COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 6ème chambre - formation à 3, 04/04/2013, 12LY01238, Inédit au recueil Lebon
Date de décision | 04 avril 2013 |
Num | 12LY01238 |
Juridiction | Lyon |
Formation | 6ème chambre - formation à 3 |
President | M. CLOT |
Rapporteur | M. Philippe SEILLET |
Commissaire | M. POURNY |
Avocats | SCP MAURICE- RIVA-VACHERON |
Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour Mme C...E..., domiciliée..., pour Mme B...E..., domiciliée ...et pour M. F...E..., domicilié...;
Les consorts E...demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103764 du 13 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation du A...d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) à verser, d'une part, à Mme E...la somme de 470 816,92 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation desdits intérêts, au titre de la majoration de la rente qu'elle aurait dû percevoir, ainsi que la somme de 10 000 euros et, d'autre part, à Mme B... E... et à M. F...E..., la somme de 8 000 euros chacun, en réparation de leur préjudice moral ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge du FIVA la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le contentieux relatif à l'engagement de la responsabilité du FIVA relevait de la seule compétence du juge judiciaire en application des dispositions de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale, alors qu'il résulte des règles de répartition des compétences entre les juridictions administratives et judiciaires que le contentieux relevant de l'activité des établissements publics à caractère administratif relève de la seule juridiction administrative, et alors que la dérogation prévue par l'article 53 de cette loi ne vise que les actions contre les décisions prises par le A...sur une demande d'indemnisation et qu'une telle demande n'est pas en cause dans le présent litige, puisque l'offre proposée avait été acceptée et que la demande recherche la responsabilité du FIVA en raison du préjudice subi du fait de l'inaction fautive duA..., qui a omis d'engager l'action subrogatoire à l'encontre de l'employeur responsable du décès de M. E... ;
- le FIVA était tenu d'engager l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, dès lors que les conditions en étaient réunies, eu égard à la garantie d'une issue favorable, et son inaction persistante a été fautive ;
- cette faute a entraîné des préjudices, tenant à l'absence de majoration de la rente et au préjudice moral propre de chacun des requérants ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2012, présenté par le A...d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), représenté par sa directrice, qui conclut à l'annulation du jugement attaqué et au rejet des conclusions indemnitaires des consortsE... ;
Il soutient que :
- à titre principal, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le contentieux relatif à l'engagement de la responsabilité du FIVA relevait de la seule compétence du juge judiciaire, en application des dispositions de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale, dès lors que, par application du principe de séparation des pouvoirs posé par la loi des 16-24 août 1790, les litiges opposant les établissements publics administratifs à leurs usagers relèvent de la compétence des juridictions administratives, et que l'exception prévue par l'article 53, fondée sur des règles procédurales dérogatoires du droit commun, ne peut qu'être interprétée strictement et ne concerne que la contestation des offres et des refus d'indemnisation et non l'action en responsabilité fondée sur l'absence d'introduction par le FIVA d'un recours en faute inexcusable, postérieure à l'acceptation de l'offre d'indemnisation ;
- sa responsabilité ne saurait être engagée dans la mesure où ne pèse à son égard aucune obligation d'intenter une action subrogatoire pour faute inexcusable à l'encontre de l'employeur au nom des victimes de l'amiante ou de leurs ayants droits mais une simple faculté d'intenter une telle action ;
- l'offre d'indemnisation acceptée par les consorts E...a intégralement indemnisé leur préjudice ;
- le FIVA n'a, avant la forclusion de l'action en faute inexcusable de l'employeur de M. E..., été rendu destinataire d'aucun élément probatoire susceptible d'établir l'existence d'une telle faute, et l'absence d'introduction d'un tel recours ne saurait, dès lors, être regardée comme une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- dès lors qu'il appartenait à MmeE..., si elle s'y croyait fondée, d'introduire elle-même, notamment du fait de l'inaction du FIVA, une action à l'encontre de l'ancien employeur de son mari pour faute inexcusable et qu'une telle action aurait eu pour effet d'interrompre le délai de prescription, l'existence d'un lien de causalité entre son préjudice et la prétendue faute invoquée n'est pas démontrée ;
- subsidiairement, dans la mesure où les consortsE..., qui ne produisent pas d'éléments démontrant que l'action en faute inexcusable de l'employeur ne pouvait que prospérer, ne peuvent solliciter l'indemnisation que sur la base d'une perte de chance, ils ne sauraient obtenir l'indemnisation que d'une fraction des sommes sollicitées ; les demandes indemnitaires des requérants sont excessives ;
Vu le mémoire, enregistré le 27 février 2013, présenté pour les consortsE..., qui maintiennent les conclusions de leur requête par les mêmes moyens ;
Ils concluent, en outre, à ce que soit ordonnée une mesure d'expertise ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, modifiée, de financement de la sécurité sociale, et notamment son article 53, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000 et l'avis de la Cour de cassation n° 06-00011 du 13 novembre 2006 ;
