Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, du 17 avril 2003, 98NC02158, inédit au recueil Lebon
Date de décision | 17 avril 2003 |
Num | 98NC02158 |
Juridiction | Nancy |
Formation | 1ERE CHAMBRE |
President | M. BRAUD |
Rapporteur | M. SAGE |
Commissaire | Mme SEGURA-JEAN |
Avocats | FRICKER |
Vu le recours du secrétaire d'Etat aux anciens combattants enregistré au greffe de la Cour le 9 octobre 1998 ;
Le secrétaire d'Etat aux anciens combattants demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement du 7 août 1998 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du ministre des anciens combattants et victimes de guerre en date du 15 septembre 1995 refusant d'attribuer à Mme X le titre de déporté politique ;
2°) - de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
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Code : C
Classement CNIJ : 69-02-02-01
Vu le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction au 27 décembre 2002 à 16 heures ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2003 :
- le rapport de M. SAGE, Président,
- les observations de Me JACQUET substituant Me FRICKER représentant Mme ,
- et les conclusions de Mme SEGURA-JEAN, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que la circonstance que l'administration a, en exécution du jugement attaqué qui n'avait pas d'effet suspensif, délivré le 25 septembre 1998 à Mme X une carte de déporté politique, n'est pas de nature à priver le secrétaire d'Etat aux anciens combattants d'intérêt à agir en appel contre ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Le titre de déporté politique est attribué aux Français... qui... ont été : / 1° Soit transférés par l'ennemi hors du territoire national puis incarcérés ou internés dans une prison ou un camp de concentration... / 3° Soit incarcérés ou internés par l'ennemi dans tous autres territoires exclusivement administrés par l'ennemi..., sous réserve que ladite incarcération ou ledit internement répondent aux conditions qui sont fixées aux articles R.327 à R.334 ; qu'aux termes de l'article R.330 du même code : Les prisonniers de guerre et les travailleurs en Allemagne non volontaires, qui ont été transférés par l'ennemi dans l'un des camps ou prisons énumérés dans l'arrêté visé à l'article R.329, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, peuvent, après avis de la commission nationale susvisée, obtenir le titre de déporté politique si, en plus des conditions ci-dessus fixées pour l'attribution de ce titre, ils justifient avoir subi leur détention jusqu'à la libération du camp ou de la prison ou s'être évadés auparavant... ;
Considérant que, par décision du 15 septembre 1995, le ministre des anciens combattants et victimes de guerre a refusé à Mme X le titre de déporté politique au motif que les dispositions de l'article R.330 précité ne s'appliquent qu'aux travailleurs non volontaires en Allemagne ;
Considérant que si Mme X soutient qu'elle se trouvait en Allemagne en qualité de travailleur requis, en tant que coiffeuse, lorsqu'elle a été arrêtée le 3 janvier 1944 et incarcérée après avoir été jugée pour haute trahison envers le peuple allemand et détenue dans diverses prisons allemandes, elle ne produit, au soutien de cette allégation, qu'une attestation du maire d'Illzach en date du 23 mai 1996 établie au vu du fichier domiciliaire ; que l'extrait de ce fichier versé au dossier ne porte aucune mention d'une réquisition de l'intéressée ; que l'enquête menée par l'administration et à laquelle se réfère le secrétaire d'Etat aux anciens combattants n'a pas non plus permis d'établir que Mme X aurait été contrainte de s'établir à Fribourg-en-Brisgau en mai 1943 pour y être employée dans un salon de coiffure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ce qu'il ressortait des pièces du dossier que Mme X a été contrainte par l'ennemi de travailler en Allemagne à partir de 1942, pour annuler la décision du ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal administratif de Strasbourg et la Cour ;
Considérant que la circonstance qu'un rapport du chef du service des renseignements généraux en date du 7 juillet 1958 mentionne liminairement objet : A/S de la nommée X... déportée politique ne suffit pas à établir que la qualité de déporté politique de l'intéressée aurait déjà été officiellement reconnue ;
Considérant que l'attribution à M. Y, qui a subi en Allemagne des poursuites en qualité de co-auteur de Mme X, est en elle-même sans influence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette personne serait entrée en Allemagne dans les mêmes conditions que Mme X ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le secrétaire d'Etat aux anciens combattants est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à la demande de Mme X ;
Sur l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative substitué à l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel applicable devant les cours administratives d'appel : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
ARTICLE 1er : Le jugement n° 952857 du tribunal administratif de Strasbourg en date du 7 août 1998 est annulé.
ARTICLE 2 : La demande présentée par Mme Juliette X devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
ARTICLE 3 : Les conclusions de Mme Juliette X tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
ARTICLE 4 : Le présent arrêt sera notifié au secrétaire d'Etat aux anciens combattants et à Mme Juliette X.
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