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Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 20/12/2012, 350703, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision20 décembre 2012
Num350703
Juridiction
Formation 9ème sous-section jugeant seule
RapporteurM. Olivier Gariazzo
CommissaireMme Claire Legras
AvocatsFOUSSARD

Vu le pourvoi, enregistré le 7 juillet 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 2095/11 du 5 mai 2011 par lequel la cour régionale des pensions de Pau a confirmé le jugement du 8 avril 2010 du tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Atlantiques, en tant qu'il a accordé à M. Jean-Pierre A la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée initialement au taux du grade d'adjudant de l'armée de terre, sur la base de l'indice afférent au grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983

Vu le décret n° 2010-473 du 10 mai 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de Me Foussard, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de M. A ;



1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées, sous réserve de la confirmation ou modification prévues à l'alinéa ci-après, par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet. (...) / Les concessions ainsi établies sont confirmées ou modifiées par un arrêté conjoint du ministre des anciens combattants et victimes de guerre et du ministre de l'économie et des finances. La concession ne devient définitive qu'après intervention dudit arrêté. / (...) Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux militaires et marins de carrière (...), pour lesquels la pension est liquidée (...) par le ministre d'Etat chargé de la défense nationale (...), la constatation de leurs droits incombant au ministre des anciens combattants et victimes de la guerre. Ces pensions sont concédées par arrêté signé du ministre de l'économie et des finances. " ; que, d'une part, en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959, dans sa rédaction alors en vigueur, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, les décisions prises en vertu du premier ou du dernier alinéa de l'article L. 24 précité ainsi que la décision prise en vertu du deuxième alinéa du même article, sauf si celle-ci a simplement confirmé la décision primitive prise en vertu du premier alinéa ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 78 du même code : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre de mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) " ;

2. Considérant que le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent au sien des personnels de la marine nationale, qui ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de sa pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à sa personne, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité ; qu'ainsi, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; que, passé ce délai de six mois ouvert au pensionné pour contester l'arrêté lui concédant sa pension, l'intéressé ne peut demander sa révision que pour l'un des motifs limitativement énumérés aux 1° et 2° de cet article L. 78 ;

3. Considérant, par ailleurs, que les dispositions de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre s'appliquent aux pensionnés comme à l'administration ; que si elles prémunissent cette dernière contre des contestations tardives pour des motifs autres que les erreurs et omissions matérielles évoquées ci-dessus, elles garantissent réciproquement aux titulaires de pensions d'invalidité que leurs droits ne pourront être remis en cause par l'administration, sans condition de délai, pour des erreurs de droit ; qu'en tout état de cause, elles ne font pas obstacle à ce que les pensionnés puissent faire valoir utilement leurs droits devant la juridiction des pensions, pour quelque motif que ce soit, dans le délai de recours prévu par l'article 5 du décret du 20 février 1959, dont la durée de six mois, dérogatoire au droit commun, n'apparaît pas manifestement insuffisante à cet effet ; que, par suite, ces dispositions ne sont pas contraires aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un recours effectif devant une juridiction ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a demandé le 17 novembre 2008 au ministre de la défense de recalculer la pension militaire d'invalidité qui lui avait été concédée à titre définitif par un arrêté du 6 juin 1989 en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale ; que, par lettre du 19 décembre 2008, le ministre lui a indiqué qu'il recherchait les moyens de donner une suite à sa demande et qu'il en serait tenu informé dès que possible ; qu'en l'absence de réponse, M. A a saisi le 5 janvier 2009 le tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Atlantiques d'un recours contre le rejet qui avait été implicitement opposé par le ministre à sa demande de revalorisation ; que par jugement du 8 avril 2010, le tribunal a fait droit à sa demande ; que, saisie d'un appel formé au nom de l'État, la cour régionale des pensions de Pau a confirmé le jugement attaqué et, après avoir écarté la fin de non-recevoir opposée par le commissaire du gouvernement, tirée de la tardiveté de la demande de M. A, au motif qu'aucune forclusion ne pouvait être opposée à une telle demande en raison de son objet même, accordé à M. A la revalorisation de sa pension à compter du 17 novembre 2008 ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en faisant droit à la demande de M. A tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, sans examiner si l'intéressé était recevable, eu égard à la date et aux conditions de la notification de l'arrêté lui ayant concédé sa pension, à solliciter la revalorisation de cette dernière pour le motif tiré de l'illégalité de la différence de traitement pratiquée entre les sous-officiers de la marine nationale et ceux des autres armées, la cour régionale des pensions de Pau a commis une erreur de droit ;

6. Considérant toutefois qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965, issu du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 : " Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; qu'il appartient à l'administration, lorsqu'elle oppose au pensionné la tardiveté de son recours, de justifier devant le juge de la date à laquelle elle a notifié la décision invoquée et, si celle-ci est postérieure à la date d'entrée en vigueur du décret du 28 novembre 1983 précité, du respect des formes prescrites pour cette notification par l'article 1er du décret du 11 janvier 1965, tel que modifié par ce décret ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté du 6 juin 1989 concédant à M. A sa pension militaire d'invalidité a été notifié à l'intéressé le 18 juillet 1997 ; qu'il ne ressort pas des seules pièces produites par le ministre que cette notification comportait la mention des voies et délais de recours ; qu'il suit de là que la notification effectuée le 18 juillet 1997 n'a pu faire courir le délai du recours contentieux et que, par suite, ce délai n'était pas expiré le 19 décembre 2008, date à laquelle M. A a saisi le tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Atlantiques d'une demande en vue, d'une part, de contester le refus implicite opposé à sa demande de revalorisation de sa pension, d'autre part, d'obtenir la réformation de l'arrêté du 6 juin 1989 lui ayant concédé cette pension ; que ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné en droit retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif sur ce point ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense et des anciens combattants n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal départemental des pensions des Pyrénées-Atlantiques a accordé à M. A la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade de sergent major de l'armée de terre en fonction de l'indice du grade équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale ;

9. Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Foussard, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à Me Foussard d'une somme de 2 500 euros au titre de ces dispositions ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de la défense est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Me Foussard, avocat de M. A, la somme de 2 500 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et à M. Jean-Pierre A.


ECLI:FR:CESJS:2012:350703.20121220