Conseil d'Etat, 11 / 3 SSR, du 29 mars 1968, 66747, mentionné aux tables du recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision29 mars 1968
Num66747
Juridiction
Formation11 / 3 SSR
RapporteurM. Costa
CommissaireM. Kahn

VU LA REQUETE PRESENTEE PAR LE SIEUR LUTZ X... , DEMEURANT A HERLISHEIM BAS-RHIN , ..., LADITE REQUETE ENREGISTREE AU SECRETARIAT DU CONTENTIEUX DU CONSEIL D'ETAT LE 18 MAI 1965, ET TENDANT A CE QU'IL PLAISE AU CONSEIL ANNULER UN JUGEMENT EN DATE DU 2 MARS 1965 PAR LEQUEL LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG A REJETE SA DEMANDE DIRIGEE CONTRE UNE DECISION DU 28 SEPTEMBRE 1961 PAR LAQUELLE LE MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS LUI A REFUSE LE TITRE DE DEPORTE-RESISTANT ; ENSEMBLE ANNULER POUR EXCES DE POUVOIR LADITE DECISION ; VU LE CODE DES PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITE ET DES VICTIMES DE LA GUERRE ; VU L'ORDONNANCE DU 31 JUILLET 1945 ET LE DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953 ; VU LE CODE GENERAL DES IMPOTS ;
SANS QU'IL SOIT BESOIN D'EXAMINER L'AUTRE MOYEN DE LA REQUETE : CONSIDERANT QU'EN VERTU DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1ER DE LA LOI DU 19 JUILLET 1954, LE BENEFICE DU STATUT DEFINITIF DES DEPORTES ET INTERNES DE LA RESISTANCE A ETE ACCORDE AUX ALSACIENS ET LORRAINS INCORPORES DE FORCE DANS L'ARMEE ALLEMANDE PAR VOIE D'APPEL QUI, INSOUMIS OU DESERTEURS DES FORMATIONS MILITAIRES OU PARAMILITAIRES ALLEMANDES, ONT ETE INCARCERES DANS DES CAMPS DE CONCENTRATION OFFICIELLEMENT RECONNUS COMME TELS ; QUE LE LEGISLATEUR A ENTENDU ETABLIR AU PROFIT DES ALSACIENS ET LORRAINS DONT S'AGIT UNE PRESOMPTION DU LIEN DE CAUSE A EFFET ENTRE L'INSOUMISSION OU LA DESERTION ET LA DEPORTATION ; QU'IL APPARTIENT SEULEMENT, LE CAS ECHEANT, A L'ADMINISTRATION DE DETRUIRE CETTE PRESOMPTION ;
CONSIDERANT, D'UNE PART, QU'IL RESULTE DE L'INSTRUCTION QUE LE SIEUR Y..., INCORPORE DE FORCE DANS L'ARMEE ALLEMANDE PAR VOIE D'APPEL, N'A PAS REJOINT SA FORMATION LE 30 NOVEMBRE 1944, A L'EXPIRATION D'UNE PERMISSION QUI LUI AVAIT ETE ACCORDEE ; QUE CES FAITS SONT CONSTITUTIFS D'UNE DESERTION AU SENS DES DISPOSITIONS SUSMENTIONNEES ; QUE PAR LA SUITE LE REQUERANT A ETE ARRETE PAR LES ALLEMANDS, PUIS DEPORTE A BADEN-OOS, QUARTIER DE BADEN-BADEN, DANS UNE PRISON QUI, D'APRES L'EXAMEN DES PIECES DU DOSSIER, DOIT ETRE REGARDEE COMME UN "SOUS-KOMMANDO" DU CAMP DE CONCENTRATION DE NATZWEILER ;
