Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 07/03/2013, 12DA00150, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 07 mars 2013 |
Num | 12DA00150 |
Juridiction | Douai |
Formation | 1re chambre - formation à 3 |
President | M. Yeznikian |
Rapporteur | M. Hubert Delesalle |
Commissaire | M. Moreau |
Avocats | TROFIMOFF |
Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme B...A..., demeurant chez..., par Me H. Trofimoff, avocat ; Mme A... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1101187 du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2011 du préfet de la Seine-Maritime rejetant sa demande d'attribution d'une carte de stationnement pour personnes handicapées ;
2°) à titre principal, d'ordonner une expertise ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler cette décision et d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer une carte de stationnement pour personnes handicapées dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
Vu l'arrêté du 13 mars 2006 relatif aux critères d'appréciation d'une mobilité pédestre réduite et de la perte d'autonomie dans le déplacement ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,
- et les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public ;
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne, y compris les personnes relevant du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et du code de la sécurité sociale, atteinte d'un handicap qui réduit de manière importante et durable sa capacité et son autonomie de déplacement à pied ou qui impose qu'elle soit accompagnée par une tierce personne dans ses déplacements, peut recevoir une carte de stationnement pour personnes handicapées. Cette carte est délivrée par le préfet conformément à l'avis du médecin chargé de l'instruction de la demande (...) " ; que selon l'article R. 241-17 du même code : " L'instruction de la demande mentionnée à l'article R. 241-16 est assurée, selon les cas : / 1° Soit par un médecin de l'équipe pluridisciplinaire prévue à l'article L. 146-8 ; (...) Le médecin, dans le cadre de son instruction, peut, le cas échéant, convoquer le demandeur afin d'évaluer sa capacité de déplacement. / Le préfet délivre la carte de stationnement pour personnes handicapées conformément à l'avis du médecin chargé de l'instruction de la demande. (...) Un arrêté des ministres chargés des personnes handicapées et des anciens combattants définit les modalités d'appréciation d'une mobilité pédestre réduite et de la perte d'autonomie dans le déplacement individuel, en tenant compte notamment de la limitation du périmètre de marche de la personne ou de la nécessité pour celle-ci de recourir systématiquement à certaines aides techniques ou à une aide humaine lors de tous ses déplacements à l'extérieur " ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 13 mars 2006 relatif aux critères d'appréciation d'une mobilité pédestre réduite et de la perte d'autonomie dans le déplacement pris en application de l'article R. 241-17 du code de l'action sociale et des familles : " Sont annexés au présent arrêté les critères d'appréciation d'une mobilité pédestre réduite et de la perte d'autonomie dans le déplacement, dont il est tenu compte pour l'attribution de la carte de stationnement pour personnes handicapées mentionnée à l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles " ; qu'aux termes du 1 de cette annexe : " La capacité et l'autonomie de déplacement à pied s'apprécient à partir de l'activité relative aux déplacements à l'extérieur. / Une réduction importante de la capacité et de l'autonomie de déplacement à pied correspond à une difficulté grave dans la réalisation de cette activité et peut se retrouver chez...: insuffisance cardiaque ou respiratoire). / Ce critère est rempli dans les situations suivantes : / - la personne a un périmètre de marche limité et inférieur à 200 mètres ; / - ou la personne a systématiquement recours à l'une des aides suivantes pour ses déplacements extérieurs : / - une aide humaine ; / - une prothèse de membre inférieur ; / - une canne ou tous autres appareillages manipulés à l'aide d'un ou des deux membres supérieurs (exemple : déambulateur) ; / - un véhicule pour personnes handicapées : une personne qui doit utiliser systématiquement un fauteuil roulant pour ses déplacements extérieurs remplit les conditions d'attribution de la carte de stationnement pour personnes handicapées, y compris lorsqu'elle manoeuvre seule et sans difficulté le fauteuil ; / - ou la personne a recours, lors de tous ses déplacements extérieurs, à une oxygénothérapie " ; qu'aux termes du 3 de la même annexe consacrée aux " Dispositions communes " : " La réduction de la capacité et de l'autonomie de déplacement à pied ou le besoin d'accompagnement doit être définitif ou d'une durée prévisible d'au moins un an pour attribuer la carte de stationnement pour personnes handicapées. Il n'est cependant pas nécessaire que l'état de la personne soit stabilisé. / Lorsque les troubles à l'origine des difficultés de déplacement ont un caractère évolutif, la durée d'attribution de cette carte tient compte de l'évolutivité potentielle de ceux-ci " ;
3. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au médecin chargé d'instruire la demande de carte de stationnement pour personnes handicapées d'apprécier la mobilité pédestre réduite et la perte d'autonomie dans le déplacement du demandeur en fonction des critères mentionnés dans l'annexe à l'arrêté du 13 mars 2006 ; que, pour délivrer la carte de stationnement pour personnes handicapées, le préfet est tenu de se conformer à l'avis du médecin émis dans ces conditions ;
4. Considérant que, pour refuser, par sa décision du 1er mars 2011, la demande de carte de stationnement pour personnes handicapées présentée par MmeA..., le préfet de la Seine-Maritime, conformément à l'avis émis par le médecin de l'équipe pluridisciplinaire de la Maison départementale des personnes handicapées, a retenu que son handicap ne réduisait " pas de manière importante et durable " sa " capacité " et son " autonomie de déplacement à pied " ou n'imposait pas qu'une tierce personne l'accompagne dans ses déplacements ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du certificat médical établi le 19 janvier 2010 par le chef de service de diabétologie de l'hôpital Jacques Monod au Havre, que MmeA..., née en 1947, souffre d'une maladie diabétique " difficilement contrôlable " qui est " responsable de complications dégénératives comme l'hypertension artérielle mal contrôlée " ainsi que d'une " arthropathie assez sévère des articulations tibio-taliennes " ; que ce médecin souligne que " d'autres complications dégénératives sont actuellement en cours d'exploration " ; qu'en outre, la requérante soutient, sans être contredite, ne plus pouvoir se déplacer de manière autonome au-delà d'un périmètre d'une dizaine de mètres ; que ces indications sont confirmées par les certificats médicaux établis les 30 mars et 3 mai 2011, le dernier relevant que l'intéressée présente des " douleurs au niveau des chevilles obligeant la patiente à rester à domicile " et connaît un " déplacement très difficile " quand bien même il n'indique qu'une " difficulté modérée " pour marcher et se déplacer à l'intérieur et à l'extérieur ; qu'elles le sont également par les conclusions du médecin expert désigné dans le cadre du contentieux engagé par l'intéressée devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Rouen, qui a estimé que celle-ci rencontrait une " difficulté grave " pour se déplacer à l'extérieur en relevant qu'un " fauteuil roulant serait souhaitable ", sans qu'il n'apparaisse que ces constats porteraient sur un état de santé de Mme A...qui aurait été aggravé par rapport à celui existant à la date de la décision attaquée ; que, conformément à ces conclusions, cette juridiction, par son jugement du 30 janvier 2012, a d'ailleurs reconnu à Mme A...un taux d'incapacité de 65 %, son éligibilité à la " prestation de compensation du handicap " et lui a accordé le bénéfice d'une carte de priorité pour personnes handicapées pour une durée de dix ans et de l'allocation aux adultes handicapés pour deux ans ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments médicaux non contestés, la requérante doit être regardée comme justifiant, devant la cour, d'une réduction importante de la capacité et de l'autonomie de déplacement à pied du fait d'un périmètre de marche limité et inférieur à 200 mètres et pour une durée d'au moins un an, conformément aux exigences de l'annexe à l'arrêté du 13 mars 2006 ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; qu'eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Maritime délivre à Mme A... une carte de stationnement pour personnes handicapées ; qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 4 octobre 2011 du tribunal administratif de Rouen et la décision du 1er mars 2011 du préfet de la Seine-Maritime sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme A...une carte de stationnement pour personnes handicapées dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au ministre des affaires sociales et de la santé et au préfet de la Seine-Maritime.
''
''
''
''
2
N°12DA00150