Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 26/09/2016, 396987, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision26 septembre 2016
Num396987
Juridiction
Formation7ème - 2ème chambres réunies
RapporteurMme Marie-Anne Lévêque
CommissaireM. Gilles Pellissier

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 15 février et 30 juin 2016, l'association de défense des droits des militaires - aide aux victimes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à la modification des mentions portées sur le titre des pensions militaires de retraite concédées en application de l'article L. 6-2° du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de modifier les mentions portées sur ce titre pour en retirer le terme " invalidité " et toute référence à l'article L. 6-2° du code des pensions civiles et militaires de retraite ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la défense;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Anne Lévêque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;



1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 4121-4 du code de la défense, dans sa rédaction issue de la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense : " L'existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que, sauf dans les conditions prévues au troisième alinéa, l'adhésion des militaires en activité à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire. / Les militaires peuvent librement créer une association professionnelle nationale de militaires régie par le chapitre VI du présent titre, y adhérer et y exercer des responsabilités " ; qu'aux termes de l'article L. 4126-2 du même code, issu de cette même loi : " Les associations professionnelles nationales de militaires ont pour objet de préserver et de promouvoir les intérêts des militaires en ce qui concerne la condition militaire. / Elles sont exclusivement constituées des militaires mentionnés à l'article L. 4111-2. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 4126-3 du même code, issu lui aussi de cette loi : " Les associations professionnelles nationales de militaires peuvent se pourvoir et intervenir devant les juridictions compétentes contre tout acte réglementaire relatif à la condition militaire et contre les décisions individuelles portant atteinte aux intérêts collectifs de la profession " ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 4111-1 du code de la défense, tel que modifié par la loi du 28 juillet 2015: " La condition militaire recouvre l'ensemble des obligations et des sujétions propres à l'état militaire, ainsi que les garanties et les compensations apportées par la Nation aux militaires. Elle inclut les aspects statutaires, économiques, sociaux et culturels susceptibles d'avoir une influence sur l'attractivité de la profession et des parcours professionnels, le moral et les conditions de vie des militaires et de leurs ayants droit, la situation et l'environnement professionnels des militaires, le soutien aux malades, aux blessés et aux familles, ainsi que les conditions de départ des armées et d'emploi après l'exercice du métier militaire " ; que l'article L. 4111-2 du code dispose que : " Le présent livre s'applique aux militaires de carrière, aux militaires servant en vertu d'un contrat, aux militaires réservistes qui exercent une activité au titre d'un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité et aux fonctionnaires en détachement qui exercent, en qualité de militaires, certaines fonctions spécifiques nécessaires aux forces armées " ;

3. Considérant que ces dispositions, telles que modifiées par la loi du 28 juillet 2015, ouvrent aux militaires en activité la possibilité d'adhérer à des groupements professionnels à la condition que ces derniers soient constitués sous la forme d'associations professionnelles nationales de militaires ; que ces associations professionnelles, qui disposent de la capacité de présenter des recours contre les actes réglementaires intéressant la condition militaire, ne peuvent être constituées que de militaires au sens de l'article L. 4111-2 du code de la défense ; que si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que des associations auxquelles n'adhéreraient pas des militaires en activité forment des recours contre des actes réglementaires intéressant la condition militaire dès lors qu'elles y ont un intérêt, elles s'opposent toutefois à ce que le juge administratif puisse être régulièrement saisi de requêtes présentées par des associations dont certains membres sont des militaires en activité et dont l'objet ou l'un des objets est la défense des intérêts professionnels des militaires en activité, alors qu'elles ne seraient pas constituées conformément aux dispositions des articles L. 4126-1 et suivants du code de la défense ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'association de défense des droits des militaires (ADEFDROMIL), qui regroupe des militaires, a saisi le Premier ministre le 1er décembre 2015 d'une demande tendant à la modification des mentions portées sur le titre des pensions militaires de retraite concédées en application de l'article L. 6-2° du code des pensions civiles et militaires de retraite et conteste le refus implicite qui a été opposé à sa demande ;

5. Considérant, en premier lieu, que cette demande doit être regardée comme tendant à la modification des dispositions réglementaires prévoyant l'inscription sur ce titre de pension de la mention " invalidité ", prises pour l'application du 2° de l'article L. 6-2° du code des pensions civiles et militaires de retraite au terme duquel : " Le droit à pension est acquis : 2° Sans condition de durée de service aux officiers et aux militaires non officiers radiés des cadres par suite d'infirmités " ;

6. Considérant, en second lieu, que si l'association soutient que, depuis une assemblée générale extraordinaire du 5 décembre 2015, elle a pour objet non seulement la défense des droits professionnels des militaires, mais également l'aide aux victimes servant ou ayant servi l'Etat sous l'uniforme, et que sa présente action se rattache précisément à sa qualité de soutien d'anciens militaires victimes de discriminations à raison de leur état de santé ou de leur handicap, sa requête concerne toutefois des dispositions réglementaires relatives aux pensions des militaires, qui se rattachent comme telles aux conditions de départ des armées et ressortissent de la condition militaire telle que définie par l'article L. 4111-1 du code de la défense ; que sa requête a ainsi pour objet la défense des intérêts des militaires en ce qui concerne la condition militaire ; que cependant, il ressort des statuts de l'ADEFDROMIL - AV que peuvent adhérer à l'association " les personnes physiques ou morales ayant adhéré aux présents statuts et qui sont à jour de leur cotisation " ; que par suite ses statuts ne limitent pas l'adhésion à l'association aux seuls militaires mentionnés à l'article L. 4111-2 du code de la défense ; qu'elle ne peut, dès lors, être regardée comme une association professionnelle nationale de militaires constituée conformément aux prescriptions de l'article L. 4121-4 du code de la défense, par l'intermédiaire seulement de laquelle les militaires en activité peuvent contester une décision réglementaire relative à la condition militaire ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que cette association n'est pas recevable à demander l'annulation de la décision attaquée ; que sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en conséquence l'intervention à l'appui de la requête, présentée par M.B..., est également irrecevable ;





D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de M. B...n'est pas admise.
Article 2 : La requête de l'association de défense des droits des militaires - aide aux victimes est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association de défense des droits des militaires - aide aux victimes, à M. A...B...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée pour information au Premier ministre et au ministre de la défense.

ECLI:FR:CECHR:2016:396987.20160926