CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 13/10/2016, 15NC01362, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision13 octobre 2016
Num15NC01362
JuridictionNancy
Formation3ème chambre - formation à 3
PresidentMme ROUSSELLE
RapporteurM. Olivier FUCHS
CommissaireM. COLLIER
AvocatsLOUY

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2014 en tant que, par celui-ci, le président de la région Lorraine a fixé à 5 % son taux d'incapacité permanente partielle résultant de l'accident du travail dont elle a été victime le 10 février 2012.

Par une ordonnance n° 1500278 du 27 avril 2015, le président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés le 18 juin 2015, le 13 juillet 2016, le 26 juillet 2016 et le 9 septembre 2016, Mme B...A..., représentée par Me Louy, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 27 avril 2015 ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du président de la région Lorraine du 2 décembre 2014 et de fixer son taux d'incapacité permanente partielle à 15 % ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

4°) de mettre à la charge de la région Lorraine une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- sa demande n'était pas irrecevable ; pour contester l'arrêté de la région Lorraine, elle soulevait en première instance le moyen tiré de la sous-évaluation de son taux d'incapacité permanente partielle, qui n'est pas de 5 % mais de 15 % ; elle produisait les documents médicaux nécessaires au soutien de ses allégations ;
- le président de la première chambre du tribunal administratif ne pouvait considérer que ses conclusions tendant à ce que le taux d'incapacité permanente partielle soit fixé à 15 % étaient irrecevables ; que ce litige relevant du plein contentieux, il appartenait au juge de réformer la décision en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2015, la région Lorraine conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, aucun moyen ne venant au soutien des conclusions de la requérante ; pour ce même motif, l'ordonnance contestée n'est pas entachée d'irrégularité ;
- elle a respecté la procédure applicable et régulièrement fixé à 5 % le taux d'incapacité permanente partielle.

Par des observations, enregistrées le 7 septembre 2016, la Caisse des dépôts et consignations conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
- la décision de la commission de réforme du 13 novembre 2014 est devenue définitive faute d'avoir été contestée ;
- les autres moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le décret n° 2001-99 du 31 janvier 2001 ;
- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Fuchs,
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,
- et les observations de Me Louy, avocat de MmeA....

