Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 10/02/2015, 13PA04724, Inédit au recueil Lebon
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2013 et 23 juillet 2014, présentés pour M. C...A..., demeurant..., en Algérie, par MeB... ; M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1306090/12-1 en date du 3 octobre 2013 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 janvier 2013 par laquelle le directeur général de l'Office national des anciens combattants lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros, à verser à son avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que :
- l'ordonnance contestée est irrégulière, en ce qu'il n'a pas bénéficié d'une instruction contradictoire de sa demande ;
- le seul fait d'avoir servi dans l'armée française pendant au moins quatre mois en Algérie entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 lui donne droit à l'attribution de la carte du combattant ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2014, présenté par l'Office national des anciens combattants qui conclut au rejet de la requête ;
Il fait valoir que l'intéressé ne remplit les conditions pour se voir délivrer la carte du combattant ni au titre de ses services en Algérie ni au titre de ceux accomplis en Indochine en raison notamment de ce qu'il n'a jamais servi dans une unité combattante pendant ses périodes de service ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 janvier 2015, présenté pour M.A..., par Me B...qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que :
- les observations en défense de l'ONAC sont irrecevables dès lors que seul le ministre était compétent pour assurer la représentation de l'État et que, en tout état de cause, elles ont été présentées sans ministère d'avocat ;
- le ministre est réputé avoir acquiescé aux fait, n'ayant pas produit en appel ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 janvier 2015, présenté par l'Office national des anciens combattants qui conclut au non lieu à statuer par le moyen que la décision contestée sera retirée et que la carte du combattant sera attribuée à l'intéressé dès lors qu'il en remplit les conditions de durée de service au titre de ses services accomplis en Algérie ;
Vu la décision n° 2013/007640 en date du 15 mai 2014 par laquelle la section Cour administrative d'appel du bureau d'aide juridictionnelle de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;
Vu l'ordonnance et la décision attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;
Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
Vu la décision n° 2010-18 QPC du 23 juillet 2010 du Conseil constitutionnel ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2015 :
- le rapport de M. Dellevedove, rapporteur,
- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public ;
1. Considérant que M.A..., ressortissant algérien, fait appel de l'ordonnance en date du 3 octobre 2013 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 10 janvier 2013 du directeur général de l'Office National des Anciens Combattants, lui refusant l'attribution de la carte du combattant ;
Sur les conclusion à fin de non-lieu de l'Office National des Anciens Combattants :
2. Considérant que, à la date du présent arrêt, la décision contestée n'a pas été retirée ni la carte du combattant délivrée à l'intéressé ; que, dès lors, d'une part, les conclusions à fin de non-lieu présentées par l'établissement public ne peuvent qu'être rejetées ; que, d'autre part, il y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de M. A...:
3. Considérant que le requérant doit être regardé comme demandant l'annulation de ladite ordonnance et comme reprenant ses conclusions de première instance au fond ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235. " ; qu'aux termes de l'article L. 253 bis du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : / Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date , / Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. / Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa. " ; qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229. " ; qu'aux termes de l'article R. 224 du même code dans sa rédaction alors en vigueur : " Sont considérés comme combattants : (...) / D - Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus : (...) / c) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954. / I. - Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; / Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; / Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; / 2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; /3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; / 4° Qui ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante ou à une formation assimilée sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; / 5° Qui ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité ou la formation à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ou formation ; / 6° Qui ont été détenus par l'adversaire et privés de la protection des conventions de Genève. (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de l'" attestation de services " établie par les services du ministère de la défense le 14 mars 2012 et il n'est pas contesté que M. A...a servi dans l'armée française, en dernier lieu, au grade de militaire du rang de première classe en Algérie du 26 mai 1956 au 7 février 1957, soit pendant au moins 4 mois dans la période comprise entre le 31 octobre 1954 et le 2 juillet 1962, et remplit ainsi, contrairement aux motifs de la décision contestée du 10 janvier 2013 de l'Office national des anciens combattants, la condition de services et de durée posée par les dispositions précitées du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre lui ouvrant droit à la reconnaissance de la qualité de combattant ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité de l'ordonnance attaquée et de renvoyer l'affaire devant le Tribunal administratif de Paris, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par cette ordonnance, le vice-président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et à demander l'annulation de la décision en date du 10 janvier 2013 par laquelle le directeur général de l'Office national des anciens combattants lui a refusé l'attribution de la carte du combattant ;
Sur l'application des dispositions de l'article 37 de loi du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros, à ce titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les conclusions à fin de non-lieu de l'Office national des anciens combattants sont rejetées.
Article 2 : L'ordonnance susvisée du vice-président du Tribunal administratif de Paris du 3 octobre 2013 et la décision du directeur général de l'Office national des anciens combattants du 10 janvier 2013 refusant à M. A...l'attribution de la carte du combattant sont annulées.
Article 3 : L'État versera à Me B...la somme de 1 000 euros, sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre de la défense et à l'Office national des anciens combattants.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Sanson, président assesseur,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
- M. Cantié, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 février 2015.
Le rapporteur,
E. DELLEVEDOVELe président,
M. SANSON
Le greffier,
A.-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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