CAA de LYON, 3ème chambre - formation à 3, 03/11/2015, 12LY02600, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 novembre 2015
Num12LY02600
JuridictionLyon
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentM. BOUCHER
RapporteurM. Hervé DROUET
CommissaireM. CLEMENT
AvocatsMADIGNIER

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...et Annie B...ont demandé au tribunal administratif de Lyon :
- de condamner l'Etat à leur verser une indemnité totale de 89 381 euros assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande, en réparation de préjudices qu'ils imputent à l'Etat au titre de sa responsabilité du fait des lois pour violation du droit communautaire ou européen et pour violation manifeste de ce même droit pas les juridictions nationales ;
- à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice européenne d'une question préjudicielle portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2004 et du décret du 10 mai 2005 avec l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et ses directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale ;
- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 0905610 du 17 juillet 2012, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.



Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 octobre 2012, 11 mars 2013 et 13 novembre 2014, M. et Mme A...et AnnieB..., représentés par Me C..., demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement du 17 juillet 2012 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner avant-dire-droit l'Etat et/ou la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), et/ou le groupe La Poste, et/ou France Télécom-Orange ou leurs services de pension, à leur verser une provision de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation de leurs préjudices ;
3°) à défaut, subsidiairement et avant-dire-droit, de condamner les mêmes à leur verser une indemnité totale de 86 340 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation à compter de la première demande ;
4°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de questions préjudicielles portant sur la conformité des articles L. 24 et R. 37 nouveaux et anciens avec le droit communautaire et sur la possibilité, au regard des principes de primauté du droit communautaire et d'égalité de traitement, d'appliquer des règles jurisprudentielles conduisant, au titre du principe de non-cumul entre emploi et retraite et après l'annulation d'une décision de rejet d'une demande d'admission à la retraite avec jouissance immédiate, de liquider la pension sans procéder à un rappel ;
5°) de mettre à la charge du service des pensions ou de qui il appartiendra une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :
- que le jugement aurait dû être rendu en formation collégiale dès lors qu'il s'agit d'un litige de plein contentieux portant sur un montant supérieur à 10 000 euros et non d'un litige en matière de pensions ;
- que c'est à tort que le premier juge a considéré que le présent litige aurait le même objet qu'un précédent recours en annulation et révision, alors qu'il tend à l'indemnisation d'un préjudice résultant d'une décision éventuellement légale ;
- que la motivation du jugement est stéréotypée ;
- que le Tribunal ne pouvait s'abstenir de poser une question préjudicielle sans porter lui-même atteinte à l'effectivité du droit communautaire ;
- que les nouvelles dispositions légales et réglementaires issues de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2004 et de la loi du 21 août 2003 et de leurs décrets d'application visent à contourner le droit européen et que la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des enfants aboutit à une discrimination indirecte au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne et de ses directives d'application ainsi que de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 1er de son premier protocole additionnel, sans qu'il soit possible d'invoquer une compensation en fin de carrière en faveur des femmes, la nouvelle rédaction en matière de retraite anticipée n'ouvrant qu'un droit apparent pour les pères de trois enfants ;
- que l'application immédiate de la loi entraîne son application rétroactive en contradiction avec la jurisprudence européenne et les instructions ou indications de l'administration ;
- que la responsabilité de l'Etat est engagée du fait des lois et règlements de 2003 et 2004, voire de ceux de 2010 ;
- qu'elle est également engagée du fait de la violation caractérisée par la juridiction administrative des traités européens et des principes de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier 2013 et 6 novembre 2014, le ministre chargé des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir :
- que la demande de première instance était irrecevable dès lors qu'elle a le même objet que des demandes précédentes de l'intéressé tendant à l'annulation de décisions de refus de départ anticipé à la retraite et d'attribution de bonifications pour enfant, qui ont été rejetées par des jugements définitifs du tribunal administratif de Lyon ;
- que les dispositions relatives à la bonification pour enfant et au départ anticipé à la retraite au titre de la législation concernant les parents de trois enfants sont conformes au droit de l'Union européenne ;
- que le calcul du préjudice au titre de la bonification pour enfant est erroné, que le l'impossibilité de cumuler la rémunération et une pension s'oppose au rappel de pension demandé et que le requérant ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un éventuel préjudice moral lié à une admission tardive à la retraite.


Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2013, la société France Télécom (centre de service ressources humaines spécialisé de Lannion) déclare s'associer aux observations du ministre chargé des finances.


Un nouveau mémoire, enregistré le 18 février 2015, présenté pour M. et Mme B... n'a pas été communiqué, en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.


Par un mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2015, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que le dispositif législatif et réglementaire contesté ne méconnaît pas l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne en ce qu'il permet de réparer le préjudice de carrière subi par les femmes en raison de la naissance de leurs enfants et que, par suite, il ne peut être reproché à la juridiction administrative d'avoir méconnu le droit de l'Union européenne en ne faisant pas droit à l'argumentation fondée sur l'inconventionnalité du droit interne.


