Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 30/12/2011, 332915
Date de décision | 30 décembre 2011 |
Num | 332915 |
Juridiction | |
Formation | 6ème et 1ère sous-sections réunies |
President | M. Jacques Arrighi de Casanova |
Rapporteur | M. Julien Cléach |
Commissaire | M. Cyril Roger-Lacan |
Avocats | SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN |
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 octobre 2009 et 21 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Didier A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08NC00836 du 6 août 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0600549 du 9 avril 2008 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 136 174 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2005, en réparation des préjudices subis dans la gestion de sa carrière et lors de sa mise à la retraite ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Cléach, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :
Considérant que l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Nancy a été notifié à M. A le 27 août 2009 ; que, par suite, le pourvoi formé par l'intéressé contre cet arrêt, enregistré le 21 octobre 2009 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a été présenté dans le délai de recours contentieux ; que le garde des sceaux, ministre de la justice n'est dès lors pas fondé à soutenir que ce pourvoi serait tardif ;
Sur le pourvoi :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées (...) en service (...) peut être radié des cadres par anticipation " ; que selon l'article L. 28 du même code, seuls les fonctionnaires radiés des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 peuvent percevoir une rente viagère d'invalidité ; qu'en vertu de l'article R. 4 de ce code : " L'acte de radiation des cadres spécifie les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales invoquées à l'appui de cette décision. / Les énonciations de cet acte ne peuvent préjuger ni la reconnaissance effective du droit, ni les modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession " ; qu'enfin, selon le premier alinéa de l'article R. 65, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le ministre dont relevait le fonctionnaire ou le militaire lors de sa radiation des cadres ou de son décès en activité est chargé de constituer le dossier nécessaire au règlement des droits à pension ; il propose les bases de liquidation de la pension et, le cas échéant de la rente viagère d'invalidité. Après contrôle de cette proposition, le ministre du budget effectue les opérations de liquidation et, par arrêté, concède la pension et la rente viagère d'invalidité " ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la circonstance qu'un fonctionnaire fasse l'objet d'un acte de radiation des cadres, pris par le ministre dont il relève, pour invalidité ne résultant pas de l'exercice de ses fonctions fait obstacle à ce que le ministre chargé du budget puisse procéder, en l'absence de proposition en ce sens, à la liquidation de la pension sur la base des éléments qu'il appartient, le cas échéant, au ministre sous l'autorité duquel l'agent est placé de lui soumettre et, ainsi, puisse lui verser une rente viagère d'invalidité ; qu'il suit de là qu'en jugeant, par adoption des motifs du jugement attaqué, que l'acte admettant M. A à la retraite pour invalidité non imputable au service était sans effet sur l'attribution éventuelle d'une rente viagère d'invalidité et que, par suite, la perte pécuniaire résultant pour lui de la privation de cette rente était dépourvue de lien de causalité avec les éventuelles illégalités de cet acte, alors qu'en écartant l'imputation de l'invalidité au service, cet acte faisait obstacle à ce que la liquidation de la pension fût assortie de l'attribution d'une telle rente, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit ;
Considérant, en outre, que si le juge d'appel peut statuer par adoption des motifs des premiers juges sans entacher sa décision d'une insuffisance de motivation, c'est à la condition que, compte tenu de l'argumentation de l'appelant, la réponse du tribunal à ces mêmes moyens puisse elle-même être regardée comme suffisante, sans appeler de nouvelles précisions en appel ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A ne s'est pas borné à reprendre ses moyens de première instance mais a soulevé devant la cour une argumentation plus circonstanciée, notamment quant au lien de causalité entre les préjudices dont il demandait réparation et les fautes imputées à l'administration ; que, par suite, en se bornant à écarter l'appel par adoption des motifs retenus par les premiers juges, la cour administrative d'appel de Nancy a insuffisamment motivé son arrêt ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à ces conclusions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 6 août 2009 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.