Conseil d'Etat, 3 SS, du 14 octobre 1987, 65160, inédit au recueil Lebon
Section du Contentieux, 3ème sous-section , Vu la requête enregistrée le 10 janvier 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Marcel X..., demeurant ... à Marseille 13007 , et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 8 octobre 1984 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 5 mars 1982 par laquelle le ministre des anciens combattants a refusé de lui attribuer le titre de déporté politique ;
2° annule pour excès de pouvoir cette décision,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Frydman, Auditeur,
- les conclusions de Mme Hubac, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Le titre de déporté politique est attribué aux Français ou ressortissants français qui, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun ne bénéficiant pas de l'ordonnance du 6 juillet 1943, ont été ... 3° soit incarcérés ou internés par l'ennemi dans tous autres territoires exclusivement administrés par l'ennemi, notamment l'Indochine, sous réserve que ladite incarcération ou ledit internement répondent aux conditions qui sont fixées aux articles R.327 à R.334" ; qu'aux termes de l'article L.287 du même code : "Sont exclues du bénéfice de l'article L.286 les personnes visées aux 2 et 3 dudit article, qui n'ont pas été incarcérées pendant au moins trois mois, à moins qu'elles se soient évadées ou qu'elles aient contracté pendant leur internement une maladie ou une infirmité, provenant notamment de tortures, susceptibles d'ouvrir droit à pension à la charge de l'Etat" ;
Considérant que M. X... a été détenu par les autorités japonaises du 30 juin au 27 août 1945 au camp de Hoa Binh, reconnu comme lieu de déportation par l'article A 160-3° du code susvisé ; que, si la durée de cet internement a été inférieure à trois mois, il ressort des pièces versées au dossier, et notamment d'attestations délivrées par des témoins ayant connu M. X... au camp de Hoa Binh, que celui-ci a contracté, lors de cette détention, la dysenterie amibienne ; qu'il est constant que M. X... s'est vu concéder, du fait des séquelles de cette affection, une pension militaire d'invalidité ; que, dès lors, la circonstance que la durée de son internement ait été inférieure à trois mois ne saurait légalement faire obstacle à ce que le titre de déporté politique soit attribué à M. X..., dont il n'est pas contesté qu'il remplit les autres conditions mises par les dispositions précitées à l'obtention de ce titre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa deande dirigée contre la décision du 5 mars 1982 susvisée du ministre des anciens combattants ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif deMarseille en date du 8 octobre 1984 et la décision du ministre des anciens combattants en date du 5 mars 1982 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... etau secrétaire d'Etat aux anciens combattants.