CAA de PARIS, 4ème chambre, 20/10/2015, 14PA00355, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A..., M. E...A...et M. D...A...ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 75 000 euros, 75 000 euros et 30 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2011 et la capitalisation de ces intérêts, en réparation du préjudice que leur a causé le décès de leur fils et frère, M. F...A....
Par un jugement n° 1122978/6-2 du 26 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser la somme de 12 500 euros chacun à Mme C...A...et M. E...A..., et la somme de 4 000 euros à M. D...A..., ainsi que les intérêts au taux légal à compter du11 mars 2011 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 11 mars 2012.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 23 janvier 2014, 27 février 2015 et 29 septembre 2015, Mme et MMA..., représentés par Me B...Rappaport, demandent à la Cour :
1°) à titre principal, de réformer le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1122978 du 26 novembre 2013 en tant que celui-ci a limité aux sommes de 12 500 et 4 000 euros les indemnités au versement desquelles l'Etat a été condamné ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser respectivement les sommes de 75 000 euros, 75 000 euros et 30 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2011 et la capitalisation de ces intérêts ;
3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente de la clôture de l'instruction pénale en cours ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacun d'eux de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'instruction, qui s'est conclue le 29 juin 2015 par une ordonnance de non-lieu, n'a pas permis d'établir l'existence d'une faute de Guillaume A...qui serait à l'origine de l'accident, dès lors qu'il est impossible de déterminer l'identité du pilote au moment de cet accident ;
- à la supposer établie, la faute de la victime est absorbée par la faute commispar l'administration militaire dans l'encadrement et le contrôle du détachement dans lequel était affecté M. F...A...;
-.l'hypothèse d'une défaillance technique ne peut être exclue compte tenu des éléments issus de l'instruction ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2014, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de M. Cantie, rapporteur public,
- et les observations de Me Rappaport, avocat des consorts A...;
1. Considérant que Mme C...A...et MM E...et D...A...relèvent appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a limité aux sommes respectives de 12 500 euros pour les parents de la victime et 4 000 euros pour le frère, les indemnités mises à la charge de l'Etat en réparation du préjudice moral résultant du décès accidentel du lieutenant GuillaumeA..., lors d'un accident aérien survenu le 6 mai 2007 en Egypte dans le cadre d'une mission de la Force Multinationale d'Observateurs au Sinaï ;
2. Considérant que les dispositions de l'article L. 4123-2 du code de la défense, qui déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, ne font pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'État qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique ; qu'il en va de même s'agissant du préjudice moral subi par ses ayants droits ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer :
3. Considérant que le juge administratif ne peut, sans méconnaître sa compétence, subordonner sa décision à l'intervention d'une décision définitive du juge pénal ; qu'en tout état de cause, l'instruction pénale relative à l'accident en litige s'étant conclue par une ordonnance de non-lieu rendue le 29 juin 2015, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur la présente requête dans l'attente d'un jugement pénal se prononçant sur les causes de l'accident doivent être rejetées ;
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports concordants et circonstanciés de l'expert judiciaire diligenté par le juge pénal, du bureau d'enquête accidents défense-air et de la délégation générale pour l'armement, que le bimoteur à hélices de transport régional de type Twin Otter, à bord duquel le lieutenant A...exerçait la fonction de co-pilote, n'a subi aucune défaillance technique avant de percuter le sol et n'a émis aucun signal de détresse ; que l'accident est imputable à une erreur de pilotage, dans le cadre d'un vol délibéré à très basse altitude, au surplomb de la route nationale reliant Le Caire à Tabah, qui en l'absence de toute condition atmosphérique particulière ou situation de détresse de nature à justifier de telles manoeuvres, est constitutif d'une faute qui est imputable tant au pilote qu'au co-pilote de l'aéronef ;
5. Considérant qu'il résulte également de l'instruction, que les négligences multiples observées dans l'encadrement de l'unité militaire à laquelle appartenait le lieutenantA..., qui ont donné lieu à 17 sanctions disciplinaires, ont concouru au non respect des consignes de sécurité en vol, et constituent également une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à hauteur de la moitié des conséquences dommageables de l'accident ;
6. Considérant, enfin, que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral subi par les parents et le frère de M. A...du fait de son décès, en condamnant l'Etat à verser à chacun de ses parents une indemnité de 12 500 euros et à son frère une somme de 4 000 euros ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...A..., M. E...A...et M. D...A...ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement attaqué ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme et MM A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme C...A..., à M. E...A..., à M. D...A...et au ministre de la défense.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- Mme Hamon, président assesseur,
- M. Dellevedove, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 20 octobre 2015.
Le rapporteur,
P. HAMONLe président,
B. EVEN
Le greffier,
A-L. CALVAIRE La République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14PA00355