, des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, des bénéficiaires de l'assurance maternité et des bénéficiaires de l'article L.115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre" ; qu'il résulte de ces dispositions que les seules exceptions prévues par la loi concernent les personnes admises dans les unités ou centres de long séjour, dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées comportant une section de cure médicale ou dans des établissements sociaux d'hébergement et d'aide par le travail ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Y... a été admis du 20 décembre 1985 au mois d'avril 1987 au centre hospitalier spécialisé d'Armentières à la suite d'un arrêté du préfet délégué pour la police du département du Nord du 20 décembre 1985 ordonnant son placement d'office en application de l'article L.343 du code de la santé publique ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du 14 avril 1994 du tribunal administratif de Lille devenu définitif ; que, toutefois, si l'illégalité de la mesure de placement d'office était, le cas échéant, de nature à engager la responsabilité de l'Etat et à ouvrir à M. Y... droit à réparation du préjudice ayant pu en résulter, cette illégalité demeure sans incidence sur l'obligation qui était imposée à ce dernier, en sa qualité de malade hospitalisé, d'acquitter, d'une part, le forfait journalier en vertu des dispositions législatives précitées et, d'autre part, les frais d'hospitalisation qui lui étaient réclamés à raison de son séjour dans l'établissement considéré et qui n'étaient pas pris en charge par le régime d'assurance maladie auquel il était affilié ; que, par suite, le tribunal administratif de Lille n'a pu légalement se fonder sur l'annulation par un précédent jugement de l'arrêté préfectoral du 20 décembre 1985 pour estimer que M. Y... ne pouvait être regardé comme ayant été régulièrement admis dans l'établissement ni comme étant redevable du forfait journalier ainsi que des frais d'hospitalisation demeurés à sa charge ; qu'en conséquence, l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE est fondé à soutenir que c'est à tort que ledit tribunal a retenu un tel motif pour annuler les titres de recettes litigieux et prononcer la décharge des sommes correspondantes au profit de M. Y... :
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y... devant le tribunal administratif de Lille ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.353 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi n 83-663 du 22 juillet 1983 : "Les dépenses exposées en application de l'article L.326 sont à la charge de l'Etat sans préjudice de la participation des régimes d'assurance maladie aux dépenses de soins" ; qu'aux termes de l'article 79 de la loi du 30 décembre 1985 susvisée : "A compter du 1er janvier 1986, les régimes de base d'assurance maladie remboursent les dépenses de lutte contre les maladies mentales exposées au titre de l'article L.326 du code de la santé publique" ; que ces dispositions n'avaient pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de faire échec au principe, institué par l'article 4 de la loi susvisée eu 19 janvier 1983, selon lequel le forfait journalier est supporté par les personnes admises dans les établissements hospitaliers ou médico-sociaux, sous réserve des seules exceptions que cet article énumère limitativement et au nombre desquelles ne figurent pas les centres hospitaliers spécialisés ; que, dès lors, ledit forfait n'est pas une dépense que doit supporter l'Etat au titre des actions de lutte contre les maladies mentales telles qu'elles sont définies par les articles L.326 et L.353 du code de la santé publique dans leurs rédactions applicables aux dates du placement dont a fait l'objet M. Y... ; que, par suite, le moyen tiré par ce dernier de ce qu'en vertu des textes précités, l'Etat aurait été redevable du forfait journalier qui lui aurait été réclamé à tort, doit être écarté ;
Considérant, en second lieu que la circonstance que M. Y... n'ait pas eu, à la date de son admission au centre hospitalier spécialisé d'Armentières, notification de l'arrêté préfectoral du 20 décembre 1985 le plaçant en hospitalisation d'office dans ledit établissement, n'a pas eu pour effet, contrairement à ce que soutient l'intéressé, de priver cet arrêté de son caractère exécutoire ; que, dès lors, M. Y... ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 susvisée, aux termes desquelles : "toute décision individuelle prise au nom de l'Etat ... n'est opposable à la personne qui en fait l'objet que si cette décision lui a été préalablement notifiée", pour soutenir que les sommes qui lui sont réclamées au titre du forfait journalier et des frais d'hospitalisation ne sauraient être mises à sa charge ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales précitée que ses stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ; qu'il suit de là que l'article 6 précité n'énonce aucune règle ni aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions, et qui gouvernerait l'élaboration ou le prononcé de décisions, quelle que soit la nature de celles-ci, par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi ; qu'il est constant que les décisions attaquées n'ont pas le caractère de décisions juridictionnelles et, dès lors, est inopérant le moyen tiré par M. Y..., d'une prétendue méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de ladite convention ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 9 juin 1994, le tribunal administratif de Lille a annulé, d'une part, les titres de recettes émis par le directeur du centre hospitalier d'Armentières en 1989 pour avoir recouvrement des sommes correspondant aux frais d'hospitalisation et au forfait journalier afférents à la période au cours de laquelle M. Y... a fait l'objet d'un placement d'office et, d'autre part, le commandement décerné le 8 octobre 1990 à ce dernier par le trésorier principal d'Armentières pour avoir paiement d'une somme de 7 329,84 F ;
SUR LES CONCLUSIONS DE M. Y... TENDANT A
L'APPLICATION DE L'Article L.8-1 DU CODE DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS ET DES COURS ADMINISTRATIVES D'APPEL :
Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, soit condamné, à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1 : Les articles 2, 3, 4 et 5 du jugement du tribunal administratif de Lille, en date du 9 juin 1994, sont annulés.
Article 2 :Les demandes présentées devant le tribunal administratif de Lille par M. Y... ainsi que les conclusions de ce dernier tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT PUBLIC DE SANTE MENTALE DE LILLE-METROPOLE, à M. Y..., au secrétaire d'Etat auprès du ministre chargé de l'emploi et de la solidarité, chargé de la santé, ainsi qu'au secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du budget.