Conseil d'Etat, 1 / 4 SSR, du 26 juillet 1996, 137899, mentionné aux tables du recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision26 juillet 1996
Num137899
Juridiction
Formation1 / 4 SSR
PresidentM. Vught
RapporteurM. de Bellescize
CommissaireM. Bonichot

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 1er juin et 1er octobre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD", représenté par son directeur domicilié en cette qualité audit siège du centre hospitalier spécialisé 54, avenue de la République à Villejuif (94800) ; le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD" demande que le Conseil d'Etat annule l'arrêt en date du 31 mars 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de M. J. S. condamné le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD" à rembourser à M. S. le montant du forfait journalier correspondant à la somme de 1 078 F, avec intérêts à compter du 28 mai 1988 et capitalisation des intérêts au 21 avril 1991, et à verser une somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 83-25 du 19 janvier 1983 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD", et de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de M. J. S.,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 4 de la loi n° 83-25 du 19 janvier 1983 portant diverses mesures relatives à la sécurité sociale : "Un forfait journalier est supporté par les personnes admises dans des établissements hospitaliers ou médico-sociaux, à l'exclusion des établissements visés aux articles 52-1 et 52-3 de la loi n° 70-1318 du 31 décembre 1970 et à l'article 5 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975. Ce forfait n'est pas pris en charge par les régimes obligatoires de protection sociale, sauf dans le cas des enfants et adolescents handicapés hébergés dans des établissements d'éducation spéciale ou professionnelle, des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, des bénéficiaires de l'assurance maternité et des bénéficiaires de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre" ; qu'il résulte de ces dispositions que les seules exceptions prévues par la loi concernent les personnes admises dans les unités ou centres de long séjour, dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées comportant une section de cure médicale ou dans des établissements sociaux d'hébergement et d'aide par le travail ;
Considérant qu'il résulte des pièces soumises au juge du fond que M. S. a été admis du 14 juin au 2 août 1985 au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD", à la suite d'un arrêté du préfet du Val-de-Marne du 12 juin 1985 ordonnant son placement d'office en application de l'article L. 343 du code de la santé publique ; que l'illégalité de la mesure de placement d'office, si elle était le cas échéant de nature à engager la responsabilité de l'Etat et à ouvrir à M. S. droit à réparation du préjudice ayant pu en résulter, était sans incidence sur l'obligation qui lui était imposée en sa qualité de malade hospitalisé d'acquitter le forfait journalier en vertu des dispositions législatives précitées ; que par suite la cour n'a pu légalement se fonder sur l'annulation par le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 février 1989 de l'arrêté préfectoral du 12 juin 1985 pour estimer que M. S. ne pouvait être regardé comme ayant été admis dans l'établissement ni comme ayant été redevable du forfait journalier, et a ainsi violé les dispositions susrappelées de l'article 4 de la loi du 19 janvier 1983 ; que dès lors le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD" est fondé à demander l'annulation de l'arrêt en date du 31 mars 1992 qui l'a condamné à verser une somme de 1 078 F à M. S. en remboursement du forfait journalier payé par ce dernier à l'occasion de son hospitalisation dans l'établissement du 14 juin au 2 août 1985 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD" où a été placé d'office M. S. ne relève d'aucune des exceptions prévues par l'article 4 de la loi du 19 janvier 1983 ; que la circonstance que l'admission de M. S. dans l'établissement soit intervenue à la suite d'une mesure de police n'était pas de nature à le dispenser du paiement du forfait journalier ;
Considérant, en deuxième lieu, que le forfait hospitalier institué par l'article 4 de la loi du 19 janvier 1983 n'est pas au nombre des dépenses que doit supporter l'Etat au titre des actions de lutte contre les maladies mentales, telles qu'elles sont définies par les articles L. 326 et L. 353 du code de la santé publique dans leurs rédactions antérieures à la loi du 30 décembre 1985 ; que le moyen tiré par M. S. de ce qu'en vertu de ces textes, l'Etat aurait été redevable du forfait journalier, qui lui aurait été réclamé à tort, doit être écarté ;
Considérant enfin qu'il n'appartenait pas, en tout état de cause, au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD" de transmettre aux autorités de l'Etat la seule demande dont il avait été saisi par M. S., qui tendait à l'annulation de l'état exécutoire émis à son encontre et au remboursement du forfait journalier, sur laquelle l'établissement hospitalier était bien compétent pour se prononcer ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. S. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 12 février 1991, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tenant au remboursement du forfait hospitalier qu'il avait acquitté à l'occasion de son hospitalisation ; qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD" et de rejeter l'appel formé par M. S. contre ce jugement ;
Sur les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que le CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD" qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. S. la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. S. à payer au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD" la somme qu'il demande au même titre ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 31 mars 1992 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. S. devant la cour administrative d'appel de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. S. tendant au bénéfice des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions du CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD"présentées devant la cour administrative d'appel de Paris et tendant au bénéfice de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE "PAUL GUIRAUD", à M. J. S. et au ministre du travail et des affaires sociales.