CAA de NANTES, 3ème chambre, 29/10/2015, 14NT02443, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le centre hospitalier de Dinan à lui verser la somme de 49 084,56 euros en réparation des fautes commises par lui dans la gestion de sa situation administrative.
Par un jugement n° 1201507 du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 septembre 2014 et 22 septembre 2015, Mme A...B..., représentée par Me Bourges-Bonnat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 juillet 2014 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Dinan à lui verser la somme de 49 084,56 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts capitalisés ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Dinan le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le centre hospitalier de Dinan a commis une faute en la plaçant en congé de maladie ordinaire à compter du 21 janvier 2005 alors que son état de santé n'était pas consolidé à cette date ; conformément à l'alinéa 4 de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, elle aurait dû être maintenue en congé de maladie professionnelle à plein traitement jusqu'à qu'elle " soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite " ;
- le centre hospitalier a également commis une faute dans la mise en oeuvre de la procédure qui a conduit à la placer tardivement en retraite pour invalidité en 2009 avec un effet rétroactif au 1er juillet 2006 ; on peut lui reprocher un défaut d'information ou d'accompagnement concernant le déroulement de la procédure de retraite pour invalidité ;
- l'établissement hospitalier a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en sollicitant le remboursement intégral des sommes qu'elle avait perçues durant sa période de disponibilité dans l'attente de l'avis du comité médical ; en procédant ainsi il a en effet illégalement retiré d'une décision créatrice de droit ;
- elle a subi des préjudices financier et moral qui doivent être indemnisés.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 29 mai et 2 octobre 2015, le centre hospitalier de Dinan, représenté par Me Assouline, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme B...ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public.
- et les observations de Me Bourges-Bonnat, avocat de Mme B...et de MeC..., substituant Me Assouline, avocat du centre hospitalier de Dinan.
1. Considérant que MmeB..., agent des services hospitaliers affectée au centre hospitalier de Dinan, a été victime le 26 août 2004 d'un accident de service ayant occasionné un lumbago et une sciatique hyperalgique ; qu'elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service des arrêts de travail qui lui ont été prescrits à compter du 27 août 2004 ; que la commission de réforme réunie le 9 juin 2005 a, au vu du rapport dressé le 5 janvier 2005 par le docteur Flori-Le Fur, émis un avis favorable à l'imputabilité au service de ces arrêts de travail pour la période comprise entre le 27 août 2004 et le 20 janvier 2005, avis qui a été confirmé après une nouvelle expertise réalisée en 2007 ; que, Mme B...n'ayant pas repris ses fonctions, le centre hospitalier de Dinan l'a placée en congé de maladie ordinaire pendant une année à compter du 21 janvier 2005, puis, par une décision du 19 septembre 2007 prise après avis du comité département médical, il a placé cet agent en disponibilité d'office à compter du 21 janvier 2006, avec rémunération à demi-traitement ; qu'une procédure de placement à la retraite pour invalidité a parallèlement été engagée par l'hôpital, qui a abouti, par une décision du 12 février 2009 prise après avis favorable de la caisse de retraite des agents des collectivités locales, à une mise à la retraite pour invalidité prononcée à compter du 1er juillet 2006 ; que Mme B...a perçu à ce titre un rappel de pension de 12 000 euros ; que, par un courrier daté du 13 février 2009, le centre hospitalier lui a demandé de rembourser en contrepartie les rémunérations à demi-traitement qui lui avaient été versées durant la période de disponibilité d'office courant du 1er juillet 2006 au 12 février 2009, soit la somme de 20 957,78 euros ; que Mme B...estimant avoir subi un préjudice du fait des fautes commises par son employeur dans la gestion de sa situation administrative, a adressé le 23 décembre 2011 au centre hospitalier une demande indemnitaire qui a été rejetée le 13 février 2012 ; qu'elle a saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Dinan à réparer les préjudices qu'elle estimait avoir subis ; qu'elle relève appel du jugement du 15 juillet 2014 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. " ;
3. Considérant que Mme B...soutient qu'elle aurait dû être maintenue en arrêt de travail pour accident de service après le 20 janvier 2005 dès lors que deux médecins ont fixé au 31 mars 2006 seulement sa date de consolidation ; qu'il résulte cependant de l'instruction que tant le docteur Flori-Le Fur , en janvier 2005, que le docteur Tyrel, en octobre de la même année, tous deux médecins experts agréés mandatés par la commission de réforme, ont estimé que l'intéressée était guérie à compter du 21 janvier 2005 et que les prolongations de ses arrêts de travail à compter de cette date n'étaient plus en rapport avec l'accident de service survenu le 26 août 2004 mais étaient imputables à un état antérieur ; qu'il s'ensuit que le centre hospitalier n'a commis aucune faute en plaçant la requérante en congé de maladie ordinaire à compter du 21 janvier 2005, et que Mme B...n'est pas fondée à invoquer le préjudice qui résulterait pour elle de la privation du bénéfice de l'intégralité de son traitement, telle