Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 15/04/2015, 375123, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL) du 6 octobre 2009 refusant de prendre en compte, pour le calcul de sa pension de retraite, son avancement à l'échelon spécial correspondant à l'indice brut 499 et, à titre subsidiaire, de condamner la commune d'Arles à lui verser une indemnité de 19 902 euros.
Par un jugement n° 0907949 du 13 octobre 2011, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision attaquée.
Par un arrêt n° 13MA00642 du 3 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la Caisse des dépôts et consignations contre le jugement du tribunal administratif de Marseille.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 février, 25 avril et 17 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Caisse des dépôts et consignations demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt du 3 décembre 2013 de la cour administrative d'appel de Marseille ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Arles le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le décret n° 2006-1690 du 22 décembre 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Bouchard, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la Caisse des dépôts et consignations, et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune d'Arles ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que MmeB..., adjoint administratif territorial principal de 1ère classe au sein de la commune d'Arles, titulaire du 7ème échelon de l'échelle 6 de rémunération, correspondant à l'indice 479, a été élevée, à compter du 1er novembre 2008, à un échelon spécial correspondant à l'indice 499, non prévu par le statut de son cadre d'emploi ; que, par une décision du maire du 16 juin 2009, elle a été admise, à sa demande, à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er septembre 2009 ; que, par une décision du 6 octobre 2009, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a rejeté le recours gracieux de Mme B...tendant à ce que sa pension de retraite soit liquidée sur la base du traitement afférent à l'indice 499 correspondant à l'échelon spécial détenu depuis plus de six mois au moment de sa cessation d'activité et non sur la base du traitement afférent à l'indice 479, au motif que cette élévation à l'indice 499 était illégale ; que, par une décision du 19 novembre 2009, le maire de la commune d'Arles a retiré l'élévation à l'échelon spécial de l'intéressée ; que la Caisse des dépôts et consignations se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 décembre 2013 par lequel la cour administrative de Marseille a confirmé l'annulation par le tribunal administratif de Marseille de la décision du 6 octobre 2009 ;
2. Considérant qu'aux termes du I. de l'article 17 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Aux fins de sa liquidation, le montant de la pension est calculé en multipliant le pourcentage de liquidation tel qu'il résulte de l'application de l'article 16 par le traitement soumis à retenue afférent à l'indice correspondant à l'emploi, grade, classe et échelon effectivement détenus depuis six mois au moins par le fonctionnaire au moment de la cessation des services valables pour la retraite ou, à défaut, par le traitement soumis à retenue afférent à l'emploi, grade, classe et échelon antérieurement occupés d'une manière effective, sauf s'il y a eu rétrogradation par mesure disciplinaire " ; qu'aux termes de l'article 62 du même décret : " I. - La pension et la rente viagère d'invalidité sont définitivement acquises et ne peuvent être révisées ou supprimées à l'initiative de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ou sur demande de l'intéressé que dans les conditions suivantes : / - à tout moment en cas d'erreur matérielle ; / - dans un délai d'un an à compter de la notification de la décision de concession initiale de la pension ou de la rente viagère, en cas d'erreur de droit. (...) " ;
3. Considérant que pour le calcul d'une pension, il incombe à l'autorité chargée de sa liquidation de prendre en compte les décisions individuelles même illégales relatives à la carrière de l'intéressé, dès lors que ces décisions ne sont pas inexistantes ou qu'elles n'ont pas été rapportées par leur auteur ou annulées par le juge de l'excès de pouvoir ;
4. Considérant, d'une part, que la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits en estimant que l'élévation de Mme B... à l'échelon spécial ne constituait pas une nomination pour ordre, nulle et de nul effet ; que, d'autre part, elle a pu légalement juger que la CNRACL devait en tenir compte dès lors que le retrait de cette promotion n'était intervenu que postérieurement à la liquidation de la pension et à la décision refusant de la réviser ; que, par ailleurs, le moyen tiré de ce que cette élévation à l'échelon spécial aurait constitué une mesure purement gracieuse, qui est nouveau en cassation, ne peut, en tout état de cause, être utilement soulevé ;
5. Considérant, d'autre part, que c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour a jugé qu'une révision de la pension ne pourrait être décidée dès lors que la décision accordant à l'intéressée le bénéfice de l'échelon spécial n'avait été rapportée par le maire qu'au-delà du délai de quatre mois à l'intérieur duquel ce retrait eût été légalement possible ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Caisse des dépôts et consignations n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le versement d'une somme soit mis à la charge de la commune d'Arles qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Caisse des dépôts et consignations le versement de la somme de 3 000 euros à la commune d'Arles au titre de ces dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la Caisse des dépôts et consignations est rejeté.
Article 2 : La Caisse des dépôts et consignations versera à la commune d'Arles la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Caisse des dépôts et consignations, à Mme A... B...et à la commune d'Arles.