Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 15/10/2014, 358876
Vu 1°, sous le n° 358876, la requête, enregistrée le 26 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie (UNPRG), dont le siège est 127, rue du Faubourg Saint-Denis à Paris (75010), représentée par son président ; l'Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et le point 14 du décret n° 2012-295 du 1er mars 2012 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " pensions militaires d'invalidité " ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°, sous le n° 358877, la requête, enregistrée le 26 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Fédération nationale des anciens des missions extérieures, représentée par son président ; la Fédération nationale des anciens des missions extérieures demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et le point 14 du décret n° 2012-295 du 1er mars 2012 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " pensions militaires d'invalidité " ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 3°, sous le n° 358878, la requête, enregistrée le 26 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Union nationale des sous-officiers en retraite (UNSOR), dont le siège est 7, rue Coypel à Paris (75013), représentée par son président ; l'Union nationale des sous-officiers en retraite demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et le point 14 du décret n° 2012-295 du 1er mars 2012 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " pensions militaires d'invalidité " ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 4°, sous le n° 358879, la requête, enregistrée le 26 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'Association de défense des droits des militaires, dont le siège est 520, rue de Flandres à Paris (75019), représentée par son président ; l'association de défense des droits des militaires demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et le point 14 du décret n° 2012-295 du 1er mars 2012 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " pensions militaires d'invalidité " ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 5°, sous le n° 359084, la requête, enregistrée le 2 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Fédération nationale des victimes civiles et invalides de guerre, dont le siège est 159, rue Solferino à Lille (59000), représentée par son président ; la Fédération nationale des victimes civiles et invalides de guerre demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et le point 14 du décret n° 2012-295 du 1er mars 2012 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " pensions militaires d'invalidité " ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 6°, sous le n° 359089, la requête, enregistrée le 2 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. B...A..., demeurant ... ; M. A...demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7 et le point 14 du décret n° 2012-295 du 1er mars 2012 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " pensions militaires d'invalidité " ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 7°, sous le n° 359118, la requête sommaire et les mémoires complémentaires, enregistrés les 3 mai, 17 juillet 2012 et 2 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association Union des blessés de la face et de la tête - Les Gueules Cassées, dont le siège est 20, rue d'Aguesseau Paris (75008), représentée par son président, la Fédération nationale André Maginot des anciens combattants et victimes de la guerre dont le siège est 24 bis, boulevard Saint-Germain Paris (75005), représentée par son président, la Fédération nationale des blessés du poumon combattants (FNBPC), dont le siège est 57, rue Bobillot à Paris (75013), représentée par son président ; l'association Union des blessés de la face et de la tête - Les Gueules Cassées et autres demandent au Conseil d'Etat :
- d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-295 du 1er mars 2012 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " pensions militaires d'invalidité " ;
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la défense ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 55-356 du 3 avril 1955 ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association Union des blessés de la face et de la tête - les Gueules Cassées et de la Fédération nationale Andre Maginot des anciens combattants et des victimes de la guerre ;
1. Considérant que les requêtes de l'Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie, de la Fédération nationale des anciens des missions extérieures, de l'Union nationale des sous- officiers en retraite, de l'Association de défense des droits des militaires, de la Fédération nationale des victimes civiles et invalides de guerre, de M. B...A..., de l'association Union des blessés de la face et de la tête - Les Gueules Cassées, de la Fédération nationale André Maginot des anciens combattants et victimes de la guerre et de la Fédération nationale des blessés du poumon combattants (FNBPC) sont dirigées contre le même décret du 1er mars 2012 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " pensions militaires d'invalidité " ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant que le décret attaqué autorise la mise en oeuvre, par le ministère de la défense, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " pensions militaires d'invalidité " qui a pour finalités, d'une part, la gestion administrative des demandes de pensions d'invalidité présentées en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et, d'autre part, la préparation et le suivi de la liquidation des dossiers des pensions attribuées au titre du même code ;
Sur l'intervention collective de la Fédération des amputés de guerre de France, de l'association " La voix des blessés médullaires titulaires de l'art L. 115 ", de la Fédération nationale des blessés multiples et impotents de guerre, de l'Union des aveugles de guerre et de l'Union nationale des combattants :
3. Considérant que la Fédération des amputés de guerre de France, l'association " La voix des blessés médullaires titulaires de l'art L. 115 ", la Fédération nationale des blessés multiples et impotents de guerre, l'Union des aveugles de guerre, et l'Union nationale des combattants ont intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; que les présidents de ces deux dernières associations tiennent de leurs statuts le pouvoir de les représenter en justice ; qu'ainsi l'intervention collective est recevable ;
Sur la légalité externe :
En ce qui concerne l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés : " I.- Sont autorisés par décret en Conseil d'Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés : / 1° Les traitements de données à caractère personnel mis en oeuvre pour le compte de l'Etat, d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé gérant un service public, qui portent sur des données parmi lesquelles figure le numéro d'inscription des personnes au répertoire national d'identification des personnes physiques (...) " ; qu'aux termes de l'article 28 de la même loi : " I. - La Commission nationale de l'informatique et des libertés, saisie dans le cadre des articles 26 ou 27, se prononce dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. Toutefois, ce délai peut être renouvelé une fois sur décision motivée du président. II. - L'avis demandé à la commission sur un traitement, qui n'est pas rendu à l'expiration du délai prévu au I, est réputé favorable " ; que l'article 18 du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de la loi du 6 janvier 1978 dispose que les avis motivés de la commission émis en application des articles 26 et 27 de la loi du 6 janvier 1978 sont publiés à la même date par le responsable du traitement ;
5. Considérant, en premier lieu, que la lettre adressée par les services de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) au ministère de la défense le 29 novembre 2011 se bornait à informer ce dernier de ce que le président de la CNIL n'entendait pas user de la faculté prévue par les dispositions précitées de l'article 28 de la loi du 6 janvier 1978 de prolonger de deux mois le délai d'examen du projet de décret ; que le moyen tiré de ce que cette lettre constituerait un avis de la CNIL, irrégulièrement rendu par ses services en lieu et place de son collège, doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la CNIL a été saisie du projet de décret le 6 octobre 2011 ; qu'en application des dispositions précitées de l'article 28 de la loi du 6 janvier 1978, un avis implicite favorable est né du silence gardé par la Commission pendant les deux mois qui ont suivi la réception de cette saisine ; que la loi ayant prévu que soient rendus des avis favorables implicites qui, par leur nature même, ne sauraient être motivés, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal, faute d'avoir donné lieu à un avis motivé de la CNIL, ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le décret attaqué mentionne la date de saisine de la CNIL ; que celle-ci ayant, ainsi qu'il a été dit, rendu un avis implicite, le moyen tiré de ce le décret attaqué serait illégal faute pour cet avis d'avoir été lui-même publié ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
En ce qui concerne la consultation des conseils de l'ordre des professions de santé :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 1111-8 du code de la santé publique, aux termes desquelles "Les professionnels de santé ou les établissements de santé ou la personne concernée peuvent déposer des données de santé à caractère personnel, recueillies ou produites à l'occasion des activités de prévention, de diagnostic ou de soins, auprès de personnes physiques ou morales agréées à cet effet. Cet hébergement de données, quel qu'en soit le support, papier ou informatique, ne peut avoir lieu qu'avec le consentement exprès de la personne concernée / (...) Les conditions d'agrément des hébergeurs des données, quel qu'en soit le support, sont fixées par décret en Conseil d'Etat pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et des conseils de l'ordre des professions de santé (...)" ne sont pas applicables en l'espèce, dès lors que le décret attaqué a pour objet d'autoriser la création d'un traitement de données à caractère personnel et non d'agréer des hébergeurs de données de santé à caractère personnel ; que, par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué serait entaché d'irrégularité pour n'avoir pas été pris après avis des conseils de l'ordre des professions de santé ;
En ce qui concerne le contreseing du ministre de la santé :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que le décret attaqué, qui autorise la mise en oeuvre par le ministère de la défense d'un traitement automatisé de données à caractère personnel pour gérer les dossiers de pensions d'invalidité en application des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'implique l'intervention d'aucune mesure que le ministre de la santé serait compétent pour signer ou contresigner ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret attaqué devait être contresigné par le ministre de la santé ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne le secret médical :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique : " Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant./ Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes (...) " ;
11. Considérant que le décret attaqué autorise un traitement automatisé de données qui, eu égard à son objet et à ses finalités, précisées au point 2 ci-dessus, est justifié par un intérêt public et échappe ainsi, en application du IV de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978, à l'interdiction de collecte et de traitement des données à caractère personnel relatives à la santé prévue par le I du même article ; qu'il n'a par lui-même et ne pourrait d'ailleurs avoir légalement ni pour objet ni pour effet d'autoriser les services du ministère de la défense à accéder à des données personnelles relatives à la santé dans des conditions dérogeant aux exigences de protection du secret garanti par les dispositions précitées de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ; que, ainsi que le prévoit l'article 6 de la loi du 6 janvier 1978, les données sur lesquelles il porte doivent être " collectées et traitées de manière loyale et licite " ; qu'à cet égard, l'article 5 de la loi du 3 avril 1955 relative au développement des crédits affectés aux dépenses du ministre des anciens combattants et victimes de la guerre pour l'exercice 1955 dispose que " nonobstant les dispositions légales relatives au respect du secret professionnel, les médecins ainsi que les organismes chargés d'assurer un service public détenteurs de renseignements médicaux ou de pièces médicales susceptibles de faciliter l'instruction d'une demande de pension, formulée au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, sont autorisés à communiquer ces renseignements et ces pièces, ou ampliation de celles-ci, aux postulants à pension eux-mêmes ou aux services administratifs dont les agents sont eux-mêmes tenus au secret professionnel, chargés de l'instruction de leur demande, lorsque les services le requièrent " ; qu'en outre, les destinataires des données en cause, énumérés à l'article 3 du décret attaqué, sont eux-mêmes tenus, ainsi que le précisent les dispositions précitées de la loi du 3 avril 1955, au secret professionnel ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait le secret médical protégé par l'article L. 1110-4 du code de la santé, en tant qu'il autorise le traitement des données relatives à la gestion des demandes de pension d'invalidité des bénéficiaires, des ayants droit et des ayants cause énumérées au 14° de son annexe sous la rubrique : " Santé : pathologies, antécédents familiaux, données relatives aux soins " ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne les dispositions de l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 sur le droit d'opposition :
13. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions de l'article 7 du décret attaqué, qui écartent l'exercice du droit d'opposition, ne méconnaissent pas l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978, aux termes duquel : " Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement./ (...) Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas (...) lorsque l'application de ces dispositions a été écartée par une disposition expresse de l'acte autorisant le traitement " ;
En ce qui concerne l'article L. 1111-8 du code de la santé publique :
14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, le décret attaqué n'est pas soumis aux dispositions de l'article L. 1111-8 du code de la santé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaîtrait ces dispositions, faute de prévoir le consentement exprès des personnes concernées par les données enregistrées dans le traitement qu'il autorise, ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 6 janvier 1978 : " L'informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s'opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques " ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi : " Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : / (...).3° Elles sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leurs traitements ultérieurs " ;
16. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'ingérence dans l'exercice du droit de toute personne au respect de sa vie privée que constituent la collecte, la conservation et le traitement, par une autorité publique, d'informations personnelles nominatives, ne peut être légalement autorisée que si elle répond à des finalités légitimes et que le choix, la collecte et le traitement des données sont effectués de manière adéquate et proportionnée au regard de ces finalités ;
17. Considérant, en premier lieu, que le dernier alinéa de l'article 1er du décret attaqué précise que le traitement autorisé ne peut enregistrer des données à caractère personnel de la nature de celles qui sont mentionnées au I de l'article 8 et au I de l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978 que dans la stricte mesure où leur exploitation est nécessaire à ses finalités ; que les données à caractère personnel et informations enregistrées dans le traitement sont énumérées à l'annexe du décret attaqué ; que le 14e de cette annexe prévoit, ainsi qu'il a été dit, en matière de santé, les données suivantes : " pathologies, antécédents familiaux, données relatives aux soins " ;
18. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que de telles informations sont nécessaires pour instruire les demandes de pensions d'invalidité, préciser les imputabilités, arrêter les prestations dues, déterminer les conditions de la concession et du paiement des pensions ;
19. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 29 de la loi du 6 janvier 1978 dispose que les actes autorisant la création d'un traitement en application de l'article 27 précisent notamment " les destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces données " ; qu'en application de ces dispositions, l'article 3 du décret attaqué fixe la liste limitative des agents habilités par l'autorité administrative responsable du traitement, ainsi que des médecins experts qui, à raison de leurs attributions respectives et du besoin d'en connaître pour les premiers et dans le cadre de leur mission pour les seconds, sont destinataires de tout ou partie des données à caractère personnel et des informations enregistrées dans le traitement autorisé ; qu'aux termes de l'article 5 du décret attaqué : " Dans le cadre des finalités définies à l'article 1er et dans la limite des informations nécessaires, le traitement dénommé " pensions militaires d'invalidité " peut faire l'objet d'une interconnexion avec le ou les traitements mis en oeuvre par :/1° Le service des retraites de l'Etat du ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ;/2° La Caisse nationale militaire de sécurité sociale " ;
20. Considérant que les personnes susceptibles d'accéder aux données en cause soit directement, soit indirectement, du fait de l'interconnexion mentionnée ci-dessus, sont ainsi définies dans les limites de ce qu'exigent les finalités assignées au traitement autorisé, y compris la liquidation et la concession de la pension par les services de retraite de l'Etat et l'allocation de soins médicaux gratuits par la Caisse nationale militaire de sécurité sociale ; que la circonstance que le nombre de ces personnes serait élevé est, par elle-même, sans influence sur la légalité du décret attaqué ;
21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la collecte et le traitement de données relatives à la santé des demandeurs de pension d'invalidité, des bénéficiaires, des ayants droit et des ayants cause sont, compte tenu des restrictions et précautions dont le traitement autorisé est assorti, en adéquation avec les finalités légitimes de ce dernier et ne porte pas au droit des individus au respect de leur vie privée un atteinte disproportionnée aux buts de gestion en vue desquels il a été créé ;
En ce qui concerne les garanties en matière de traçabilité :
22. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 34 de la loi du 6 janvier 1978 : " Le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu'elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès " ; que si ces dispositions imposent au responsable d'un traitement de garantir la sécurité des données et de s'assurer que le traitement est utilisé conformément aux règles fixées par l'acte ayant autorisé sa création, le moyen tiré de ce que le décret attaqué en méconnaîtrait les exigences en ne prévoyant pas lui-même les précautions à prendre, notamment pour assurer la traçabilité des opérations relatives au traitement, ne peut qu'être écarté ;
23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret qu'ils attaquent ; que leurs requêtes doivent, par suite, être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de la défense sous les nos 358876, 358878 et 358879, ni sur la recevabilité des requêtes n° 358877 et 359084 ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
24. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'Union des aveugles de guerre et autres est admise.
Article 2 : Les requêtes de l'Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie, de Fédération nationale des anciens des missions extérieures, de l'Union nationale des sous-officiers en retraite, de l'association de défense des droits des militaires, de la Fédération nationale des victimes civiles et invalides de guerre, de M. B...A..., de l'association Union des blessés de la face et de la tête - Les Gueules Cassées, de la Fédération nationale André Maginot des anciens combattants et victimes de la guerre et de la Fédération nationale des blessés du poumon combattants (FNBPC) sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie, à la Fédération nationale des anciens des missions extérieures, à l'Union nationale des sous-officiers en retraite, à l'association de défense des droits des militaires, à la Fédération nationale des victimes civiles et invalides de guerre, à M. B...A..., à l'association Union des blessés de la face et de la tête - Les Gueules Cassées, à la Fédération nationale André Maginot des anciens combattants et victimes de la guerre, à la Fédération nationale des blessés du poumon combattants (FNBPC), au Premier ministre, au ministre de la défense, à la Fédération des amputés de guerre de France, à l'association " La voix des blessés médullaires titulaires de l'art L. 115 ", à la Fédération nationale des blessés multiples et impotents de guerre, à l'Union des aveugles de guerre et à l'Union nationale des combattants.