Cour Administrative d'Appel de Paris, 4ème chambre, 08/03/2011, 10PA00410, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision08 mars 2011
Num10PA00410
JuridictionParis
Formation4ème chambre
PresidentM. PERRIER
RapporteurM. Jean-Marie PIOT
CommissaireMme DESCOURS GATIN
AvocatsNJOYA

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 janvier et 25 août 2010, présentés pour M. Salah A, demeurant à la ..., par Me Njoya ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0819966/12-1 en date du 4 mai 2009 par laquelle le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 9 octobre 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a refusé de lui attribuer la carte du combattant ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris de lui délivrer la carte du combattant ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010 du Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 février 2011 :

- le rapport de M. Piot, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public ;

Considérant que M. A, de nationalité algérienne, fait appel de l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Paris en date du 4 mai 2009 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France a refusé de lui reconnaitre la qualité de combattant ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense et des anciens combattants et tirée de la tardiveté de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 e R. 751-4 (...) ; qu'aux termes de l'article R. 811-5 du même code : Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis ; qu'en vertu de l'aliéna 3 de l'article R. 421-7 dudit code, lesdits délais sont augmentés de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger ; qu'enfin aux termes de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique susvisé : Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir en matière civile devant la Cour de cassation est adressée au bureau d'aide juridictionnelle établi près cette juridiction avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires, ce délai est interrompu. Un nouveau délai court à compter du jour de la réception par l'intéressé de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. Ce dernier délai est lui-même interrompu lorsque la demande de nouvelle délibération ou le recours prévus à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 sont régulièrement formés par l'intéressé. Le délai alors imparti pour le dépôt du pourvoi ou des mémoires court à compter de la date de la réception par l'intéressé de la notification de la nouvelle délibération du bureau ou de la décision prise sur le recours, ou, si elle est plus tardive, de la date à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. Les délais de recours sont interrompus dans les mêmes conditions lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou une juridiction administrative statuant à charge de recours devant le Conseil d'Etat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'ordonnance attaquée a été notifiée le 20 mai 2009 au requérant en Algérie ; qu'eu égard à la notification effectuée en Algérie et par application des dispositions combinées des articles R. 811-2, R. 811-5 et R. 421-7 du code précitées, il disposait à raison du délai de distance, d'un délai expirant le 21 septembre 2009 pour faire appel ; que ce délai a été interrompu par sa demande d'aide juridictionnelle formée le 9 juin 2009 ; que la décision en date du 24 septembre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle lui accordant le bénéfice de cette aide et lui désignant un avocat lui a été notifiée le 24 octobre 2009 ; que, par application des dispositions de l'article 39 du décret du 19 décembre 1991 précitées, il disposait d'un nouveau délai d'appel expirant le 25 février 2010 ; que, contrairement à ce que soutient le ministre de la défense et des anciens combattants, sa requête enregistrée le 22 janvier 2010, avant l'expiration du délai d'appel, est donc recevable ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense et des anciens combattants et tirée de la tardiveté de la requête ne peut qu'être écartée ;

Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235 ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre les 1er janvier 1952 et 2 juillet 1962 : / Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date, / Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. / Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : Sont considérés comme combattants : (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; / Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; / Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; / 2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; / 3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; / 4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; / 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; / 6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève. (...) ; que l'arrêté interministériel du 11 février 1975 susvisé qui énumère les formations constituant les forces supplétives françaises qui ont participé aux opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 mentionne notamment 1. Les formations de harkis (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté que M. A a servi en qualité de harki à la 5ème compagnie harka du 151ème régiment d'infanterie motorisée du 1er mai 1959 au 11 mars 1961 et à la 1èrecompagnie harka du 1ème régiment d'infanterie motorisée du 12 mars 1961 au 07 avril 1962 ; qu'il a donc été membre des forces supplétives françaises pendant une période d'au moins 4 mois et remplit ainsi, contrairement à ce qui ressort de la décision contestée du 9 octobre 2008 du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, la condition de services et de durée posée par les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que le président du Tribunal administratif de Paris a, par l'ordonnance attaquée, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 octobre 2008 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a refusé de lui reconnaitre la qualité de combattant au motif qu'il ne justifiait pas d'une présence en Afrique du Nord pendant au minimum 120 jours ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;

Considérant que M. A demande à la Cour, sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, de lui attribuer la carte du combattant à compter de la notification du présent arrêt ;

Considérant qu'il appartient au juge de l'exécution de statuer en tenant compte des éléments de droit et de fait existant à la date de sa décision ;

Considérant que, par une décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les conditions de nationalité et de domiciliation posées par le troisième alinéa de l'article 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; que ces dispositions législatives ont été abrogées à compter du 24 juillet 2010, date de la publication de la décision n° 2010-18 QPC au journal officiel de la République française ; qu'eu égard à la rédaction de l'article L. 253 bis en vigueur à la date du présent arrêt et compte tenu du motif qui a été retenu pour annuler la décision refusant à M. A la qualité de combattant, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que la qualité de combattant soit reconnue à M. A et que la carte du combattant soit attribuée à ce dernier ; que, dès lors, il y a lieu d'ordonner au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de reconnaître à M. A la qualité de combattant et de lui attribuer la carte du combattant dans un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt ;

D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance susvisée du président du Tribunal administratif de Paris en date du 4 mai 2009 et la décision du préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en date du 9 octobre 2008 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, de délivrer à M. A, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, la carte du combattant. Le préfet tiendra le greffe de la cour (service de l'exécution) immédiatement informé des dispositions prises pour répondre à cette injonction.
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N°10PA00410