Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 21/03/2012, 340057, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision21 mars 2012
Num340057
Juridiction
Formation 2ème sous-section jugeant seule
PresidentM. Edmond Honorat
RapporteurMme Catherine Moreau
CommissaireM. Damien Botteghi
AvocatsSCP TIFFREAU, CORLAY, MARLANGE

Vu le pourvoi, enregistré le 28 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA DEFENSE, qui demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09/00099 du 9 mars 2010 par lequel la cour régionale des pensions de Montpellier a confirmé le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Hérault du 7 juillet 2009 en tant qu'il a reconnu à M. Pierre A un droit à pension au taux de 10 % pour hypoacousie ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Hérault en tant qu'il a reconnu à M. A droit à pension au taux de 10 % pour hypoacousie et de rejeter la demande de pension présentée par ce dernier pour cette infirmité ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Moreau, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de M. Pierre A et de Mme Maria A,

- les conclusions de M. Damien Botteghi, rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de M. Pierre A et de Mme Maria A ;




Considérant qu'aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif " ;

Considérant que M. A, titulaire d'une pension concédée à titre définitif par un arrêté du 22 novembre 1988 au taux global de 50 % pour une lombosciatique et des acouphènes a sollicité la révision de cette pension le 23 janvier 2008 pour aggravation de ces deux infirmités ; que cette demande de révision a été rejetée par décision du 15 juillet 2008 contre laquelle M. A s'est pourvu devant le tribunal départemental des pensions de l'Hérault ; que par un jugement avant-dire droit du 7 juillet 2009, le tribunal départemental des pensions a ordonné une expertise s'agissant de la lombosciatique mais a décidé que le taux global de la pension concédée à M. A devrait prendre en compte une infirmité qualifiée d'hypoacousie au taux de 10 % ; que la cour régionale des pensions de Montpellier, saisie en appel sur ce point par le ministre de la défense, a confirmé le jugement en tant qu'il a accordé pension au taux de 10 % pour cette infirmité nouvelle, par un arrêt du 9 mars 2010 contre lequel le ministre de la défense s'est pourvu en cassation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les services du ministère de la défense ont reçu notification de l'arrêt rendu par la cour régionale des pensions le 2 avril 2010 ; que le pourvoi en cassation, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 28 mai 2010, a été ainsi formé par le ministre de la défense avant l'expiration du délai de pourvoi et est, par suite, recevable ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, devant la cour régionale des pensions, le ministre de la défense avait fait valoir que le tribunal départemental des pensions, en accordant pension au taux de 10 % pour une hypoacousie, avait méconnu les dispositions des articles L. 2, L. 3, L. 26 et L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, que l'imputabilité au service, par preuve ou par présomption, de l'hypoacousie n'était pas établie et que cette infirmité n'était pas en relation avec l'infirmité déjà pensionnée ; que la cour régionale des pensions, qui s'est bornée à relever que l'hypoacousie avait été mentionnée par le rapport d'expertise demandé par l'administration, ne s'est toutefois pas prononcée sur les moyens soulevés par le ministre à l'appui de son appel ; qu'elle n'a, par suite, pas motivé sa décision ; que le MINISTRE DE LA DEFENSE est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette dernière mesure en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que, lorsqu'est demandée la révision d'une pension concédée pour prendre en compte une affection nouvelle que l'on entend rattacher à une infirmité déjà pensionnée, cette demande ne peut être accueillie si n'est pas rapportée la preuve d'une relation non seulement certaine et directe, mais déterminante, entre l'infirmité antécédente et l'origine de l'infirmité nouvelle ;

Considérant que l'hypoacousie affectant M. A, constatée dès 1971 à un taux nul, n'a pas évolué à la suite de la séance de tir du 17 mars 1978, qui a été reconnue comme étant à l'origine des acouphènes pensionnés, de sorte que les demandes successives de pension au titre de l'hypoacousie, formées en 1985, 1989 et 1991, ont été rejetées ; que la preuve d'une relation certaine, directe et déterminante entre les acouphènes et l'hypoacousie n'est pas rapportée par les éléments versés au dossier ; qu'en tout état de cause, M. A n'allègue aucun fait précis de service susceptible d'avoir provoqué la perte auditive ; que, par suite, la demande de pension pour hypoacousie, au demeurant présentée pour la première fois devant le tribunal départemental des pensions, ne pouvait qu'être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions de l'Hérault a reconnu à M. A droit à pension au taux de 10 % pour une infirmité nouvelle qualifiée d'hypoacousie bilatérale ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du MINISTRE DE LA DEFENSE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Montpellier du 9 mars 2010 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal départemental des pensions de l'Hérault du 7 juillet 2009 est annulé en tant qu'il a reconnu à M. A droit à pension au taux de 10 % pour hypoacousie. La demande présentée par M. A devant le tribunal départemental des pensions de l'Hérault est rejetée dans cette mesure.

Article 3 : Les conclusions présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative par Mme A sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS et à Mme Maria A.