Conseil d'Etat, 3 SS, du 6 janvier 1995, 135338, inédit au recueil Lebon
Vu la requête enregistrée au secrétariat du Conseil d'Etat le 17 mars 1992, présentée par M. Raymond X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 30 janvier 1992 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 1989 par laquelle le directeur interdépartemental des anciens combattants et victimes de guerre de Strasbourg a refusé de lui reconnaître la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
2°) annule, pour excès de pouvoir, cette décision, et condamne l'Etat à lui verser 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'arrêté du 10 mai 1954 modifié par l'arrêté du 2 mai 1984 ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Burguburu, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 1954 modifié par l'arrêté du 2 mai 1984, "1. Les Alsaciens et les Mosellans incorporés de force dans l'armée allemande, dans des conditions exclusives de tout acte de volonté caractérisé, peuvent se voir reconnaître cette qualité ( ...) par décision du secrétaire d'Etat auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants, après avis du commissaire de la République intéressé ; un certificat ( ...) sera délivré par le directeur interdépartemental territorialement compétent ; le commissaire de la République est assisté d'une commission interdépartementale itinérante ( ...) ; si l'avis du commissaire de la République est défavorable, la commission est obligatoirement consultée ; le commissaire de la République peut déléguer ses pouvoirs au directeur départemental des anciens combattants et victimes de guerre de la compétence duquel relève le département où a eu lieu l'incorporation forcée. 2. Ce certificat pourra également être délivré, sur leur demande, aux Alsaciens et aux Mosellans qui ont été affectés dans des formations paramilitaires allemandes, dont la liste est fixée notamment aux articles A.166 et A.167 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et qui ont été engagés sous commandement militaire dans des combats" ;
Considérant, en premier lieu, que M. X... n'a invoqué devant le tribunal administratif de Strasbourg aucun moyen relatif à la légalité externe de la décision attaquée ; que, dès lors, il n'est pas recevable à invoquer, pour la première fois en appel, des moyens tirés d'irrégularités de procédure qui auraient entaché la décision attaquée ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a été incorporé de force dans le R.A.D., formation ne faisant pas partie de la Wehrmacht ; que, dès lors, la demande de M. X... doit être examinée au regard de l'article 2-2 précité de l'arrêté du 10 mai 1954 modifié, dont les dispositions ont pu légalement subordonner dans le cas qu'elles visent la délivrance du certificat à la condition d'un engagement sous commandement militaire dans des combats ; que la circonstance que la réglementation en vigueur en Allemagne pendant la guerre ait ignoré la notion d'organisation paramilitaire, et le fait, à le supposer établi, que les incorporés de force dans la gendarmerie allemande se verraient reconnaître la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande dans les conditions prévues par l'article 2.1 de l'arrêté du 10 mai 1954 modifié, alors que la gendarmerie allemande ne serait pas une formation militaire, sont sans incidence sur la légalité des dispositions applicables aux Alsaciens et aux Mosellans incorporés de force dans les organisations paramilitaires allemandes ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué par M. X... qu'il ait été engagé dans des combats sous commandement militaire ; qu'il ne peut donc prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 2-2 de l'arrêté du10 mai 1954 modifié ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur interdépartemental des anciens combattants de Strasbourg lui refusant la qualité d'incorporé de force dans l'armée allemande ;
Sur les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Raymond X... et au ministre des anciens combattants et victimes de guerre.