1. Considérant que MmeA..., adjoint technique territorial de 1ère classe, exerce les fonctions d'agent d'entretien polyvalent au lycée de Rombas ; qu'elle a subi le 10 février 2012 un accident imputable au service ; que, par un arrêté du 2 décembre 2014, le président de la région Lorraine a déclaré son état de santé consolidé au 6 mai 2012 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 5 % ; que Mme A...relève appel de l'ordonnance du 27 avril 2015 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté pour irrecevabilité sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours " ;
3. Considérant que Mme A...a déposé au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, dans le délai de recours contentieux, une requête et un mémoire complémentaire ; que ce dernier, qui énonçait sans ambiguïté les conclusions soumises au juge, contenait l'exposé d'un moyen tiré de ce que le taux d'incapacité permanente partielle retenu par le président de la région Lorraine était entaché d'erreur d'appréciation ; que, par suite, c'est à tort que le président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté comme irrecevable la demande dont il était saisi ; que son ordonnance en date du 27 avril 2015 doit donc être annulée ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2014 :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 2 mai 2005 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " L'allocation est attribuée aux fonctionnaires maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant : a) (...) d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 10 % " ; qu'aux termes de l'article 6 de ce même décret : " La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, la reconnaissance du caractère professionnel des maladies, leurs conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme prévue par l'article 31 du décret du 26 novembre 2003 (...) / Le pouvoir de décision appartient, sous réserve de l'avis conforme de la Caisse des dépôts et consignations, à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination " ;
6. Considérant qu'à la suite de l'accident du travail de MmeA..., le président de la région Lorraine, par un arrêté du 17 décembre 2013, a d'abord estimé que cet accident était imputable au service, a fixé la date de consolidation au 6 mai 2012 et a retenu un taux d'incapacité permanente partielle de 15 % ; que Mme A...ayant repris ses fonctions le 7 mai 2014, la région Lorraine a saisi la Caisse des dépôts et consignations afin que celle-ci se prononce sur l'attribution à l'intéressée d'une allocation temporaire d'invalidité ; que, par un courrier du 20 juin 2014, la Caisse des dépôts et consignations a demandé un complément d'information en raison de l'imprécision des rapports médicaux ayant conduit à la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle de 15 % au regard, en particulier, des dispositions du barème indicatif d'invalidité annexé au code des pensions civiles et militaires résultant du décret du 31 janvier 2001 visé ci-dessus ; qu'une nouvelle expertise médicale, remise le 18 août 2014, a confirmé la consolidation de l'état de santé de Mme A...au 6 mai 2012 mais, estimant que le taux d'incapacité permanente partielle de 15 % était surévalué, a fixé ce taux à 5 % ; qu'après un nouvel avis de la commission de réforme compétente en date du 13 novembre 2014, le président de la région Lorraine, par un arrêté du 2 décembre 2014, a retiré son arrêté du 17 décembre 2013 et a déclaré que l'état de santé de Mme A...était consolidé à la date du 6 mai 2012 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 5 % ;
7. Considérant que Mme A...soutient que son taux d'incapacité permanente partielle en lien avec l'accident aurait dû être fixé à 15 %, conformément aux conclusions des avis médicaux des docteurs Lafargue et Prime ;
8. Considérant qu'il ressort des avis médicaux du docteur Lafargue en date des 12 avril et 30 mai 2012, du docteur Prime en date des 17 avril et 4 septembre 2013 ainsi que de l'avis du docteur Bergmann en date du 18 août 2014, que l'accident dont a été victime Mme A... est à l'origine d'un léger traumatisme crânien et d'un petit tassement du corps de la vertèbre lombaire 2 (L2) avec effondrement du plateau vertébral supérieur ; qu'il ressort également de ces attestations médicales qu'une ostéodensitométrie réalisée le 7 mars 2012 a révélé un contexte d'ostéoporose, dont il est connu qu'il est une cause majeure de fractures et de tassements vertébraux ; que l'état antérieur de Mme A...a donc contribué à aggraver les conséquences de l'accident subi en service ; qu'en outre, lors de l'examen de la patiente le 18 août 2014, le docteur Bergmann a constaté une raideur moyenne et des douleurs à la palpation survenant surtout au niveau de L3, conséquence d'une nouvelle chute survenue hors service le 27 septembre 2013 ; qu'il a en conséquence évalué le taux d'incapacité permanente partielle total de la victime à 10 % et celle en lien avec l'accident survenu le 10 février 2012 à 5 % ; que cette évaluation a été reprise par la commission de réforme compétente ; qu'au regard de ces éléments, et compte tenu également de la motivation succincte des avis rédigés par les docteurs Lafargue et Prime par comparaison à l'analyse très circonstanciée du docteur Bergmann, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le président de la région Lorraine aurait commis une erreur d'appréciation en fixant son taux d'incapacité permanente partielle en lien avec l'accident à 5 % ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la région Lorraine et par la Caisse des dépôts et consignations, ni d'ordonner une expertise, que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté en litige doivent être rejetées ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que Mme A...doit être regardée comme demandant qu'il soit enjoint à l'administration de fixer son taux d'incapacité permanente partielle en lien avec l'accident à 15 % ; qu'eu égard au rejet de ses conclusions à fin d'annulation, de telles conclusions ne peuvent qu'être également rejetées, le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Lorraine, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la région Lorraine présentées sur le fondement de ces dispositions ;
D E C I D E :


Article 1er : L'ordonnance du 27 avril 2015 du président de la première chambre du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la région Lorraine tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à la région Grand Est et à la Caisse des dépôts et consignations.
''
''
''
''
2
N° 15NC01362