CAA de MARSEILLE, 9ème chambre - formation à 3, 06/01/2017, 15MA02014, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 janvier 2017
Num15MA02014
JuridictionMarseille
Formation9ème chambre - formation à 3
PresidentMme BUCCAFURRI
RapporteurMme Marie-Claude CARASSIC
CommissaireM. ROUX
AvocatsNESA

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler, d'une part, deux arrêtés du 8 janvier 2014 par lesquels le président du syndicat intercommunal à vocations multiples (SIVOM) du Haut Taravo a respectivement fixé au 8 mars 2013 la date de consolidation de son état de santé et l'a placé en état de congé ordinaire à compter du 9 mars 2013 et, d'autre part, l'arrêté du 23 juillet 2014 par lequel le président de cet établissement public l'a placé en position de disponibilité d'office à compter du 10 mars 2014 pour raisons de santé.

Par un jugement n° 1400814 du 19 mars 2015, le tribunal administratif de Bastia a, en son article 1er, annulé l'arrêté précité du 23 juillet 2014, en son article 2, enjoint, au SIVOM du Haut Taravo sous astreinte de reconstituer la carrière de M. D... et, son article 3, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 mai 2015, le SIVOM du Haut Taravo, représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de rejeter la demande de M. D... ;
3°) de mettre à la charge de M. D... le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le médecin agréé a clairement affirmé que l'inaptitude du requérant à exercer ses fonctions résulte de la pathologie de l'épaule gauche sans lien avec l'accident de service ;
- le comité médical s'est prononcé sur l'absence d'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressé ;
- il était tenu de le placer d'office en disponibilité pour régulariser sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2015, M. D..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête, à ce que la Cour procède à l'exécution du jugement en liquidant l'astreinte ordonnée par le jugement attaqué et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du SIVOM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :
- l'administration ne pouvait pas le placer en disponibilité d'office sans que la commission de réforme ne se prononce à nouveau sur son cas ;
- il devait être mis à la retraite et non placé en disponibilité d'office en application du 2° de l'article 54 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- la dégradation de son état de santé, et notamment sa pathologie à l'épaule droite, est directement imputable à son accident de service ;
- le SIVOM ne lui a pas fait de proposition de poste aménagé ;
- l'astreinte de 100 euros par jour de retard devra être liquidée à compter du 20 avril 2015 jusqu'à la date de lecture du présent arrêt.

Par un courrier du 6 décembre 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de l'incompétence de la Cour pour statuer sur les conclusions d'appel de M. D... tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Bastia.

Un mémoire, présenté pour le SIVOM du Haut Taravo en réponse à ce moyen d'ordre public, a été enregistré le 6 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l'intégration ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.



Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.







1. Considérant que, le 9 juillet 2009, M. D..., agent technique titulaire du SIVOM du Haut Taravo, employé comme éboueur, a chuté du camion benne au cours de la tournée qu'il effectuait ; que cette chute lui a occasionné la rupture du tendon de l'épaule droite ; qu'il a été placé en accident de service du 9 juillet 2009 au 28 février 2010 ; qu'à la suite d'une expertise médicale fixant la consolidation de son état de santé au 1er mars 2010 et de l'avis de la commission de réforme favorable à l'aptitude à la reprise, le président du SIVOM du Haut Taravo a, par une décision du 27 avril 2010, demandé à M. D... de reprendre ses fonctions ; que, du 6 juin 2010 au 5 juin 2011, l'intéressé a été placé en congé ordinaire de maladie par différents arrêtés successifs ; que, par arrêté du 29 juin 2011, le président du SIVOM du Haut Taravo, constatant la fin des droits à congé de maladie, a placé l'intéressé en disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 6 juin 2011 ; que, saisi par M. D..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bastia a, par jugement n° 1100478 du 12 janvier 2012 devenu définitif après la non admission, le 8 mars 2013, par le Conseil d'Etat du pourvoi intenté par le SIVOM, annulé ces deux décisions, au motif que les arrêts de travail dont il avait bénéficié depuis le 6 juin 2010 étaient en lien avec l'accident de service du 9 juillet 2009 ; que, par arrêté du 10 juin 2013, le président du SIVOM a placé l'intéressé en prolongation d'accident de service à compter du 1er mars 2010 ; que le médecin agréé, saisi par le SIVOM, a, le 4 octobre 2013, fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. D... au 8 mars 2013 et a conclu à sa mise à la retraite pour invalidité fonctionnelle totale et définitive non imputable au service ; que la commission de réforme, dans son avis du 19 décembre 2013, a confirmé la date de consolidation au 8 mars 2013, a indiqué que les congés ultérieurs devaient être pris au titre des congés ordinaires de maladie et a proposé une mise à la retraite pour invalidité non imputable au service ; que, par deux arrêtés du 8 janvier 2014, le président du SIVOM du Haut Taravo a fixé respectivement au 8 mars 2013 la date de consolidation de l'état de santé de l'agent et l'a placé en état de congé ordinaire à plein traitement du 9 mars 2013 au 7 juin 2013 et à demi traitement à compter du 8 juin 2013 ; que, par l'arrêté en litige du 23 juillet 2014, le président du SIVOM a placé M. D... en disponibilité d'office à compter du 10 mars 2014, dans l'attente de l'avis de la commission de réforme sur son taux d'invalidité en vue de sa mise à la retraite pour invalidité ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté comme irrecevable pour tardiveté la demande de M. D... dirigée contre les arrêtés du 8 janvier 2014 et a annulé, en son article 1er , l'arrêté du 23 juillet 2014 du président du SIVOM plaçant l'intéressé en position de disponibilité d'office et a enjoint, en son article 2, au SIVOM du Haut Taravo, sous astreinte, de reconstituer la carrière de M. D... ; que le SIVOM demande l'annulation des articles 1er et 2 de ce jugement ; que M. D... demande, pour sa part, la liquidation de l'astreinte prononcée par les premiers juges ;