Par un nouveau mémoire, enregistré le 11 juin 2015, M. et Mme B...expriment leur défiance à l'égard de l'arrêt d'assemblée du Conseil d'Etat n° 372426 du 27 mars 2015 Quintanel et demandent à la Cour :
- de leur allouer le bénéfice de leurs précédentes écritures ;
- à titre subsidiaire et avant-dire droit, de saisir la CJUE de questions préjudicielles portant, d'une part, sur les conditions dans lesquelles le Conseil d'Etat a interprété la jurisprudence de la CJUE par une décision Quintanel n° 372426 du 27 mars 2015 au regard des principes issus de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et des articles 17 et 18 de la directive n° 2006/54 et, d'autre part, sur le point de savoir si cette décision du Conseil d'Etat a dénaturé le sens et la portée de l'arrêt Leone n° C-173/13 du 17 juillet 2014 de la CJUE en violation des principes de confiance légitime et de primauté du droit communautaire ;
- à défaut et avant-dire droit, d'ordonner au ministre des finances et/ou à la CNRACL de produire les données statistiques relatives aux écarts de pension entre hommes et femmes en fonction du nombre d'enfants et d'ordonner une expertise portant sur l'analyse de ces données ;
- de condamner l'Etat et, le cas échéant, la société Orange ou le service des pensions de La Poste et la CNRACL à leur payer une indemnité de 12 000 euros pour le préjudice matériel et moral subi, sauf conclusions indemnitaires plus élevées auxquelles il est expressément renvoyé ;
- de mettre à la charge de l'Etat ou de qui il appartiendra les entiers dépens ainsi qu'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Par un mémoire enregistré le 11 juin 2015, le ministre des finances et des comptes publics maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête en faisant valoir que le Conseil d'Etat a confirmé la conventionnalité des dispositions contestées en matière de départ anticipé à la retraite et de bonifications pour enfant.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le traité instituant la Communauté européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;
- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- la décision C-173/13 du 17 juillet 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Drouet ;
- les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
- les observations de MeC..., représentant M. et MmeB....

Une note en délibéré présentée par M. et Mme B...a été enregistrée le 22 septembre 2015.



1. Considérant que M.B..., agent de France Télécom et père de quatre enfants, a demandé, en mars et avril 2005, le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit à pension sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraites ; que sa demande a été rejetée par une décision du service des pensions de La Poste et de France Télécom du 20 avril 2005 ; que son recours contentieux contre cette décision a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 septembre 2006 et que son pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat a fait l'objet d'une décision de non admission du 6 juin 2007 ; que M. et Mme B...ont ensuite engagé une procédure tendant à l'indemnisation de préjudices qu'ils imputent à l'Etat, d'une part, à raison de la méconnaissance des obligations qui lui incombent pour assurer le respect, par les lois et règlements, des conventions internationales par les autorités publiques et, d'autre part, à raison de la violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; que M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 17 juillet 2012 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande indemnitaire présentée sur ces fondements ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) ; / 7° Sur les actions indemnitaires, lorsque le montant des indemnités demandées est inférieur au montant déterminé par les articles R. 222-14 et R. 222-15 ; (...) " ; qu'en vertu de l'article R. 222-14 du même code, dans sa rédaction alors applicable, les dispositions du 7° de l'article R. 222-13 précité sont applicables aux demandes dont le montant n'excède pas 10 000 euros ;

3. Considérant qu'il ressort des mentions du jugement attaqué qu'il a été rendu par un magistrat statuant seul ; que la demande indemnitaire présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif n'a pas le caractère d'un litige en matière de pensions au sens des dispositions précitées de l'article R. 222-13 du code de justice administrative et porte sur une somme supérieure à 10 000 euros ; qu'elle ne relève d'aucun des cas dans lesquels le président du tribunal ou le magistrat désigné par lui peut statuer seul sur un litige ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que le jugement a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et qu'il doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. et MmeB... ;

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 : " I. - La liquidation de la pension intervient : / (...) 3° Lorsque le fonctionnaire civil est parent de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou d'un enfant vivant, âgé de plus d'un an et atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, à condition qu'il ait, pour chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilées à l'interruption d'activité mentionnée à l'alinéa précédent les périodes n'ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa les enfants énumérés au II de l'article L. 18 que l'intéressé a élevés dans les conditions prévues au III dudit article ; (...) " ; qu'en vertu des I et II de l'article R. 37 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé de paternité, d'un congé d'adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 : " Aux services effectifs s'ajoutent, dans les conditions déterminées par un décret en Conseil d'Etat, les bonifications ci-après : / (...) b) Pour chacun de leurs enfants légitimes et de leurs enfants naturels nés antérieurement au 1er janvier 2004, pour chacun de leurs enfants dont l'adoption est antérieure au 1er janvier 2004 et, sous réserve qu'ils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour chacun des autres enfants énumérés au II de l'article L. 18 dont la prise en charge a débuté antérieurement au 1er janvier 2004, les fonctionnaires et militaires bénéficient d'une bonification fixée à un an, qui s'ajoute aux services effectifs, à condition qu'ils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu des dispositions de l'article R. 13 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2003-1305 du 26 décembre 2003 pris pour l'application des dispositions législatives précitées, le bénéfice de ces dispositions est subordonné à une interruption d'activité d'une durée continue au moins égale à deux mois dans le cadre d'un congé pour maternité, d'un congé pour adoption, d'un congé parental, d'un congé de présence parentale ou d'une disponibilité pour un élever un enfant de moins de huit ans ;