que prévue par les dispositions précitées du dernier alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986, qui ne lui étaient pas applicables ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 17 du décret du 19 avril 1988 dans sa version alors en vigueur : " Lorsque le fonctionnaire est dans l'incapacité de reprendre son service à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. / Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service qu'après l'avis favorable du comité médical. / Si l'avis du comité médical est défavorable, le fonctionnaire est soit mis en disponibilité, soit, s'il le demande, reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme des agents des collectivités locales ", et qu'aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / Lorsque l'admission à la retraite pour invalidité intervient après que les conditions d'ouverture du droit à une pension de droit commun sont remplies par ailleurs, la liquidation des droits s'effectue selon la réglementation la plus favorable pour le fonctionnaire. / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 et 1er-2 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée " ;
5. Considérant que MmeB..., qui a été maintenue en disponibilité avec demi-traitement du 21 janvier 2006 au 12 février 2009, soutient que l'attitude du centre hospitalier de Dinan qui n'a prononcé sa mise à la retraite que le 12 février 2009, avec un effet rétroactif au 1er juillet 2006 qui lui a été préjudiciable, est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité, alors surtout que le comité médical départemental et la commission de réforme hospitalière avaient émis dès 2006 des observations favorables à sa mise à la retraite pour invalidité ; qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le placement de l'intéressée en disponibilité d'office était conforme aux dispositions précitées de l'article 17 du décret du 19 avril 1988 en raison de l'obligation pesant sur le centre hospitalier de placer dans une position statutaire régulière son agent qui avait épuisé ses droits à congé de maladie ordinaire, dans l'attente de l'avis du comité médical sur son placement en retraite pour invalidité, d'autre part, que les dispositions du dernier alinéa de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 faisaient obligation à cet établissement de retenir, ainsi que la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) le lui avait indiqué, une date de radiation des cadres de cet agent correspondant à sa limite d'âge, soit le 1er juillet 2006 qui correspond à son soixantième anniversaire ; que par suite, et alors au surplus que le long délai écoulé entre le début de l'instruction du dossier d'admission à la retraite et la décision de mise à la retraite est imputable pour une grande part à la requérante qui n'a fait aucune diligence pour fournir à la CNRACL les documents qui lui étaient demandés, c'est sans commettre d'illégalité que le centre hospitalier de Dinan a prononcé le 12 février 2009 la mise à la retraite pour invalidité de MmeB... à compter du 1er juillet 2006 ; que si Mme B...reproche également au centre hospitalier un défaut d'information ou d'accompagnement concernant le déroulement de sa procédure de mise à la retraite, il est constant, en tout état de cause, que de nombreux échanges de courriers ont eu lieu entre les parties et qu'aucun texte ne prévoit à la charge de l'employeur public une obligation d'assistance envers ses agents dans ce domaine ;
6. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...soutient que le centre hospitalier de Dinan a commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en sollicitant le remboursement intégral des sommes qu'elle avait perçues durant sa période de disponibilité dans l'attente de l'avis du comité médical, dès lors qu'en agissant ainsi l'établissement a procédé à un retrait illégal d'une décision créatrice de droits, ce retrait étant intervenu tardivement ; que, toutefois, dès lors que l'intéressée ne conteste pas avoir, conformément aux dispositions rappelées ci-dessus, été régulièrement placée en retraite pour invalidité avec effet rétroactif au 1er juillet 2006, elle ne peut prétendre être en droit de cumuler les rémunérations à demi-traitement qu'elle a perçues, pour un montant total de 20 957,78 euros, du 1er juillet 2006 au 12 février 2009 dans l'attente de la réunion de la commission de réforme devant examiner son dossier avec les arrérages de pension de retraite s'élevant à 12 000 euros qui ont été rappelés à son profit pour la même période ; que, dans ces conditions, le centre hospitalier était fondé à réclamer à Mme B...le remboursement du montant de 20 957,78 euros correspondant aux rémunérations versées pendant la période litigieuse en sus des pensions de retraite auxquelles elle était en définitive seulement en droit de prétendre ; qu'il s'ensuit qu'en procédant ainsi le centre hospitalier de Dinan n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Dinan, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement au centre hospitalier de la somme qu'il demande au titre des mêmes frais ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier de Dinan tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au centre hospitalier de Dinan.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2015 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Specht, premier conseiller,
Lu en audience publique le 29 octobre 2015.
Le rapporteur,
O. COIFFET
Le président,
I. PERROT
Le greffier,
A. MAUGENDRE
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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