Cour administrative d'appel de Marseille, 2e chambre, du 23 novembre 1999, 97MA10194, inédit au recueil Lebon
Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Bordeaux a transmis à la Cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour M. X... ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux le 31 janvier 1997 sous le n 97BX00194, présentée pour M.Charles X..., demeurant ... par la SCP COULOMBIE-GRAS, avocat ;
M. X... demande à la Cour :
1 / d'annuler le jugement en date du 27 novembre 1996, par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pandant plus de quatre mois par le MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE sur la demande qu'il lui a adressée le 15 décembre 1994 pour être relevé de la suspension de ses droits à pension, à la condamnation de l'Etat à le rétablir dans ses droits à pension au 16 septembre 1979 et à lui verser la somme de 10.000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2 / d'annuler la décision implicite de rejet susmentionnée ;
3 / de condamner l'Etat au paiement de la somme de 3.000 F hors taxes en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et des entiers dépens, y compris le droit de plaidoirie et le droit de timbre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi n 95-844 du 3 août 1995 ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1999 :
- le rapport de M. GONZALES, premier conseiller ;
- les observations de M. X... ;
- et les conclusions de M. BOCQUET, premier conseiller ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; "Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l'article L.9 et à l'article R.149, lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe un délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué." ;
Considérant qu'il résulte de la motivation du jugement attaqué que les premiers juges se sont fondés sur un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité de la requête dont ils étaient saisis, compte tenu de la nature gracieuse de la décision attaquée, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, dans un délai utile ; qu'ils ont ainsi méconnu les dispositions précitées de l'article R.153-1, la circonstance que ce moyen ait été soulevé dans le mémoire en défense de l'administration, enregistré le 8 novembre 1996, ne pouvant les dispenser du respect de cette formalité, dès lors que ce mémoire a été communiqué à M. X... trop tardivement pour pouvoir être utilement pris en considération avant l'audience qui s'est tenue le 13 novembre 1996 ; que le jugement attaqué est donc irrégulier et doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Montpellier ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.58 du code des pensions civiles et militaires de retraite : "Le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité est suspendu : Par la révocation avec suspension des droits à pension ; Par la condamnation à la destitution prononcée par application du code de justice militaire ou maritime ; Par la condamnation à une peine afflictive ou infamante pendant la durée de la peine ; Par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité ; Par la déchéance totale ou partielle de l'autorité parentale pour les veuves et les femmes divorcées. S'il y a lieu, par la suite, à la liquidation ou au rétablissement de la pension ou de la rente d'invalidité, aucun rappel n'est dû pour les périodes d'application de la suspension." ;
qu'aux termes de l'article L.59 du même code : "Le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité est également suspendu à l'égard de tout bénéficiaire du présent code qui aura été révoqué ou mis à la retraite d'office : Pour avoir été reconnu coupable de détournement soit de deniers de l'Etat, des départements, des communes ou établissements publics, soit de dépôts de fonds particuliers versés à sa caisse ou de matières reçues et dont il doit compte ; Ou convaincu de malversations relatives à son service ; Ou pour s'être démis de ses fonctions à prix d'argent ou à des conditions équivalant à une rémunération en argent ou s'être rendu complice d'une telle démission, lors même que la pension ou la rente viagère aurait été concédée. La même disposition est applicable, pour des faits qui auraient été de nature à entraîner la révocation ou la mise à la retraite d'office, lorsque les faits sont révélés ou qualifiés après la cessation de l'activité. Dans tous les cas, l'organisme disciplinaire compétent est appelé à donner son avis sur l'existence et la qualification des faits. Un arrêté conjoint du ministre compétent, du ministre des finances et, pour les fonctionnaires civils, du ministre chargé de la fonction publique peut relever l'intéressé de la suspension encourue." ;
Considérant que M. X..., qui avait le grade d'agent breveté des douanes, s'est vu infliger, par décision du 24 mars 1966, devenue définitive, la sanction de révocation avec suspension des droits à pension qui était alors prévue par l'article 30 de l'ordonnance n 59-244 du 4 février 1959 portant statut général de la fonction publique ; que M. X... ne peut demander à être relevé de la suspension de ses droits à pension dans les conditions prévues à l'article L.59 du code précité, qui n'est pas applicable aux mesures de révocation assorties de la suspension des droits à pension prononcées sous l'empire de ce statut ; qu'en revanche, l'article L.58 du code précité, qui, faisant référence à ce type de mesure, est directement applicable à M. X..., n'organise aucune procédure spécifique de rétablissement des droits à pension ; que, dans ces conditions, un tel rétablissement en sa faveur ne pourrait résulter, le cas échéant, que de l'intervention d'une mesure d'amnistie ou d'une mesure purement gracieuse ;
Considérant, en l'espèce, d'une part, que les faits pour lesquels M. X... a été sanctionné en 1966 doivent, eu égard aux fonctions alors exercées par l'intéressé, être réputés constitutifs d'un manquement à la probité au sens des lois successives portant amnistie et, notamment, de l'article 14 de la loi susvisée du 3 août 1995 ; que ces faits sont, dès lors, au nombre de ceux qui sont exceptés du bénéfice de l'amnistie sauf mesure individuelle accordée par décret du président de la République ; que le requérant, dont il est constant qu'il n'a pas bénéficié d'une telle mesure, ne saurait, dès lors, prétendre à un rétablissement dans ses droits à pension ;
Considérant, d'autre part, que si le ministre chargé de la fonction publique et des finances pouvait, par mesure purement gracieuse, rétablir M. X... dans ses droits à pension, ainsi que ce dernier l'avait demandé, le 15 décembre 1994, le refus qui a été opposé à cette demande n'est pas susceptible d'être déféré au juge de l'excès de pouvoir ; que les conclusions de M. X... dirigées contre cette décision de refus sont irrecevables et doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que la Cour condamne l'Etat à le rétablir dans ses droits à pension au 16 septembre 1979 ne peuvent qu'être également rejetées ;
Sur l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que M. X..., qui succombe dans la présente instance, ne peut bénéficier du remboursement, par l'Etat, de ses frais de procédure ; que ses conclusions présentées sur le fondement de cet article ne peuvent qu'être rejetées ;
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier, en date du 27 novembre 1996, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif de Montpellier et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X..., au MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE, DE LA REFORME DE L'ETAT ET DE LA DECENTRALISATION, et au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE.