COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 1ère chambre - formation à 3, 26/11/2009, 07LY02830, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 26 novembre 2009 |
Num | 07LY02830 |
Juridiction | Lyon |
Formation | 1ère chambre - formation à 3 |
President | M. BEZARD |
Rapporteur | M. Jean-Pascal CHENEVEY |
Commissaire | M. BESSON |
Avocats | DUFAY SUISSA CORNELOUP |
Vu la requête, enregistrée le 14 décembre 2007, présentée pour M. Michel A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700113 du Tribunal administratif de Dijon
du 23 octobre 2007 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision
du 19 octobre 2006 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande d'aide financière présentée au titre du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;
2°) d'annuler cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de fait ; qu'en effet, son père, qui était amputé de la jambe droite et se déplaçait sur une jambe de bois, a été abattu par deux militaires allemands dans une rue du village de Santenay-les-Bains ; que son père n'a pas essayé d'arrêter et de désarmer ces deux soldats ; que, si le Premier ministre a relevé que les Forces françaises de l'intérieur et le ministère des anciens combattants ont indiqué que
B a été tué par des soldats allemands qu'il essayait d'arrêter, cette version des faits, qui a été présentée afin d'honorer la mémoire de son père, ne peut correspondre à la réalité des faits, un homme unijambiste ne pouvant désarmer deux soldats ; que le Tribunal a également commis une erreur de qualification juridique des faits et une erreur de droit ; que le Tribunal a en effet implicitement considéré que B n'avait pas été exécuté par des soldats allemands, mais que son décès a fait suite à un combat ; que, pourtant, on ne peut estimer que le fait pour deux soldats de croiser un résistant unijambiste constitue une opération de guerre ; qu'il s'agit nécessairement d'une exécution sommaire ;
Vu le jugement attaqué ;
En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 3 décembre 2008, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2009 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2009 :
- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;
- les observations de Me Corneloup, avocat de M. A ;
- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;
- la parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2004 : Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. / Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code. / Sont exclues du bénéfice du régime prévu par le présent décret les personnes qui perçoivent une indemnité viagère versée par la République fédérale d'Allemagne ou la République d'Autriche à raison des mêmes faits ; qu'aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ ; qu'aux termes de l'article L. 290 du même code : Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur-le-champ ;
Considérant que, pour rejeter par sa décision attaquée la demande du bénéfice de l'aide financière prévue par les dispositions précitées, le Premier ministre s'est fondé sur le fait que le père de M. A est décédé le 8 septembre 1944 à Santenay, dans le département de la Côte-d'Or, au cours d'une opération de guerre, alors que ces dispositions ne sont applicables qu'en cas de déportation pour des faits de résistance ou des motifs politiques ou en cas d'exécution sommaire par l'occupant ; qu'il ressort des archives du ministère des anciens combattants, et notamment d'un document émanant des Forces françaises de l'intérieur, que le père du requérant a été tué alors qu'il essayait de désarmer et d'arrêter deux soldats allemands isolés ; que, si M. A fait valoir que cette version des faits n'est pas vraisemblable, son père, qui était handicapé à la suite d'une amputation de la jambe droite, ne pouvant sérieusement s'opposer à deux soldats ennemis armés, il n'apporte à l'appui de ses allégations quant aux circonstances du décès de son père aucun début de commencement de preuve susceptible d'en établir la véracité ; qu'ainsi, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que B aurait été arrêté et exécuté pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi ou aurait été exécuté après une arrestation pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, c'est à bon droit que le Premier ministre a estimé que l'intéressé ne satisfaisait pas aux conditions lui permettant de bénéficier des dispositions du décret du 27 juillet 2004 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer au requérant la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel A et au Premier ministre.
Délibéré après l'audience du 6 octobre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président,
M. Fontbonne, président-assesseur,
M. Chenevey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 novembre 2009.
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