Conseil d'État, 10ème / 9ème SSR, 15/05/2006, 275609

Information de la jurisprudence
Date de décision15 mai 2006
Num275609
Juridiction
Formation10ème / 9ème SSR
RapporteurM. Jean-Claude Hassan
CommissaireMlle Verot
AvocatsSCP BOULLEZ


Vu le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, enregistré le 21 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 19 octobre 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, à la demande de M. et MmeB..., le jugement du 1er mars 2001 du tribunal administratif de Nice ayant rejeté leur demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1996 ;

2°) statuant au fond, de rejeter la demande formée par M. et Mme B... devant la cour administrative d'appel de Marseille ;




Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Royaume-Uni le 22 mai 1968 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Boullez, avocat de M. et MmeB...,

- les conclusions de Mlle Célia Vérot, Commissaire du gouvernement ;




Considérant qu'aux termes de l'article 195 du code général des impôts : " 6. Les contribuables mariés, lorsque l'un des conjoints est âgé de plus de 75 ans et titulaire de la carte du combattant ou d'une pension servie en vertu des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, bénéficient d'une demi-part supplémentaire de quotient familial " et qu'aux termes de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant (...) : les militaires des armées françaises /les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date / les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations " ; que l'article A 128 de ce même code dispose : " Peuvent bénéficier des dispositions du [chapitre Ier du titre Ier du Livre III, intitulé " Carte du combattant "] : 1° Les Français et les ressortissants de l'ancienne Union française ; 2° Les étrangers ayant combattu sous le drapeau ou le pavillon français ou sous l'autorité d'un haut commandement français ou allié qualifié, au cours d'opérations auxquelles ont participé les forces françaises " ;

Considérant par ailleurs qu'aux termes de l'article 25 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 : " 1. Les nationaux d'un Etat contractant ne sont soumis dans l'autre Etat contractant à aucune imposition ou obligation y relative qui soit différente ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre Etat se trouvant dans la même situation " ;

Considérant qu'après avoir affirmé que M. B...était ancien combattant britannique et qu'il justifiait d'états de service équivalents à ceux qui sont exigés par les dispositions précitées de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour bénéficier d'une carte du combattant, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pu, sans erreur de droit, juger qu'il se trouvait de ce seul fait dans une situation identique à celle des contribuables mentionnés à l'article 195 du code général des impôts et qu'il ne pouvait par suite, sans méconnaissance des stipulations rappelées plus haut de la convention fiscale franco-britannique, être privé de l'avantage prévu pour eux ; que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille doit, pour ce motif, être annulé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut " régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie " ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que l'article 195 du code général des impôts subordonne notamment l'avantage qu'il prévoit à la détention de la carte du combattant mentionnée par l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et dont le régime légal ne conditionne pas la délivrance à la possession de la nationalité française ; que M. B...ne démontre ni même n'allègue qu'il aurait demandé à bénéficier d'une telle carte ou qu'il n'aurait pu l'obtenir au seul motif de sa nationalité britannique, alors que son bénéfice aurait dû être accordé à un ressortissant français justifiant des mêmes états de service ; que, dès lors l'administration a pu lui refuser l'avantage prévu par l'article 195 du code général des impôts sans méconnaître les stipulations précitées de la convention franco-britannique qui proscrivent les différences de traitement fondées sur la seule nationalité ; qu'ainsi, M. et Mme B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par son jugement du 1er mars 2001, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande de réduction des impositions mises à leur charge au titre de l'impôt sur le revenu pour l'année 1996 ; que leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être, par voie de conséquence, rejetées ;




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 19 octobre 2004 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B...devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. et Mme A...B....

ECLI:FR:CESSR:2006:275609.20060515