Sur les conclusions d'appel de M. D... tendant à la liquidation de l'astreinte :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée (...) " ; que la liquidation de l'astreinte à laquelle procède le juge se rattache à la même instance contentieuse que celle qui a été ouverte par la demande d'astreinte dont elle est le simple prolongement procédural ; que, dès lors, il n'appartient qu'aux premiers juges, qui ont assorti d'une astreinte de 100 euros par jour de retard l'injonction faite au SIVOM du Haut Taravo de reconstituer la carrière de leur agent dans le délai d'un mois, de statuer sur les conclusions de M. D... tendant à ce que cette astreinte soit liquidée ; qu'il y a lieu, dès lors, de renvoyer ces conclusions de M. D... au tribunal administratif de Bastia pour qu'il y statue ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dans sa version alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. (...)Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) " ; que le droit, prévu par ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions ;

4. Considérant que le SIVOM, pour soutenir en appel que l'inaptitude définitive de M. D... ne résulte pas de l'accident de service du 9 juillet 2009, se fonde sur le rapport du 4 octobre 2013 du médecin agréé saisi par le président du syndicat; que ce rapport note l'absence d'état antérieur, retient l'existence d'une lésion du sus-épineux de l'épaule droite et conclut à une pathologie articulaire bilatérale des membres supérieurs qui présente un lien direct, même non exclusif, avec son accident de service ; que, surtout, l'expert désigné par l'ordonnance du 17 novembre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Bastia indique dans son rapport du 17 janvier 2015 que le déficit fonctionnel permanent imputable à l'accident de service est constitué par une raideur douloureuse marquée de l'épaule droite dominante, qu'il évalue à 15 % compte tenu de l'état antérieur et précise qu'en raison des différentes pathologies présentées, l'invalidité professionnelle de la victime peut être évaluée à 50 % dont la moitié (25 %) est imputable aux séquelles de l'accident du travail de l'épaule droite d'un travailleur manuel et que l'état de la victime est stabilisé ; que, dans ces conditions, et alors même que la commission de réforme dans son avis du 19 décembre 2013, qui ne lie pas l'administration, a déclaré être favorable à la mise à la retraite pour invalidité non imputable au service, l'inaptitude totale et définitive de M. D... doit être regardée comme présentant un lien direct avec son accident de service ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le président du SIVOM du Haut Taravo ne pouvait légalement placer M. D..., par la décision en litige du 23 juillet 2014, en position de disponibilité d'office à compter du 10 mars 2014 et qu'ils ont annulé, pour ce motif, cette décision ;

5. Considérant, enfin, que le tribunal administratif de Bastia a estimé que l'annulation qu'il prononçait impliquait nécessairement la reconstitution de la carrière de M. D..., soit notamment l'octroi de congés ordinaires à plein traitement à compter du 10 mars 2014 puis sa mise à la retraite pour invalidité imputable au service à compter du 23 juillet 2014 et a , par l'article 2 de son jugement, enjoint, sous astreinte, au SIVOM d'y procéder ; qu'en appel, le SIVOM du Haut Taravo n'articule aucun moyen de nature à remettre en cause le bien-fondé de l'injonction ainsi prononcée par les premiers juges ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le SIVOM du Haut Taravo n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 23 juillet 2014 plaçant M. D... en position de disponibilité d'office à compter du 10 mars 2014 et a enjoint au SIVOM du Haut Taravo, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de reconstituer la carrière de M. D... dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement en lui octroyant notamment des congés ordinaires à plein traitement à compter du 10 mars 2014 puis en le plaçant à la retraite imputable au service à compter du 23 juillet 2014 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la présente instance :

7. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande le SIVOM du Haut Taravo au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'en revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du SIVOM du Haut Taravo la somme de 2 000 euros à verser à M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;





D É C I D E :





Article 1er : Les conclusions de M. D... tendant à la liquidation de l'astreinte prononcée par l'article 2 du jugement du 19 mars 2015 sont renvoyées au tribunal administratif de Bastia.
Article 2 : La requête du SIVOM du Haut Taravo est rejetée.
Article 3 : Le SIVOM du Haut Taravo versera à M. D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au SIVOM du Haut Taravo et à M. C... D....
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 janvier 2017.
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N° 15MA02014