Vu le décret n° 2001-963 du 23 octobre 2001 relatif au A...d'indemnisation des victimes de l'amiante institué par l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2013 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Camière, avocat des consortsE... ;
1. Considérant que M. D...E..., qui était employé comme tourneur par une société spécialisée en matériels électriques professionnels, à Vaulx-en-Velin (Rhône), est décédé, le 22 juin 2007, d'un cancer broncho-pulmonaire ; qu'il avait saisi, avant son décès, le A...d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), d'une demande d'indemnisation, que sa veuve, Mme C...E..., a reprise après son décès ; que le FIVA a adressé à Mme E..., par lettre du 15 septembre 2008, une proposition d'indemnisation et lui a indiqué qu'il examinerait également, en cas d'acceptation de cette offre, s'il y avait lieu d'exercer une action en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, " si les conditions en étaient réunies ", en demandant à Mme E... de lui communiquer toute pièce utile à cet effet ; que cette dernière a accepté la proposition du FIVA, lui a demandé d'exercer l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur, puis a réitéré à plusieurs reprises cette demande ; que, par une lettre du 21 septembre 2010, le FIVA a indiqué à Mme E...qu'il n'engagerait pas l'action en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur, en raison de sa prescription ; que Mme E..., ainsi que ses deux enfants, Mme B...E...et M. F... E..., ont sollicité du Tribunal administratif de Lyon la condamnation du FIVA à les indemniser des préjudices subis en raison de l'absence d'engagement par ce A...de l'action en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur ; que par un jugement en date du 13 mars 2012, ledit Tribunal a rejeté leur demande comme étant portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; que les consorts E...relèvent appel de ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 53 de la loi susvisée du 23 décembre 2000 : " I. - Peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices : / 1° Les personnes qui ont obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle occasionnée par l'amiante au titre de la législation française de sécurité sociale ou d'un régime assimilé ou de la législation applicable aux pensions civiles et militaires d'invalidité ; / 2° Les personnes qui ont subi un préjudice résultant directement d'une exposition à l'amiante sur le territoire de la République française ; / 3° Les ayants droit des personnes visées aux 1° et 2°. / II. - Il est créé, sous le nom de "A... d'indemnisation des victimes de l'amiante", un établissement public national à caractère administratif, doté de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. / Cet établissement a pour mission de réparer les préjudices définis au I du présent article. / (...) V. - Le demandeur ne dispose du droit d'action en justice contre le A...d'indemnisation que si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa du IV ou s'il n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite. / Cette action est intentée devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur. / (...) VI. - Le A...est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ainsi que contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes. / Le A...intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable (...) ; il intervient à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi. / (...) La reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'occasion de l'action à laquelle le A...est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de sécurité sociale. L'indemnisation à la charge du A...est alors révisée en conséquence. (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 du décret du 23 octobre 2001 susvisé : " Les actions contre les décisions du A...sont exercées devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle est situé le domicile du demandeur et, à défaut de domicile en France, devant la cour d'appel de Paris. " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 et de l'article 24 du décret du 23 octobre 2001 que les litiges relatifs aux décisions prises par le A...d'indemnisation des victimes de l'amiante, concernant l'indemnisation des préjudices définis au I dudit article 53, relèvent, malgré son caractère d'établissement public, de la seule compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ; que, par suite, seul le juge judiciaire est compétent pour connaître de l'action indemnitaire engagée par la victime ou ses ayant-droits, au titre de l'abstention du FIVA d'exercer une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et, le cas échéant, ses conséquences sur le droit à indemnisation de la victime, et ne se détache pas, dès lors, de la procédure d'indemnisation de la victime par leA..., dont le législateur a attribué la compétence pour en connaitre au seul juge judiciaire, nonobstant les dispositions de la loi des 16-24 août 1790 ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté, comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, leur demande tendant à la condamnation du FIVA ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des consorts E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...E..., à Mme B...E..., à M. F... E...et au A...d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).
Délibéré après l'audience du 14 mars 2013 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 avril 2013.
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