Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 4 mars 1992, 81246, inédit au recueil Lebon
Vu la requête et le mémoire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 14 août 1986, présentés par M. Raphaël X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 13 juin 1986 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1976 à 1979 ;
2°) lui accorde décharge des impositions contestées ;
3°) lui accorde réparation du préjudice subi du fait de l'action des services fiscaux ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le III de l'article 81 de la loi n° 86-1317 du 30 décembre 1986 modifié par l'article 93 de la loi n° 87-1060 du 30 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Gaeremynck, Commissaire du gouvernement ;
En ce qui concerne l'année 1976 :
Considérant, que à la date à laquelle Mme X... a contesté l'imposition mise à sa charge au titre de l'année 1976, la commission départementale des impôts n'avait pas encore été saisie sur le forfait applicable à ladite année et contesté par l'intéressée ; que dès lors la demande de Mme X... ne peut être regardée comme une réclamation mais comme constituant un élément de la procédure d'imposition ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif ait rejeté sa requête pour cette année comme faisant suite à une demande prématurée ;
En ce qui concerne les années 1977, 1978 et 1979 :
Sur la recevabilité devant les premiers juges :
Considérant que la lettre adressée au directeur des services fiscaux du département du Rhône le 3 février 1982 par Mme X... était suffisamment motivée pour indiquer qu'elle visait les impositions contestées des années 1977, 1978 et 1979 ; que, contrairement à ce que soutient l'administration, cette lettre n'avait pas le caractère d'une simple réponse à la notification du 22 mai 1981, alors que les redressements avaient déjà été confirmés par une réponse aux observations du contribuable du 30 octobre 1981 ; que Mme X... ayant qualité pour réclamer en matière d'impôt sur le revenu, il s'agissait d'une réclamation contentieuse ; que si le directeur du département du Rhône n'était pas compétent pour statuer sur ladite réclamation dès lors que les époux n'avaient pas leur domicile fiscal dans ce département, il avait l'obligation de transmettre la demande au directeur compétent ; que si cette réclamation du 3 février 1982 était prématurée, elle a été régularisée par l'établissement des impositions conestées le 30 avril 1982 ; qu'ainsi M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a, par le jugement susvisé, rejeté les conclusions de sa demande visant les années d'imposition 1977, 1978 et 1979 comme irrecevables faute d'avoir été précédées d'une réclamation formée en temps utile ; que ledit jugement doit être annulé sur ce point ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'évoquer les conclusions visant les années 1977, 1978 et 1979 de la demande de M. X... renvoyée devant le tribunal administratif de Grenoble pour y être statué immédiatement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, d'une part, que l'administration fait valoir que les achats en espèces, calculés d'après la propre comptabilité de Mme X... après rapprochement de ses comptes bancaires, faits par celle-ci pour son commerce individuel d'épicerie avaient dépassé 365 000 F, 275 000 F, 284 000 F et 314 000 F pendant chacune des années 1976, 1977, 1978 et 1979 soumises au contrôle ; qu'elle fait valoir en outre que les recherches opérées auprès des fournisseurs ont révélé des achats non comptabilisés de l'ordre de 25 % à 50 % selon les fournisseurs ; que, par l'ensemble de ces éléments, et alors que Mme X... elle-même avait reconnu dans sa réclamation du 3 février 1982 ci-dessus avoir pratiqué à titre habituel des achats sans facture, l'administration doit être regardée comme justifiant d'une manière suffisante de ce que le chiffre d'affaires réalisé par le commerce de Mme X..., qui ne tenait pas de comptabilité probante, avait dépassé dès 1976 le seuil de 500 000 F au-delà duquel le régime du forfait cesse d'être applicable en vertu du 1 de l'article 302 ter du code général des impôts ; qu'elle justifie de même, sur le fondement des dispositions des articles L.8 et L.73 du livre des procédures fiscales, de la caducité des forfaits primitifs assignés pour la période biennale 1977-1978 et pour l'année 1979 et de l'évaluation d'office des bénéfices industriels et commerciaux desdites années ;
Considérant, d'autre part, que M. X... ne peut invoquer, de manière pertinente, sur le fondement des dispositions de l'article 1649 quinquies E du code général des impôts reprises à l'article L.80-A du livre des procédures fiscales, la charte du contribuable vérifié instituée par une instruction administrative qui constitue un simple document d'information du contribuable ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
Considérant que si la méthode appliquée par l'administration d'après les crédits bancaires et les sommes en espèces dépensées et perçues a été sommaire dans son principe, son emploi a été rendu nécessaire par l'importance des opérations dissimulées mentionnées ci-dessus ; qu'un recoupement effectué à l'occasion de la proposition du nouveau forfait de 1976 par une reconstitution à l'aide d'un coefficient de marge brute sur achats revendus non contesté a révélé que ladite méthode ne péchait que par défaut ; qu'ainsi M. X... n'apporte pas, en se bornant à critiquer la méthode dont s'agit sans proposer d'autre méthode alternative que celle décrite dans sa lettre du 16 juin 1981, qui sous-estime largement les chiffres des achats non comptabilisés, et à demander que soient déduits des crédits bancaires ci-dessus le prix de vente d'un immeuble qui a déjà été pris en compte par l'administration et une pension militaire d'invalidité, de faible montant, dont le chiffre n'est d'ailleurs pas précisé, M. X... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération de ses bases d'imposition évaluées d'office ; que les conclusions de sa demande doivent en conséquence être rejetées ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Grenoble, en date du 13 juin 1986, est annulé en tant qu'il a rejeté, comme irrecevables, les conclusions de la demande de M. X... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1977, 1978 et 1979.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Grenoble et tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il avait été assujetti au titre des années 1977, 1978 et 1979 ensemble le surplus des conclusions de la requête susvisée de M. X... sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et ministre délégué au budget.