Conseil d'Etat, 5 SS, du 4 octobre 1989, 84566, inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision04 octobre 1989
Num84566
Juridiction
Formation5 SS
RapporteurMme Maugüé
CommissaireFornacciari

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés les 22 janvier 1987, 3 février 1987 et 13 mai 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Georges X..., demeurant ..., et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 7 novembre 1986, par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réparation du préjudice de carrière qu'il a subi du fait de son non réengagement dans l'armée de l'air, à l'octroi du bénéfice des dispositions de l'article 4 de la loi du 3 décembre 1982, à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité, à sa réhabilitation en grade et en retraite ;
2°) annule la décision du ministre de la défense, en date du 11 octobre 1984, refusant de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article 4 de la loi du 3 décembre 1982 ;
3°) lui accorde droit à une pension militaire d'invalidité ;
4°) lui accorde une somme de 2 millions de francs en réparation du préjudice de carrière qu'il a subi ;
5°) le réhabilite en grade et en pension,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu la loi n° 82-1021 du 3 décembre 1982 ;
Vu le décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Maugüé, Auditeur,
- les conclusions de M. Fornacciari, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte des visas du jugement attaqué que les parties au litige ont été régulièrement convoquées à la séance au cours de laquelle le tribunal administratif de Paris a examiné la demande de M. Georges X... ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mention qui fait foi jusqu'à preuve contraire soit entachée d'inexactitude ; que, dès lors, M. Georges X... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué aurait été rendu à la suite d'une procédure irrégulière ;
Sur les conclusions relatives à l'octroi d'une pension militaire d'invalidité :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : "Toutes les contestations auxquelles donne lieu l'application du livre 1er (à l'exception des chapitres 1er et IV du titre VII) et du livre II du présent code sont jugées en premier ressort par le tribunal départemental des pensions du domicile de l'intéressé et en appel par la cour régionale des pensions" ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 75 du code des tribunaux administratifs, dans sa rédaction en vigueur à la date du jugement attaqué : "Lorsqu'un tribunal administratif est saisi de conclusions qu'il estime ressortir à la compétence d'une juridiction administrative autre que le Conseil d'Etat ou le tibunal administratif, le président transmet immédiatement le dossier au Conseil d'Etat par ordonnance non motivée, non susceptible de recours. Il est ensuite procédé comme il est dit à l'article 54 bis du décret n° 63.766 du 30 juillet 1963 ..." ; que si les conclusions de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris et tendant à l'annulation des décisions des 9 novembre 1973 et 17 juillet 1984 du ministre de la défense lui refusant le bénéfice des pensions militaires d'invalidité et à ce que lui soit reconnu le droit de percevoir une telle pension ne relèvent pas de la compétence des tribunaux administratifs mais de celle des juridictions de pension d'invalidité, les dispositions précitées de l'article 75 du code des tribunaux administratifs interdisaient à ce tribunal de rejeter pour incompétence lesdites conclusions, lesquelles devaient être transmises au Conseil d'Etat auquel il appartenait de désigner la juridiction compétente pour en connaître ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué, en tant qu'il rejette ces conclusions et, par application de l'article 12 du décret du 2 septembre 1988, en vigueur à la date de la présente décision, de transmettre au tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine, les conclusions susanalysées ;
Sur les conclusions tendant au versement de dommages intérêts en réparation du préjudice que le requérant aurait subi :

Considérant qu'à l'appui de sa demande d'indemnité, le requérant invoque le préjudice de carrière que lui auraient causé les divers agissements de l'administration ; qu'en vertu des dispositions des articles 41 et 42 de l'ordonnance du 31 juillet 1945 de telles conclusions ne peuvent être présentées que par une requête signée par un avocat au Conseil d'Etat ; que si le requérant a demandé le bénéfice de l'aide judiciaire, cette aide lui a été refusée par une décision du 29 avril 1987 et qu'à la suite de la notification de ce rejet M. X... n'a pas fait régulariser sa requête par un avocat au Conseil d'Etat ; que ces conclusions ne sont, dès lors, pas recevables ;
Sur les conclusions relatives au grade détenu par le requérant en matière de pension de retraite :
Considérant que le requérant n'a dirigé sa demande contre aucune décision refusant de lui conférer un grade, ni contre aucune décision prise à son égard en matière de droit à pension de retraite ; que c'est à bon droit que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ces conclusions comme non recevables ;
Sur le bénéfice des dispositions de l'article 4 de la loi du 3 décembre 1982 :
Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1 et 4 de la loi du 3 décembre 1982 susvisée, les fonctionnaires, militaires et magistrats qui justifieront avoir démissionné ou avoir été rayés des cadres ou mis en congé spécial pour des motifs politiques en relation directe avec les événements d'Afrique du Nord ou, durant la période comprise entre le 16 septembre 1945 et le 1er octobre 1957, avec la guerre d'Indochine, pourront, sur demande, bénéficier de la prise en compte pour la retraite des annuités correspondant à la période comprise entre la radiation des cadres et, soit la limite d'âge du grade détenu ou de l'emploi occupé au moment de cette radiation, soit le décès s'il est antérieur ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision prise par l'administration militaire, de ne pas renouveler le contrat d'engagement de M. X... qui expirait le 5 août 1964 ait eu pour véritable motif non pas l'insuffisance des notes qui lui avaient été antérieurement attribuées sur le plan technique et militaire mais une appréciation de son comportement, en relation directe avec les événements d'Afrique du Nord ; que, dès lors, M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 11 octobre 1984 par laquelle le ministre de la défense a refusé de lui accorder le bénéfice des dispositions de la loi du 3 décembre 1982 ;
Article 1er : Le jugement du 7 novembre 1986 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, les conclusions de la demande de M. Georges X... tendant à l'attribution d'une pension militaire d'invalidité. Le jugement desdites conclusions est renvoyé au tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au président du tribunal départemental des pensions des Hauts-de-Seine, au ministre de la défense et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget.