Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 06/10/2015, 11MA03423, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 octobre 2015
Num11MA03423
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre - formation à 3
PresidentM. GONZALES
RapporteurM. Jean-Baptiste BROSSIER
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsMADIGNIER

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 28 février 2005 ensemble la décision du 23 mars 2006 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de condamner l'État à lui verser rétroactivement une pension au taux de 70%, avant majoration, avec les intérêts à taux légaux à compter de sa demande préalable, subsidiairement de condamner l'État à lui verser une somme égale à la différence annuelle des arrérages de sa pension depuis la date de son admission à la retraite, d'un montant de 2 883,75 euros à parfaire, avec cumul à la date de la décision à intervenir et capitalisation pour l'avenir à concurrence de 57 675 euros et, enfin, de mettre à la charge de l'État, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Par un jugement n° 0601836 du 9 juin 2011, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :
La Cour a été saisie par une requête, enregistrée le 24 août 2011, sous le n° 11MA03423, ainsi que des mémoires enregistrés les 15 novembre 2011, 11 mars 2013,
17 avril 2013, 19 juin 2014, M. B..., représenté par MeC..., puis par mémoire enregistré le 4 novembre 2014 informant la Cour du décès de M. B...et la reprise de la procédure par son épouse, Mme A...B..., et complété par un mémoire enregistré le
15 juin 2015.


Dans le dernier état de ses écritures, Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 juin 2011 du tribunal administratif de Nice ;

2°) à titre principal et avant-dire droit :

-de condamner l'Etat à payer les sommes prévisionnelles de :
- 2 883,75 euros au titre des arrérages de pensions, somme à parfaire et actualiser à la date de l'arrêt à intervenir, augmentée des intérêts de droit au taux légal,
- 57 675 euros au titre des bonifications capitalisées, somme à parfaire et actualiser, augmentée des intérêts de droit à taux légal,
- 5 000 euros au titre de ses frais de défense n'incluant pas les frais irrépétibles accordés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative,
- 5 000 euros au titre du préjudice moral pour retard d'admission, contentieux anormal et spécial et insécurité juridique,
- 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- de procéder avant-dire droit aux mesures d'instruction appropriées pour recueillir les éléments de fait utiles pour statuer sur la réalité de la discrimination alléguée ;

3°) à titre plus subsidiaire de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité du régime des articles L. 12 et R. 13 du code de pensions civiles et militaires de retraite avec l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et l'ensemble des règles communautaires et sur la question de savoir si le Conseil d'Etat a, dans son arrêt du n° 372426 du 27 mars 2015 dénaturé le sens et la portée de l'arrêt C 176/13 rendu par ladite Cour le 17 juillet 2014 ;

4°) Mme B...demande également que l'État, ou le cas échéant, Orange, ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL lui versent 12 000 euros en réparations de son préjudice matériel et moral, et la mise à la charge de l'État ou de qui il appartiendra, des entiers dépens, dont les frais d'expertise, outre la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 3 octobre 2011, le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État conclut au rejet de la requête comme non fondée.


Par des mémoires en défense, enregistrés au greffe de la Cour les 31 octobre 2014 et
8 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'elle est irrecevable, que le principe de la responsabilité de l'Etat doit être écarté et que les préjudices ne sont en tout état de cause pas justifiés.


Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 24 novembre 2011, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative déclare s'associer aux observations et conclusions du mémoire en défense produit par le service des retraites de l'Etat.





Par lettre du 11 mai 2015, le président de la 8ème chambre de la Cour a informé les parties que la décision à intervenir serait susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public soulevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen relatif à la responsabilité de l'Etat du fait de la violation par les juridictions administratives de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et des dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen reposant sur une cause juridique nouvelle en appel.


Par mémoire enregistré au greffe de la Cour le 20 mai 2015, Mme B...précise que le moyen mentionné par la lettre de la Cour du 11 mai 2015 ne lui paraissait pas susceptible d'être soulevé d'office.


Vu :
- les autres pièces du dossier.


Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole ;
- le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne notamment son article 157, anciennement 141, les protocoles qui y sont annexés, notamment le protocole n° 14 sur la politique sociale ;
- la directive n° 79/7 (CEE) du 19 décembre 1978 ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites ;
- le décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative.


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Péna,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me C...représentant Mme B....







1. Considérant que M. B..., professeur certifié de l'éducation nationale, père de trois enfants, a sollicité, le 2 juin 2003, de son administration sa mise à la retraite anticipée avec bonification pour enfants au titre des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que le silence de son administration a fait naître une décision implicite de rejet ; que M. B... a finalement obtenu, le 28 février 2005, le bénéfice de la retraite anticipée, sans bonification, à compter du 1er avril 2005 ; que M. B... a sollicité le 10 février 2006 la bonification pour enfants prévue l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et à défaut, une indemnisation correspondant au préjudice subi évalué annuellement à hauteur de 2 589,48 euros, outre une contrepartie en capital à hauteur de 51 789,52 euros ; que par décision du 23 mars 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté ladite demande ; que devant le tribunal administratif de Nice, M. B... a demandé, d'une part, l'annulation des décisions attaquées susmentionnées du 28 février 2005 et 23 mars 2006, d'autre part, la condamnation de l'État à lui servir rétroactivement une pension au taux de 70% avant majoration, subsidiairement, à lui verser une indemnité évaluée annuellement à hauteur de 2 883,75 euros, outre une contrepartie en capital à hauteur de 57 675 euros ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande ;



Sur la responsabilité de l'Etat du fait des lois :

En ce qui concerne la bonification pour enfant :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de l'article 52 la loi du 9 novembre 2010 applicable au litige : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après :(...)b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt-et-unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu ou réduit leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions du 1° de l'article R. 13 du même code, dans sa version applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du b de l'article L. 12 du même code est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ;






3. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :
" 1. Chaque État membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique : a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un État membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la cour administrative d'appel de Lyon, a estimé que l'article 141 devait être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions des articles L. 12 et R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à l'octroi de la bonification en cause, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ; qu'elle a cependant rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revenait exclusivement au juge national, seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ;




4. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il ressort néanmoins de l'ensemble des pièces produites devant le juge du fond et des données disponibles qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que de plus, les mères de famille ont dans les faits plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'ainsi, selon les données d'une étude statistique du service des retraites de l'Etat produite par le ministre des finances et des comptes publics, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants ; que, si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière, qui ne peut être modifiée au moment de la liquidation ; que cette bonification n'a pas pour objet et ne pouvait avoir pour effet de prévenir les inégalités sociales dont ont été l'objet les femmes mais de leur apporter, dans une mesure jugée possible, par un avantage de retraite assimilé à une rémunération différée au sens de l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, une compensation partielle et forfaitaire des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées ;
5. Considérant également que, par la loi du 21 août 2003, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles ont été prises les dispositions litigieuses, en ne maintenant le bénéfice automatique de la bonification que pour les femmes fonctionnaires et militaires mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 ; que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l'intérêt général qui s'attache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences qu'aurait la suppression des dispositions du b de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, ces dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ;
6. Considérant que, dans ces conditions, la différence de traitement dont bénéficient indirectement les femmes mères d'enfants nés avant le 1er janvier 2004 par le bénéfice systématique de la bonification pour enfant tel qu'il découle de la prise en compte du congé maternité, en application des dispositions combinées du b de l'article L. 12 et de l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
En ce concerne le départ anticipé à la retraite :
7. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction applicable au litige en vertu des dispositions transitoires prévues à l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 : " I. - La liquidation de la pension intervient : (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code, applicable au litige, le bénéfice des dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 24 est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale, ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ; que par l'arrêt déjà cité du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé, conformément à cette jurisprudence, que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite tel que celui résultant des dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant qu'elles prévoient la prise en compte du congé maternité dans les conditions ouvrant droit au bénéfice en cause introduirait également une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire à cet article ;
8. Considérant cependant, ainsi qu'il a été dit au point 3 de la présente décision, que la Cour de justice de l'Union européenne a rappelé que, s'il lui revenait de donner des " indications " " de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer ", il revient exclusivement au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par de tels facteurs objectifs ; que, par la loi du 9 novembre 2010, le législateur a modifié les dispositions sur le fondement desquelles a été prise la décision attaquée, en procédant à une extinction progressive de la mesure pour les parents de trois enfants ; que ce faisant, le législateur a entendu non pas prévenir les inégalités de fait entre les hommes et les femmes fonctionnaires et militaires dans le déroulement de leur carrière et leurs incidences en matière de retraite telles qu'exposées au point 4, mais compenser à titre transitoire ces inégalités normalement appelées à disparaître ; que dans ces conditions, la disposition litigieuse relative au choix d'un départ anticipé avec jouissance immédiate, prise, pour les mêmes motifs que la bonification pour enfant prévue par les dispositions combinées des articles L. 12 et R. 37, afin d'offrir, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement de la carrière d'une femme, en l'état de la société française d'alors, est objectivement justifiée par un objectif légitime de politique sociale, qu'elle est propre à garantir cet objectif et nécessaire à cet effet ; que par suite, et sans qu'il soit besoin, d'une part, d'ordonner les mesures d'instruction demandées et d'autre part, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de l'une ou l'autre des questions préjudicielles invoquées par le requérant, les dispositions en cause ne méconnaissent pas le principe d'égalité tel que défini à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;


Sur la rétroactivité de la loi :

9. Considérant que le régime de bonification d'ancienneté pour enfant prévu au b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite a été modifié par les dispositions du I de l'article 48 de la loi du 21 août 2003 ; qu'aux termes du II de ce même article, les dispositions contenues au I " s'appliquent aux pensions liquidées à compter du
28 mai 2003 " ;


10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si M. B...a présenté, avant l'adoption du projet de loi en conseil des ministres, une demande tendant à ce que l'arrêté de concession de sa pension intègre la bonification d'ancienneté pour enfant, il ne pouvait avoir engagé, à la date de publication de la loi, une action contentieuse en vue de contester la légalité de la décision lui refusant le bénéfice de la bonification, dès lors qu'à cette date sa pension n'avait pas été liquidée et qu'une telle décision n'était susceptible d'intervenir qu'à l'occasion de la liquidation de sa pension ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser d'accorder à l'intéressé le bénéfice du b) de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à la loi du 21 août 2003 doit être écarté ;

Sur la responsabilité de l'Etat du fait des juridictions administratives :
11. Considérant, d'une part, que Mme B...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait de l'application par les juridictions administratives des dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités en violation de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que cependant, ainsi qu'il a été démontré aux points 4 à 6, ces articles ne méconnaissent pas le principe de non-discrimination protégé par les traités de l'Union européenne ; qu'ainsi c'est à bon droit que les juridictions administratives qui ont statué sur la demande de l'intéressé en ont fait application ;



12. Considérant, d'autre part, que Mme B...soutient que la responsabilité de l'Etat doit être engagée du fait que les juridictions administratives se sont abstenues de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur la méconnaissance par les dispositions des articles L. 12 et R. 13 précités de l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, cependant, il résulte des considérations retenues aux points 4 à 6 que la saisine de le Cour de justice de l'Union européenne n'était pas nécessaire aux juridictions pour statuer sur les demandes de l'intéressé dont elles étaient saisies ; qu'ainsi, en ne posant pas les questions préjudicielles que le requérant invoque, ces juridictions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ni méconnu le droit de l'intéressé à une procès équitable ;




13. Considérant par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et de certaines de ses conclusions en tant qu'elles reposent sur une cause juridique nouvelle en appel ou en tant qu'elles ont été présentées en dehors du délai d'appel, que les fautes alléguées n'étant ainsi pas établies, les conclusions de Mme B...tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement desdites fautes comme de toute autre personne sur le même fondement ne peuvent qu'être écartées ;




14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et dès lors que l'éventuelle irrégularité de la composition de la formation de jugement par laquelle le Conseil d'Etat a rendu sa décision n° 372426 du 27 mars 2015 est sans incidence sur le bien fondé des conclusions en litige, que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;


DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Gonzales, président de chambre,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme Péna, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2015.
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