7. Considérant que M. et Mme B...soutiennent que ces dispositions ont pour effet d'instituer une discrimination indirecte à l'égard des fonctionnaires de sexe masculin ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur. / 2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier. / L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique: / a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ; / b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail. / (...). 4. Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l'égalité de traitement n'empêche pas un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle. " ; qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le principe d'égalité des rémunérations s'oppose non seulement à l'application de dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application de dispositions qui maintiennent des différences de traitement entre travailleurs masculins et travailleurs féminins sur la base de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'il y a discrimination indirecte en raison du sexe lorsque l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de travailleurs d'un sexe par rapport à l'autre ; que par un arrêt du 17 juillet 2014, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur renvoi préjudiciel de la présente Cour, a estimé que l'article 141 doit être interprété en ce sens que, sauf à pouvoir être justifié par des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu'un objectif légitime de politique sociale, et à être propre à garantir l'objectif invoqué et nécessaire à cet effet, un régime de départ anticipé à la retraite et de bonification de pension tel que celui résultant des dispositions précitées du code des pensions civiles et militaires de retraite, en tant notamment qu'elles prévoient la prise en compte du congé de maternité dans les conditions ouvrant droit à son bénéfice, introduirait une différence de traitement entre les travailleurs féminins et les travailleurs masculins contraire aux stipulations précitées du traité ; que, sur la base des indications ainsi données par la Cour de justice de l'Union européenne pour permettre à la juridiction nationale de statuer, il incombe à cette juridiction d'apprécier les faits et d'interpréter la législation interne, afin de déterminer si et dans quelle mesure les dispositions concernées sont justifiées par des facteurs objectifs répondant à ces indications ;

9. Considérant que si, pendant son congé de maternité, la femme fonctionnaire ou militaire conserve légalement ses droits à avancement et à promotion et qu'ainsi la maternité est normalement neutre sur sa carrière, il résulte néanmoins de l'instruction et des données disponibles en la matière, qu'une femme ayant eu un ou plusieurs enfants connaît, de fait, une moindre progression de carrière que ses collègues masculins et perçoit en conséquence une pension plus faible en fin de carrière ; que les arrêts de travail liés à la maternité contribuent à empêcher une femme de bénéficier des mêmes possibilités de carrière que les hommes ; que, de plus, les mères de famille ont, dans les faits, plus systématiquement interrompu leur carrière que les hommes, ponctuellement ou non, en raison des contraintes résultant de la présence d'un ou plusieurs enfants au foyer ; qu'alors qu'une femme fonctionnaire sans enfant perçoit en moyenne à la fin de sa carrière une pension au moins égale à celle que perçoivent en moyenne les hommes sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d'enfants ; que ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s'accroissent avec le nombre d'enfants ; que le niveau de la pension ainsi constaté des femmes ayant eu des enfants résulte d'une situation passée, consécutive à leur déroulement de carrière ; qu'au regard de cette situation et tant qu'elle perdure, les dispositions des articles L. 24 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite permettant un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate de la pension et celles des articles L. 12 et R. 13 instituant un régime de bonification offrent, dans la mesure du possible, une compensation des conséquences actuelles de la naissance et de l'éducation d'enfants sur le déroulement passé de la carrière des femmes et sont ainsi objectivement justifiées par un but légitime de politique sociale qu'elles sont propres à garantir et pour l'accomplissement duquel elles apparaissent nécessaires ; que par suite, ces dispositions ne peuvent être regardées comme méconnaissant le principe d'égalité au sens des stipulations précitées de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que les requérants ne sont ainsi fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat, ni au titre d'un manquement à ses obligations en matière de respect, par les lois et règlements, des conventions internationales, ni au titre d'une violation manifeste du droit de l'Union européenne par la juridiction administrative ; qu'ils ne sont en tout état de cause pas fondés à demander la condamnation d'autres personnes morales sur de tels fondements ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé des finances et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la production de pièces supplémentaires, d'ordonner une expertise ou de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles, que la demande de M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Lyon doit être rejetée ;

11. Considérant qu'il résulte également de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de M. et Mme B... tendant à l'allocation de provisions doivent être rejetées ; qu'il en va de même de leurs conclusions en appel tendant à la condamnation de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de la société La Poste et de la société France Télécom-Orange ou de leurs services de pension, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que la somme que M. et Mme B...demandent au titre de leurs frais non compris dans les dépens soit mise à la charge de l'Etat ou d'autres personnes morales qui ne sont pas, dans la présente instance, des parties perdantes ;


DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 17 juillet 2012 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et AnnieB..., à la garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre des finances et des comptes publics et au ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2015, à laquelle siégeaient :
M. Boucher, président de chambre ;
M. Drouet, président-assesseur ;
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique le 3 novembre 2015.
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