Conseil d'État, 8ème SSJS, 09/12/2015, 375077, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal départemental des pensions de Haute-Corse d'annuler la décision du 24 octobre 2008 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 12/00108 du 10 septembre 2012, le tribunal des pensions de Bastia a annulé la décision du 24 octobre 2008 et fixé à 20 % le taux de l'infirmité nouvelle " névrose post traumatique de guerre " de M. A..., à compter du 21 février 2007, date de la demande.
Par un arrêt n° 12/00345 du 16 septembre 2013, la cour régionale des pensions de la Corse a, à la demande du ministre de la défense, annulé ce jugement et rejeté la demande de M.A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 janvier et 30 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre de la défense ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à son avocat, la SCP Waquet-Farge-Hazan, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 7 octobre 2002, le ministre de la défense a accordé à M.A..., qui a été résistant et membre des Forces françaises de l'intérieur pendant la seconde guerre mondiale, une pension militaire d'invalidité pour deux affections, bronchite chronique emphysémateuse et laryngite ; que l'affection " malaises atypiques " n'a en revanche pas été retenue, au motif que le taux d'invalidité en résultant était inférieur à 10 % ; que, par courrier du 16 février 2007, M. A... a demandé la révision de sa pension en raison de " malaises atypiques " et a joint à sa demande un certificat médical mentionnant des crises d'épilepsie et l'aggravation de son état de santé ; que, par une décision du 24 octobre 2008, la demande de M. A... a été rejetée au motif que l'imputabilité au service n'était pas établie par preuve ou présomption, l'administration faisant, au demeurant, application des dispositions de droit commun prévues aux article L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et non de celles des articles L. 177 et suivants du même code, applicables aux membres des organisations civiles et militaires de la Résistance ; que, par un jugement du 10 septembre 2012, le tribunal des pensions de Bastia a annulé la décision du 24 octobre 2008 et fixé à 20 % le taux de l'infirmité nouvelle de M.A..., " névrose post traumatique de guerre " ; que, par un arrêt du 16 septembre 2013 contre lequel M. A...se pourvoit en cassation, la cour régionale des pensions de la Corse a annulé ce jugement et rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision du 24 octobre 2008 ;
2. Considérant que la cour régionale des pensions a d'abord jugé, à bon droit, que les premiers juges avaient, en retenant l'existence d'une infirmité nouvelle " névrose post-traumatique de guerre ", statué sur une infirmité non inscrite sur la demande de pension et sur laquelle la commission de réforme et l'administration ne s'étaient pas prononcées, en méconnaissance de la règle selon laquelle le juge des pensions ne peut statuer que sur des droits que le requérant a fait valoir auprès de l'administration ; que, toutefois, elle s'est ensuite prononcée sur " la réalité du lien avec le service d'une névrose traumatique de guerre ", statuant ainsi sur l'infirmité dont elle avait jugé qu'elle n'était pas celle ayant fait l'objet de la demande de révision de pension, au lieu de statuer sur l'épilepsie, qui faisait l'objet de cette demande ; qu'ainsi, son arrêt est entaché d'une contradiction de motifs et doit être annulé ;
3. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Waquet-Farge-Hazan ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 16 septembre 2013 de la cour régionale des pensions de la Corse est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Waquet-Farge-Hazan une somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de la défense.