Cour Administrative d'Appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 18/05/2010, 08MA02258, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision18 mai 2010
Num08MA02258
JuridictionMarseille
Formation2ème chambre - formation à 3
PresidentM. FEDOU
RapporteurMme Cécile FEDI
CommissaireM. BROSSIER
AvocatsROLAND GRAS & NATHALIE AMILL AVOCATS ASSOCIÉS

Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2008, présentée pour M. Mickaël A, élisant domicile ..., par Me Gras, avocat ; M. A demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 0300482 et 0302555 rendu le 22 février 2008 par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 452 454,22 euros en réparation des conséquences dommageables ayant résulté pour lui de l'absence de diagnostic de l'infarctus du myocarde dont il a été victime le 28 janvier 2000 ;


2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 486 230,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2003 ;


3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la loi n° 72-662 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;
Vu la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 ;
Vu le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;



Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2010 :

- le rapport de Mme Fedi, rapporteur,
- et les conclusions de M. Brossier, rapporteur public ;
Considérant que M. A, alors caporal-chef au 1er régiment d'infanterie de marine du Pacifique-Polynésie, interjette appel du jugement rendu le 22 février 2008 par le tribunal administratif de Nice qui a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les conséquences dommageables ayant résulté pour lui de l'absence de diagnostic de l'infarctus du myocarde, dont il a été victime le 28 janvier 2000, par le médecin de son unité ;


Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : Ouvrent droit à pension : ...2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service... ; qu'aux termes de l'article L. 79 dudit code : Toutes les contestations auxquelles donne lieu l'application du
livre 1er (à l'exception des chapitres Ier et IV du titre VII) et du livre II du présent code sont jugées en premier ressort par le tribunal départemental des pensions du domicile de l'intéressé et en appel par la Cour régionale des pensions. Les arrêts rendus par les cours régionales des pensions peuvent être déférés au Conseil d'Etat par la voie du recours en cassation. ; que ces dispositions ne sont pas applicables au militaire qui engage une action de droit commun contre la collectivité en vue de la réparation intégrale de l'ensemble du dommage qu'il estime avoir subi et résultant des maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;


Considérant que par jugement en date du 1er avril 2004 du tribunal des pensions de Draguignan, confirmé le 17 décembre 2004 par la cour régionale des pensions militaires
d'Aix-en-Provence, la demande de pension d'invalidité de l'intéressé qui imputait l'infarctus dont il a été victime aux conditions particulières de service qui lui avaient été imposées, a été rejetée ; que M. A, qui ne réclamait pas le versement d'une pension, n'était pas tenu de saisir à nouveau le tribunal des pensions du refus du ministre de la défense de réparer les dommages ayant résulté pour lui de la faute commise par le médecin qui l'a examiné le 28 janvier 2000 avant de saisir le juge administratif de droit commun de ses prétentions ; que, dans ces conditions, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, sa demande était recevable ; que, par suite, le jugement en date du 22 février 2008 doit être annulé ;


Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 7 mai 2001 modifié organisant la procédure de recours administratif préalable aux recours formés à l'encontre d'actes relatifs à la situation personnelle des militaires alors applicable : Il est institué auprès du ministre de la défense une commission des recours des militaires chargée d'examiner les recours formés par les militaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle relevant de la compétence du ministre de la défense, à l'exception de ceux concernant leur recrutement ou l'exercice du pouvoir disciplinaire. / La saisine de la commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier. (...) ; qu'aux termes de l'article 2 de ce même décret : A compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission par lettre recommandée avec avis de réception adressée au secrétariat de la commission, accompagnée d'une copie de l'acte. Si la copie n'est pas jointe à l'envoi, le secrétariat de la commission met l'intéressé en demeure de la produire dans un délai de deux semaines ; en l'absence de production dans ce délai, l'intéressé est réputé avoir renoncé à son recours. / Dès réception de la demande, le président de la commission en informe l'autorité dont émane l'acte contesté ainsi que le chef d'état-major de l'armée d'appartenance de l'intéressé ou l'autorité correspondante. / Toute autorité recevant un recours dont l'examen relève de la compétence de la commission est tenue de le transmettre sans délai à celle-ci et d'en aviser l'auteur du recours. ;

Considérant qu'il est constant que M. A n'a pas, avant de former un recours contentieux tendant à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi, présenté un recours administratif préalable tendant aux mêmes fins devant la commission des recours des militaires prévue à l'article 1er du décret du 7 mai 2001 ; que, contrairement à ce que soutient M. A, une telle irrecevabilité peut être soulevée d'office par le juge et ne peut être régularisée par le fait que le ministre de la défense n'ait pas soulevé de fin de non-recevoir ; que les circonstances que M. A ait saisi le ministre de la défense le 27 février 2003 d'une demande préalable d'indemnité qui n'a été rejetée que de manière implicite en raison du silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative, laquelle n'a pas non plus indiqué à l'appelant qu'un recours préalable à une requête contentieuse était obligatoire devant la commission des recours des militaires, ne dispensaient pas l'appelant de respecter l'obligation qui pesait sur lui de saisir ladite commission ; qu'enfin, le ministre de la défense n'ayant pas reçu un recours mais une demande préalable d'indemnité n'a pas méconnu les dispositions de l'article 2 du décret de 2001 en ne transmettant pas cette demande à la commission ; que, par suite, en application des dispositions rappelées ci-dessus, la requête de M. A n'est pas recevable et ne peut qu'être rejetée ;

Considérant, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer jusqu'à ce que la commission des recours des militaires se soit prononcée, qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander réparation du préjudice qu'il estime avoir subi ; que l'exécution du présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin de condamnation de l'appelant, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense de transmettre à la commission des recours des militaires sa demande préalable d'indemnité ne peuvent qu'être rejetées ; qu'enfin, doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. A tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 22 février 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Nice ainsi que le surplus des conclusions qu'il a présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mickaël A et au ministre de la défense.

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N° 08MA022582