CAA de PARIS, 4ème chambre, 02/02/2016, 15PA00918, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision02 février 2016
Num15PA00918
JuridictionParis
Formation4ème chambre
PresidentMme HAMON
RapporteurM. Jean-Claude PRIVESSE
CommissaireM. CANTIE
AvocatsSENEJEAN

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 janvier 2013 par laquelle le directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) a refusé de lui reconnaître la qualité de combattant.

Par un jugement n° 1316152/6-1 du 19 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février, 13 avril 2015 et 6 janvier 2016, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1316152/6-1 du 19 décembre 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 11 janvier 2013 du directeur de l'ONAC refusant de lui attribuer la carte du combattant ;

3°) de faire injonction au directeur de l'ONAC de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de carte de combattant dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier car il n'a pas analysé ses dernières écritures contenues dans les mémoires des 24 octobre et 26 novembre 2014 ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en prenant la date du 31 octobre 1954, et non celle du 1er janvier 1952, comme point de départ de la période des services ouvrant droit à l'attribution de la carte du combattant ;
- les dispositions de l'article R. 224 du code des pensions militaires d'invalidité sont contraires à celles des articles L. 253 bis et L. 1er bis du même code, des dispositions réglementaires ne pouvant contrevenir à des dispositions légales ;
- il a été incorporé dans l'armée française en octobre 1951, et a été affecté en Algérie jusqu'au 9 avril 1952, soit durant près de 6 mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2015, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) conclut au rejet de la requête, aux motifs que :
- le jugement n'est pas irrégulier ;
- les autres moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 18 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Privesse a été entendu au cours de l'audience publique.



1. Considérant que M. A...B..., né le 28 avril 1931 et de nationalité algérienne, a présenté une demande tendant à la délivrance de la carte du combattant au titre de ses activités militaires en Algérie laquelle, après avoir été soumise le 10 octobre 2012 à l'avis de la commission nationale de la carte du combattant, a été rejetée par une décision du 11 janvier 2013 du directeur de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) ; que M. rqt B... fait appel du jugement du 19 décembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de l'ONAC ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mémoire produit par M. B..., enregistré au greffe du tribunal le 24 octobre 2014 et visé par le jugement attaqué, n'apportait aucun élément de fait ou de droit nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs du jugement ; qu'ainsi, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés au soutien des moyens de la requête, ont pu, sans commettre d'irrégularité, s'abstenir d'analyser ledit mémoire ;

Sur la légalité de la décision du 11 janvier 2013 :

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " La République française reconnaît, dans des conditions de stricte égalité avec les combattants des conflits antérieurs, les services rendus par les personnes qui ont participé sous son autorité à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962. Elle leur accorde vocation à la qualité de combattant et au bénéfice des dispositions du présent code. " ; que l'article L. 253 de ce même code dispose : " Il est créé une carte de combattant qui est attribuée dans les conditions fixées aux articles R. 223 à R. 235. " ; que l'article L. 253 bis du même code dispose que : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 :/ Les militaires des armées françaises,/ Les membres des forces supplétives françaises possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande ou domiciliés en France à la même date,/ Les personnes civiles possédant la nationalité française à la date de la présentation de leur demande qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations./(...) Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa " ;

4. Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 223 du même code : " La carte du combattant prévue à l'article L. 253 est attribuée à toutes les personnes qui justifient de la qualité de combattant dans les conditions déterminées par les articles R. 224 à R. 229 " ; qu'aux termes de l'article R. 224 de ce code : " Sont considérés comme combattants : (...) C - Pour les opérations effectuées après le 2 septembre 1939 : I. - Militaires. Les militaires des armées de terre, de mer et de l'air : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, aux unités énumérées aux listes établies par le ministre de la défense nationale et, s'il y a lieu, par le ministre chargé de la France d'outre-mer ; ( ...) D'autre part, sont accordées des bonifications afférentes soit à des opérations de combat limitativement désignées ou effectuées dans des conditions exceptionnellement dangereuses, soit à des situations personnelles, résultant du contrat d'engagement ou d'une action d'éclat homologuée par citation collective au titre d'une unité ou d'une fraction d'unité constituée. Ces bonifications ne devront pas excéder le coefficient six pour celles afférentes aux combats, ou la durée de dix jours pour celles afférentes aux situations personnelles. Leurs modalités d'application sont fixées par arrêtés des ministres intéressés (...) ; que le D du même article dispose enfin que : " Pour les opérations effectuées en Afrique du Nord entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 inclus (...) En Algérie, à compter du 31 octobre 1954 (...) Sont considérés comme des combattants les militaires des armées françaises et les membres des forces supplétives françaises : 1° Qui ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ou à une formation entrant dans l'une des catégories énumérées par l'arrêté interministériel prévu au troisième alinéa de l'article L. 253 bis et assimilée à une unité combattante ; Pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations d'Afrique du Nord ; Des bonifications afférentes à des situations personnelles résultant du contrat d'engagement sont accordées pour une durée ne pouvant excéder dix jours, suivant les modalités d'application fixées par arrêtés des ministres intéressés ; 2° Qui ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; 3° Qui ont pris part à cinq actions de feu ou de combat (...) ; "
5. Considérant en premier lieu, qu'il résulte des dispositions législatives précitées relatives aux trois pays concernés d'Afrique du Nord, que le législateur a expressément prévu l'intervention de dispositions réglementaires pour tenir compte du caractère spécifique de la guerre en Algérie ; qu'ainsi, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le D de l'article R. 224 précité, dont il lui a été fait application, ne pouvait légalement fixer au 31 octobre 1954 le point de départ des opérations en Algérie susceptibles d'ouvrir droit à la reconnaissance de la qualité de combattant au sens des articles L. 253 et L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à exciper, à l'appui de ses conclusions, de l'illégalité des dispositions de l'article R. 224 du code précité ;

6. Considérant en second lieu, qu'il ressort des vérifications des états de services de M. B..., effectuées les 8 septembre 2010 et 6 juillet 2012, que celui-ci a servi dans l'armée française en qualité d'appelé du contingent, d'abord au 1er bataillon de l'air à compter du 19 octobre 1951, puis à la base aérienne 140 de Blida à compter du 22 mars 1952, et a ensuite rejoint la métropole à compter d'avril 1952, pour être démobilisé à compter du 26 mars 1953, puis radié des contrôles le 15 avril 1953 ; que dans ces conditions, la totalité du temps de service de M. B...effectué en Algérie étant antérieure au 31 octobre 1954, il ne remplit pas la condition posée au D de l'article R. 224 précité ; qu'en outre, il n'établit ni même ne soutient remplir une autre des conditions permettant l'octroi de la qualité de combattant ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; que ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur de l'ONAC de procéder à une nouvelle instruction de sa demande de carte de combattant dans le délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, et de lui attribuer le bénéfice de cette carte, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande, au profit de son conseil, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;



D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de la défense et des anciens combattants.
Copie en sera adressé à l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC).
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Hamon, président,
- M. Privesse, premier conseiller,
- M. Dellevedove, premier conseiller.
Lu en audience publique le 2 février 2016.

Le rapporteur,
J-C. PRIVESSE
Le président assesseur,
En application de l'article R. 222-26 du code
de justice administrative,
P. HAMON
Le greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de la défense et des anciens combattants en ce qui le concerne et a tous huissiers de justice a ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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