CONSIDERANT QUE LA CIRCONSTANCE QUE LE SIEUR Y... A ETE ARRETE EN MEME TEMPS QUE D'AUTRES HABITANTS D'HERLISHEIM N'EST PAS A ELLE SEULE DE NATURE A DETRUIRE LA PRESOMPTION DONT LE SIEUR Y... BENEFICIE EN VERTU DES DISPOSITIONS LEGISLATIVES CI-DESSUS RAPPELEES ; QUE SI L'ADMINISTRATION ENTEND SE PREVALOIR DE CE QUE L'INTERESSE N'AURAIT FAIT L'OBJET D'AUCUN TRAITEMENT DISCRIMINATOIRE PAR RAPPORT AUX AUTRES PERSONNES ARRETEES A LA MEME DATE ET DANS LE MEME LIEU, CE FAIT DONT IL INCOMBAIT A L'ADMINISTRATION DE RAPPORTER LA PREUVE NE PEUT ETRE REGARDE COMME ETABLI ;
CONSIDERANT, D'AUTRE PART, QUE D'APRES L'ARTICLE R.287 TER DU CODE DES PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITE ET DES VICTIMES DE LA GUERRE, LES DESERTIONS DES FORMATIONS MILITAIRES OU PARAMILITAIRES ALLEMANDES ACCOMPLIES PAR LES PERSONNES QUI Y AVAIENT ETE INCORPOREES DE FORCE NE PRESENTENT LE CARACTERE D'ACTES DE RESISTANCE QU'A LA CONDITION QUE, LORSQUE CES FORMATIONS ETAIENT CANTONNEES OU ENGAGEES EN FRANCE Y COMPRIS LES DEPARTEMENTS ANNEXES DE FAIT, CES DESERTIONS SE SOIENT PRODUITES AVANT LE 6 JUIN 1944 ; QU'IL RESSORT DES TERMES MEMES DE LA DISPOSITION INVOQUEE QUE LA CONDITION QU'ELLE PREVOIT NE SAURAIT EN TOUT ETAT DE CAUSE ETRE OPPOSEE QU'AUX PERSONNES QUI, AU MOMENT DE LEUR DESERTION, APPARTENAIENT A UNE FORMATION ENGAGEE OU CANTONNEE EN FRANCE ; QU'IL RESULTE DES PIECES DU DOSSIER QUE, AU MOMENT OU LE SIEUR Y... A DESERTE, SON UNITE ETAIT CANTONNEE DANS LE WURTEMBERG ; QUE LA CIRCONSTANCE QUE LE Z... LUTZ SE SOIT TROUVE ALORS EN PERMISSION A HERLISHEIM N'EST PAS DE NATURE A LUI RENDRE OPPOSABLES LES DISPOSITIONS CI-DESSUS RAPPELEES ;
/CONSIDERANT QUE DE TOUT CE QUI PRECEDE IL RESULTE QUE LE SIEUR Y... EST FONDE A SOUTENIR QUE C'EST A TORT QUE, PAR LE JUGEMENT ATTAQUE, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF A REJETE SA DEMANDE TENDANT A L'ANNULATION DE LA DECISION EN DATE DU 28 SEPTEMBRE 1961 PAR LAQUELLE LE MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS LUI A REFUSE LE TITRE DE DEPORTE-RESISTANT ;
SUR LES DEPENS DE PREMIERE INSTANCE : CONSIDERANT QUE DANS LES CIRCONSTANCES DE L'AFFAIRE, IL Y A LIEU DE METTRE LES DEPENS DE PREMIERE INSTANCE A LA CHARGE DE L'ETAT ;
/DECIDE : ARTICLE 1ER - LE JUGEMENT SUSVISE, EN DATE DU 2 MARS 1965, DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE STRASBOURG, ENSEMBLE LA DECISION SUSVISEE DU MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE EN DATE DU 28 SEPTEMBRE 1961 SONT ANNULES. ARTICLE 2 - L'ETAT SUPPORTERA LES DEPENS DE PREMIERE INSTANCE ET D'APPEL. ARTICLE 3 - EXPEDITION DE LA PRESENTE DECISION SERA TRANSMISE AU MINISTRE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE.