Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 28/11/2014, 373833, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 novembre 2014
Num373833
Juridiction
Formation 2ème sous-section jugeant seule
RapporteurM. Yves Doutriaux
CommissaireMme Béatrice Bourgeois-Machureau

Vu le pourvoi, enregistré le 9 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par M. A...B..., demeurant ... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 13/12 du 23 octobre 2013 par lequel la cour régionale des pensions de Toulouse, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a infirmé le jugement du 9 décembre 2008 du tribunal départemental des pensions de l'Hérault et rejeté comme irrecevable la demande qu'il avait présentée à ce tribunal, tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité calculée au grade d'adjudant de l'armée de terre, en fonction de l'indice équivalent pratiqué pour les personnels de la marine nationale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de la défense ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;





1. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées (...) par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet. Les décisions de rejet des demandes de pension sont prises dans la même forme " ; qu'en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, la décision prise sur ce fondement ; qu'enfin, aux termes de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 78 du même code : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre du mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) " ;

3. Considérant que le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent au sein des personnels de la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de sa pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à sa personne, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité ; qu'ainsi, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; que passé ce délai de six mois ouvert au pensionné pour contester l'arrêté lui concédant sa pension, l'intéressé ne peut demander sa révision que pour l'un des motifs limitativement énumérés aux 1° et 2° de cet article L. 78 ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., ancien adjudant de l'armée de terre, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée au taux de 100 %, qui lui a été accordée par arrêté du 3 janvier 1984 ; que, par lettre du 6 avril 2006, il a demandé au ministre de la défense la revalorisation de sa pension, en fonction de l'indice, plus favorable, afférent au grade équivalent au sien dans la marine nationale ; que, le 3 mai 2006, le ministre lui a indiqué qu'il recherchait les moyens de donner suite à sa demande ; qu'en l'absence d'autre réponse, M. B...a saisi le 24 octobre 2007 le tribunal départemental des pensions de l'Hérault d'un recours contre le rejet qui a été implicitement opposé par le ministre à sa demande de revalorisation ; que, par un jugement du 9 décembre 2008, le tribunal a fait droit à la demande de M. B...en lui accordant la revalorisation de la pension dont il est titulaire à compter du 19 janvier 2005 ; que, par un arrêt du 13 octobre 2009, la cour régionale des pensions de Montpellier a infirmé ce jugement sur appel du ministre de la défense et rejeté la demande de M.B... ; que M. B... s'est pourvu en cassation contre cet arrêt ; que, par une ordonnance du 29 mars 2012, le président de la 2ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 13 octobre 2009 de la cour régionale des pensions de Montpellier et a renvoyé l'affaire devant la cour régionale des pensions de Toulouse ; que, par un arrêt du 23 octobre 2013, la cour régionale des pensions de Toulouse a annulé le jugement du 9 décembre 2008 du tribunal départemental des pensions de l'Hérault et a rejeté comme irrecevable la demande de M. B... tendant à obtenir la revalorisation de la pension militaire d'invalidité qui lui a été concédée le 3 janvier 1984 ;

5. Considérant que la cour régionale des pensions de Toulouse s'est fondée, pour juger la demande de première instance irrecevable, sur ce qu'un délai de plus de six mois s'était écoulé, à la date de la saisine du tribunal, à compter de la naissance d'une décision implicite résultant de l'absence de réponse du ministre de la défense à la demande de M. B... formée le 6 avril 2006 ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 à compter de la date à laquelle est notifiée, dans des conditions de nature à faire courir le délai du recours contentieux, la décision portant concession de la pension ; que, dès lors, en se fondant sur la circonstance que la saisine du tribunal était intervenue plus de six mois après la naissance de la décision implicite résultant du silence gardé sur la demande du 6 avril 2006, la cour régionale des pensions a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite être annulé ;

6. Considérant qu'il incombe au Conseil d'Etat de régler l'affaire au fond, en application des dispositions du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté du 3 janvier 1984 portant concession à M. B...d'une pension militaire d'invalidité lui a été notifié par la remise, le 7 février 1984, du certificat d'inscription de sa pension d'invalidité, qui comportait les mentions alors requises pour déclencher le cours du délai de recours contentieux, ainsi qu'en atteste le procès-verbal de remise du brevet établi par le percepteur de Montpellier le jour de cette remise ; que la lettre que M. B...a adressée à l'administration le 6 avril 2006 en vue d'obtenir la revalorisation de sa pension ne pouvait être regardée que comme un recours gracieux contre l'arrêté du 3 janvier 1984 lui concédant sa pension ; que, ce recours ayant été formé après l'expiration du délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959, la demande présentée par M. B...le 24 octobre 2007 au tribunal départemental des pensions de l'Hérault, en vue de contester le refus qui lui a été opposé, était tardive ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions a fait droit à la demande de M.B... ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Toulouse du 23 octobre 2013 et le jugement du tribunal des pensions de l'Hérault du 9 décembre 2008 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal départemental des pensions de l'Hérault est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de la défense.


ECLI:FR:CESJS:2014:373833.20141128