Conseil d'Etat, 3 / 5 SSR, du 20 juillet 1990, 67280, mentionné aux tables du recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision20 juillet 1990
Num67280
Juridiction
Formation3 / 5 SSR
PresidentM. Combarnous
RapporteurM. Sauzay
CommissaireM. Pochard

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 29 mars 1985 et 26 juillet 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Roger X..., demeurant La Maladrerie à Die (26150), et tendant à ce que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 25 janvier 1985 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté sa demande du 8 août 1978 tendant à ce que soient pris en compte pour le calcul de sa pension de retraite les services qu'il a accomplis en tant que gardien à la Sorbonne lors des événements de 1968 en reconnaissant qu'ils lui ont ouvert droit à une rente viagère d'invalidité, et à ce que le taux de sa pension soit porté de 36 % à 50 % de son dernier traitement,
2°) annule la décision implicite du recteur de l'académie de Paris et condamne l'Etat à lui verser une rente viagère d'invalidité et à porter le taux de sa pension de 36 % à 50 % de son dernier traitement,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Sauzay, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du 4ème alinéa de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 relatif aux délais de recours contentieux en matière administrative, en cas de recours de plein contentieux : "L'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet" ;
Considérant que M. X... qui, par lettre du 8 août 1978, avait présenté au recteur de l'académie de Paris une réclamation tendant à obtenir la révision de ses droits à pension de retraite et l'attribution d'une rente viagère d'invalidité, n'a reçu notification d'aucune décision expresse de rejet ; que, dans ces conditions, les conclusions de plein contentieux qu'il a présentées devant le tribunal administratif de Rouen, étaient recevables ; qu'ainsi c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a, par son jugement en date du 25 janvier 1985, rejeté comme tardive la demande de M. X... ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Rouen ;
Sur les conclusions tendant à l'attribution d'une rente viagère d'invalidité :
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite que le fonctionnaire civil, qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infimités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service, a droit à une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant ses services, dans la limite des émoluments définis à l'article L. 15 du code qui servent de base au calcul de la pension, et qu'aux termes des dispositions de l'article R. 38 du code précité : "Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L. 28 est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ..." ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment des témoignages et certificats médicaux produits par l'intéressé, que M. X..., agent de service du ministère de l'éducation nationale mis à la retraite d'office pour invalidité à compter du 25 juin 1976, a subi, pendant la période des événements de mai 1968, au cours de laquelle il était gardien à la Sorbonne, des traumatismes qui sont à l'origine de l'aggravation de son état de santé et de la radiation des cadres qui s'en est suivie ; qu'ainsi M. X... peut prétendre au bénéfice de la rente viagère d'invalidité en application des dispositions précitées des articles L. 28 et R. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il y a lieu d'annuler la décision implicite de rejet qui a été opposée sur ce point à la demande de M. X... et de renvoyer l'intéressé devant le ministre de l'éducation nationale et le ministre de l'économie et des finances pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa rente viagère d'invalidité ;
Sur les conclusions relatives à l'octroi à M. X... du bénéfice des dispositions de l'article L.30 du code des pensions civiles et militaires de retraite :
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite que le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peut être radié des cadres par anticipation et a droit à une pension rémunérant les services ; qu'aux termes de l'alinéa 1er de l'article L. 30 du même code : "Lorsque le fonctionnaire est atteint d'une invalidité d'un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévu aux articles L. 28 et L. 29 ne peut être inférieur à 50 % des émoluments de base" et qu'aux termes de l'article R. 41 de ce code : "Dans le cas d'aggravation d'infirmités préexistantes, le taux d'invalidité à retenir pour l'application des dispositions de l'article L. 30 est apprécié par rapport à la validité restante du fonctionnaire" ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'invalidité d'un agent mis à la retraite en raison de l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions est évaluée d'une manière globale, il y a lieu, pour déterminer l'invalidité ouvrant droit au bénéfice de l'alinéa 1er de l'article L. 30 précité, de retrancher du taux d'invalidité global retenu celui de l'invalidité préexistante et de diviser le taux ainsi obtenu par celui de la validité qui était celle de l'agent au moment de sa titularisation ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier, d'une part, que l'invalidité globale dont était atteint M. X... au moment de sa mise à la retraite, prononcée en application de l'article L. 27 susrappelé du code des pensions civiles et militaires de retraite, était de 80 % et, d'autre part, que l'invalidité de l'intéressé à la date de sa titularisation était égale à 62 % ; que la validité restante de M. X... à la même date était donc de 38 % ; qu'ainsi selon les modalités de calcul ci-dessus rappelées, le taux d'invalidité à prendre en compte au titre de l'alinéa 1er de l'article L. 30 est de 47,3 % ; que c'est donc à bon droit que le recteur de l'académie de Paris a rejeté la demande de M. X... en ce qu'elle tendait à ce que sa pension soit élevée à 50 % de ses émoluments de base ; que les conclusions susanalysées de la demande de M. X... doivent dès lors être rejetées ;
Article 1er : Le jugement en date du 25 janvier 1985 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté la demande de M. X... en tant qu'elle tendait à l'octroi d'une rente viagère d'invalidité est annulée. M. X... est renvoyé devant le ministre de l'éducation nationale et le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget pour qu'il soit procédé à la liquidation de sa rente viagère d'invalidité.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. X... et de sa requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X..., au ministre d'Etat, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et du budget.