Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 31/03/2014, 367303, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision31 mars 2014
Num367303
Juridiction
Formation5ème et 4ème sous-sections réunies
RapporteurM. Olivier Rousselle
CommissaireM. Nicolas Polge

Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. A... B..., demeurant... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction n° DRCPN/SDARH/BGGP/n° 0192 du 18 janvier 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a fixé les règles de reclassement des anciens militaires titularisés gardiens de la paix dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale, en tant qu'elle exclut les anciens militaires libérés depuis moins de trois ans du bénéfice des mesures de reprise des services effectifs lors de leur intégration ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

Vu le code de la défense ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;




1. Considérant que M.B..., ancien militaire de la marine nationale qui est entré dans la fonction publique civile et a été titularisé au grade de gardien de la paix, attaque l'instruction du ministre de l'intérieur du 18 janvier 2013 relative au reclassement des anciens militaires titularisés gardiens de la paix dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale, en tant qu'elle exclut les anciens militaires libérés depuis moins de trois ans du bénéfice des mesures de reprise d'ancienneté des services réservées aux militaires en position de détachement avant leur intégration ou titularisation ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement que le directeur adjoint des ressources et des compétences de la police nationale, signataire de l'instruction attaquée, dont l'arrêté de nomination a été publié au Journal officiel du 19 octobre 2012 et a produit effet à compter du 29 octobre suivant, avait, du fait de cette nomination, compétence pour signer l'instruction contestée au nom du ministre ;

3. Considérant, en second lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : (...) 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils " ; qu'aux termes de l'article R. 396 du même code : " Le candidat aux emplois réservés bénéficiaire des dispositions des articles L. 397 et L. 398 doit : / - remplir les conditions d'âge fixées par le statut particulier des corps et cadres d'emplois d'accueil, à la date fixée, le cas échéant, par le statut d'accueil ou, à défaut, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle il postule ; / - avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude prévue à l'article L. 401. L'ancien militaire doit, en outre, avoir quitté les armées depuis moins de trois ans " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 4139-4 du même code : " Durant le détachement prévu aux articles L. 4139-1 à L. 4139-3, le militaire perçoit une rémunération au moins égale à celle qu'il aurait perçue s'il était resté en position d'activité au sein des armées, dans des conditions fixées par décret. Aucune promotion n'est prononcée durant ce détachement et le militaire est radié des cadres ou rayé des contrôles de l'armée active à la date de son intégration ou de sa titularisation dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil. " et que selon l'article L. 4139-14 : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : / 1° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles L. 4139-16 et L. 4141-5 (...) / 8° Lors de la titularisation dans une fonction publique, ou dès la réussite à un concours de l'une des fonctions publiques pour les militaires ne bénéficiant pas du détachement prévu au premier alinéa de l'article L. 4139-1, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre. " ;

5. Considérant que ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, après avoir réussi les épreuves organisées pour l'accès aux emplois réservés, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée ; qu'en revanche, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, avant son intégration ou sa titularisation, a, faute d'avoir sollicité son détachement, cessé d'être militaire et a pu, de ce fait, s'il remplissait les conditions d'ancienneté et de service, bénéficier d'une pension militaire de retraite ;

6. Considérant que l'instruction du ministre de l'intérieur du 18 janvier 2013 relative au reclassement des anciens militaires titularisés gardiens de la paix dans le corps d'encadrement et d'application de la police nationale présente les différentes procédures de reclassement lors de la titularisation ou de l'intégration des militaires ou anciens militaires ; que, s'agissant du recrutement au titre des emplois réservés, le tableau rappelle que les militaires en activité et les militaires ayant quitté l'armée depuis moins de trois ans peuvent, en application des dispositions précitées, bénéficier de l'accès à tous les corps et cadres d'emplois de catégorie B et C des trois fonctions publiques, sous réserve de remplir les conditions d'aptitude à un emploi public fixées par les articles 5 et 5 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ainsi que les conditions d'âge fixées par le statut particulier du corps d'accueil, d'avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude et d'être en activité ou d'avoir quitté l'armée depuis moins de trois ans ; que l'instruction précise également que les militaires en activité sont nommés stagiaires en position de détachement et qu'ils sont reclassés avec une reprise, sous certaines conditions, de leurs services effectifs ;

7. Considérant qu'en précisant que les reprises d'ancienneté ne concernent que les militaires en activité et que les anciens militaires ne bénéficient en revanche d'aucune reprise de leurs services effectifs lors de leur intégration, l'instruction du 18 janvier 2013 a donné une exacte interprétation des dispositions précitées du code de la défense et du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, l'instruction n'ajoute aucune condition qui ne résulterait pas des dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;

8. Considérant, enfin, que l'exclusion du bénéfice de la reprise des services effectifs des anciens militaires est posée par la loi ; que le moyen tiré de ce qu'en rappelant cette exclusion, l'instruction attaquée porterait atteinte au principe d'égalité entre agents d'un même corps ne peut, par suite, qu'être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'intérieur, M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation des dispositions contestées de l'instruction du 18 janvier 2013 ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;





D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

ECLI:FR:CESSR:2014:367303.20140331