Conseil d'Etat, 5 / 3 SSR, du 14 décembre 1988, 84909, inédit au recueil Lebon
Vu la requête, enregistrée le 20 octobre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Guy X..., domicilié BP 87 à Papeete (Tahiti), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 2 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 septembre 1984, par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire de retraite ;
2°) annule ladite décision ;
3°) le renvoie devant le ministre de la défense pour qu'il soit procédé à la révision de pension à laquelle il a droit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Medvedowsky, Auditeur,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.55 du code des pensions civiles et militaires de retraite, annexé à la loi du 26 décembre 1984, dans sa rédaction issue de la loi du 7 juin 1977 : "la pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de l'administration ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : - à tout moment, en cas d'erreur matérielle ; - dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit ."
Considérant que, pour demander la révision de la pension de retraite qui lui a été concédée, M. Guy X... soutient que celle-ci a été liquidée, sans que soit prise en compte la période qu'il a passée à l'école des apprentis mécaniciens de la Flotte du 2 juillet 1955 au 1er septembre 1956 ; qu'il invoque ainsi une erreur de droit commise par le ministre de la défense pour tous les militaires se trouvant dans la même situation, et que le ministre a opposé à sa demande la forclusion instituée par les dispositions précitées de l'article L.55 du code ;
Considérant, d'une part, que le ministre ne rapporte pas la preuve que l'arrêté du 21 mai 1976 portant révision de la pension de M. X... sur l'échelon "après 13 ans de services" ait été notifié à l'intéressé ; qu'à supposer, comme le soutient devant le Conseil d'Etat le ministre de l'économie, des finances et de la privatisation, que M. X... ait reconnu avoir introduit sa demande de révision plus de six mois après la notification qui lui aurait été faite de l'arrêté du 21 mai 1976, un tel aveu ne permettait pas au ministre de lui opposer la forclusion prévue par la loi, laquelle n'est encourue qu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ;
Cosidérant qu'il en résulte que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bordeaux, la demande de révision présentée par M. X... n'était pas tardive ; qu'il appartient, dès lors, au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;
Considérant qu'aux termes de l'article 19, modifié, de la loi du 13 juillet 1972, portant statut général des militaires : "le classement à un échelon dans un grade est fonction, soit de l'ancienneté dans ce grade, soit de la durée des services militaires effectués, soit de la durée du temps passé à l'échelon précédent, soit de la combinaison de ces critères" ; qu'aux termes de l'article 89 de la même loi, "le service compte du jour de la signature du contrat d'engagement ou, s'il n'y a pas interruption de service, de l'expiration de l'engagement précédent" ; que l'article 4-I du décret du 22 septembre 1947, relatif à l'organisation et au recrutement des écoles préparatoires de la marine, dispose que l'élève est tenu de contracter un engagement volontaire, sous réserve qu'il ait atteint l'âge de 16 ans, dès qu'il compte trois mois de présence dans l'école ; qu'il résulte de ce qui précède que si les trois premiers mois passés dans une école militaire, antérieurement à la signature du premier contrat d'engagement dans l'armée, ne peuvent pas être pris en compte dans l'ancienneté des militaires, le service effectif compte en revanche du jour de la signature de ce contrat d'engagement ;
Considérant que M. X... a été incorporé à l'école des apprentis mécaniciens de la flotte de Saint-Mandrier le 9 mars 1955, et qu'il a souscrit un engagement le 2 juillet 1955, jour de son seizième anniversaire ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 11 septembre 1984 par laquelle le ministre de la défense a refusé de réviser sa pension pour tenir compte de la période comprise entre le 2 juillet 1955 et le 1er septembre 1956, jour de sa sortie de l'école ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 2 décembre 1986 et la décision du ministre de la défense du 11 septembre 1984 sont annulés.
Article 2 : M. X... est renvoyé devant le ministre de la défense pour qu'il soit procédé à la révision de sa pension.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre de la défense.