Conseil d'État, 2ème SSJS, 14/01/2015, 374196, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision14 janvier 2015
Num374196
Juridiction
Formation2ème SSJS
RapporteurM. Tristan Aureau
CommissaireM. Xavier Domino
AvocatsSCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 décembre et 24 mars 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant définitivement acquises à l'intéressé, alors même que sa demande de pension a été finalement rejetée par décision de la commission spéciale de cassation des pensions en date du 8 mars 1989; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12/00312 du 17 juin 2013 par lequel la cour régionale des pensions de Bastia a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 11/00086 du 18 juin 2012 par lequel le tribunal départemental des pensions de Haute-Corse a rejeté comme portée devant une juridiction incompétente sa demande contestant les ordres de reversement émis à son encontre par le trésorier-payeur-général de la Corse du Sud les 31 mars 1991 et 20 avril 2004, pour des montants respectifs de 25 714,64 euros et 94 437 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tristan Aureau, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. B...;




1. Considérant, d'une part, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les contestations auxquelles donne lieu l'application du présent livre et du livre II sont jugées en premier ressort par le tribunal des pensions (...) et en appel par la cour régionale des pensions (...) du domicile de l'intéressé " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article D. 37 du même code : " Les militaires ou les marins proposés par une commission de réforme pour une pension d'invalidité et renvoyés dans leurs foyers reçoivent une allocation provisoire d'attente payable par trimestre échu (...) / L'allocation provisoire d'attente cesse d'être allouée après l'échéance du dernier payement trimestriel qui précède immédiatement la remise du titre définitif de pension (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 78 du même code : " Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise (...) " ;

3. Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 79 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, la juridiction des pensions est compétente pour connaître de la contestation du bien-fondé de l'obligation de remboursement portant sur des allocations provisoires d'attente accordées sur le fondement des dispositions de l'article D. 37, lesquelles figurent au titre VI du livre Ier de ce code, ainsi que de la contestation du bien-fondé de l'obligation de remboursement d'un trop-perçu d'une pension militaire d'invalidité au titre des dispositions de l'article L. 78 de ce code, lesquelles figurent au titre V du livre Ier du même code ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a bénéficié d'une allocation provisoire d'attente à compter du 17 mars 1980 ; que la demande de pension de M. B...a été rejetée par une décision du 8 mars 1989 de la commission spéciale de cassation des pensions ; que, par décision du 31 mars 1991, le trésorier-payeur général de la Corse du Sud a mis à la charge de l'intéressé l'obligation de rembourser le montant de l'allocations provisoire d'attente qu'il avait entre-temps perçue, soit 25 714,64 euros ; qu'après avoir bénéficié d'une pension concédée au taux de 100 % et calculée sur la base de l'indice 1016,40, M. B...a obtenu, à la suite d'un jugement du 24 mai 2000, la révision du montant de sa pension par un arrêté du 18 décembre 2000 lui octroyant une pension concédée au taux de 100 % et calculée sur la base de l'indice 1524,40 à compter du 26 mai 1981 ; que, toutefois, à la suite d'un arrêt du 18 mars 2002 de la cour régionale des pensions de Bastia infirmant partiellement ce jugement, le ministre de la défense a, par un arrêté du 1er juillet 2002, révisé le montant de la pension de M. B...comme devant être concédée au taux de 100 % sur la base de l'indice 1016,40 ; que, par décision du 20 avril 2004, le trésorier-payeur général de la Corse du Sud a mis à la charge de M. B...l'obligation de rembourser le trop perçu résultant de ce que le montant de sa pension avait été calculé sur la base de l'indice 1524,40 et non 1016,40 du 26 mai 1981 au 1er juillet 2002, soit 94 437 euros ;

5. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B...a contesté, devant le tribunal départemental des pensions et la cour régionale des pensions, le bien-fondé des obligations de remboursement émises à son encontre ; qu'ainsi qu'il a été dit, ce litige relevait de la compétence des juridictions de pensions ; que, par suite, en jugeant, par adoption des motifs des premiers juges, que les juridictions de pensions n'étaient pas compétentes pour connaître du litige soulevé par M.B..., la cour régionale des pensions de Bastia a commis une erreur de droit ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions de Haute-Corse a rejeté la demande de M. B...comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que son jugement doit, dès lors, être annulé ;

8. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. B...devant le tribunal départemental des pensions ;

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article D. 38 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les allocations provisoires d'attente sont payables à raison de trente jours par mois à titre d'avance sur pension. / En cas de rejet de la demande de pension les sommes perçues sont définitivement acquises aux militaires (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les allocations provisoires d'attente perçues par M. B...à compter du 17 mars 1980, pour un montant total de 25 714,64 euros, demeurent définitivement acquises à l'intéressé, alors même que sa demande de pension a été finalement rejetée par décision de la commission spéciale de cassation des pensions en date du 8 mars 1989; que M. B...est, par suite, fondé à demander à être déchargé des sommes réclamées au titre de ces allocations provisoires d'attente ;

10. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que, par un arrêt du 8 juillet 2013, la cour régionale des pensions de Bastia a jugé que son précédent arrêt du 18 mars 2002 ne pouvait avoir eu pour effet de modifier les taux, fixés par un arrêté du ministre de la défense du 18 décembre 2000 devenu définitif, auxquels étaient indemnisées les infirmités " parésie " et " séquelles de fracture du scaphoïde carpien droit " dont souffre M. B...; que le titre de perception émis le 20 avril 2004 par le trésorier-payeur général de la Corse du Sud à l'encontre de M. B...était, ainsi, dépourvu de base légale ; que M. B...est, par suite et dans les circonstances de l'espèce, fondé à demander à être déchargé des sommes réclamées au titre de l'exécution de l'arrêt de la cour régionale des pensions de Bastia du 18 mars 2002 ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 17 juin 2013 de la cour régionale des pensions de Bastia et le jugement du 18 juin 2012 du tribunal départemental des pensions de Haute-Corse sont annulés.

Article 2 : M. B...est déchargé des sommes qui lui sont réclamées par la décision du trésorier-payeur général de la Corse du Sud du 31 mars 1991 ainsi que des sommes qui lui sont réclamées par la décision du trésorier-payeur général de la Corse du Sud du 20 avril 2004.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de la défense.


ECLI:FR:CESJS:2015:374196.20150114