CAA de PARIS, 6ème chambre, 03/02/2017, 15PA02220, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 février 2017
Num15PA02220
JuridictionParis
Formation6ème chambre
PresidentMme FUCHS TAUGOURDEAU
RapporteurMme Valérie PETIT
CommissaireM. BAFFRAY
AvocatsFLAMENT

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 mai 2014 par lequel le maire de Paris l'a admis d'office à faire valoir ses droits à la retraite, pour cause d'invalidité, à compter du 1er mai 2014, d'enjoindre à la ville de Paris de procéder à son reclassement, d'enjoindre à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) de fixer son taux d'invalidité, et de condamner la ville de Paris à lui verser une somme totale de 100 000 euros en réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1411491 du 2 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il a admis d'office M. B...a faire valoir ses droits à la retraite de manière rétroactive pour la période comprise entre le 1er mai 2014 et le 7 mai 2014, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 juin 2015, M.B..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2015 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions ;

2°) d'annuler entièrement l'arrêté du maire de Paris du 7 mai 2014 ;

3°) d'enjoindre à la ville de Paris de procéder à son reclassement ;

4°) de condamner la ville de Paris à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis ;

5°) de mettre à la charge de la ville de Paris le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté du 7 mai 2014 a été adopté par une autorité incompétente ;
- il est illégal du fait de son caractère rétroactif ;
- il n'a jamais sollicité sa mise à la retraite d'office et ne souhaitait qu'un reclassement ;
- la ville de Paris aurait dû lui adresser une proposition de reclassement ;
- il a subi des préjudices du fait de sa souffrance au travail, de sa perte de rémunération au titre de son congé de longue maladie et de l'absence de perspective de retrouver un emploi ; son préjudice lié à l'absence de proposition de reclassement s'élève à 60 000 euros ; son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 20 000 euros ; son préjudice matériel s'élève à 20 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2016, la ville de Paris, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 juillet 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 août 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n°85-1054 du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions ;
- le décret n°87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- le décret n°94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes ;
- le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Petit,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- les observations de MeC..., pour M.B...,
- et les observations de MeE..., pour la ville de Paris.


1. Considérant que M. B...a occupé à compter du 11 février 2002 un emploi d'adjoint technique à la direction de la jeunesse et des sports de la ville de Paris; qu'il a été placé en congé de longue maladie du 5 février 2008 au 3 février 2009, puis en congé de longue durée à plein traitement du 4 février 2009 au 3 février 2011, et à demi traitement du 4 février 2011 au 2 février 2013 ; qu'il a ensuite été placé en disponibilité d'office du 3 février 2013 au 30 avril 2014 ; qu'après l'avis rendu par la commission de réforme en date du 16 mai 2013 et celui rendu par la caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales (CNRACL), il a été admis d'office à faire valoir ses droits à la retraite, pour cause d'invalidité, à compter du 1er mai 2014, par un arrêté du maire de Paris du 7 mai 2014 ; que par un jugement du 2 avril 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté en tant qu'il était rétroactif ; que M. B...fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement annulé l'arrêté et n'a pas fait droit à ses conclusions indemnitaires ;

Sur les conclusions d'excès de pouvoir :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté litigieux a été signé par M. A...D..., adjoint au bureau des retraites et de l'indemnisation, lequel a reçu délégation de signature, notamment pour signer les arrêtés de mise à la retraite pour les fonctionnaires de catégorie A, B et C, par une décision du maire de Paris en date du 24 avril 2014 régulièrement publiée au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 29 avril suivant ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de l'arrêté n'aurait pas bénéficié d'une délégation régulière de signature manque en fait et doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que M. B...soutient que l'arrêté du 7 mai 2014 est entaché d'une rétroactivité illégale ; que, toutefois, les premiers juges ont déjà fait droit à ce moyen en annulant l'arrêté en tant qu'il était rétroactif ; que cette rétroactivité n'est pas de nature à entacher d'illégalité l'ensemble de l'arrêté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que M. B...soutient qu'il n'a jamais sollicité sa mise à la retraite ; que, toutefois, il ressort de l'arrêté du 7 mai 2014 que l'intéressé a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, d'office, pour cause d'invalidité, et non sur sa demande ; que l'erreur matérielle affectant les visas de l'arrêté, qui mentionnent " la demande de l'intéressé " est sans incidence, compte tenu des motifs et du dispositif de celui-ci, qui sont dépourvus de toute ambiguïté ; que, dès lors, le moyen est inopérant et ne peut qu'être écarté ;

5 Considérant, en dernier lieu, que selon l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes/Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé " ; qu'aux termes de l'article 37 du décret du 30 juillet 1987 susvisé : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales(...) " ; qu'aux termes de l'article 38 du même décret : " La mise en disponibilité visée aux articles 17 et 37 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme prévue par le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 susvisé, sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. / L'avis est donné par la commission de réforme lorsque le congé antérieur a été accordé en vertu de l'article 57 (4°, 2e alinéa) de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 susvisée. / Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical. Toutefois, lors du dernier renouvellement, l'avis est donné par la commission de réforme. " ; qu'enfin, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / Lorsque l'admission à la retraite pour invalidité intervient après que les conditions d'ouverture du droit à une pension de droit commun sont remplies par ailleurs, la liquidation des droits s'effectue selon la réglementation la plus favorable pour le fonctionnaire. / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée. " ;

6. Considérant que si M. B...soutient que la ville de Paris était tenue de lui adresser une proposition de reclassement préalablement à sa mise à la retraite d'office, l'administration n'est pas tenue de rechercher un poste de reclassement pour un agent dont le reclassement est impossible ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du docteur Maloux du 7 mars 2012, que le requérant qui avait épuisé ses droits à congés de maladie, était, à la date de la décision en litige, " inapte de façon définitive et absolue à tout emploi au sein de la mairie de Paris " ; que par suite, en raison de cette inaptitude définitive non sérieusement contestée, l'administration n'avait pas à tenter de le reclasser sur un autre emploi ;

7. Considérant, par ailleurs, que si M. B...soutient que la ville de Paris aurait dû procéder plus tôt à son reclassement, plutôt que de le placer, entre 2008 et 2014, en congé de longue maladie puis en congé de longue durée ; que toutefois, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été apte à reprendre un emploi pendant cette période ; que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur les conclusions indemnitaires :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; que M. B...n'a pas présenté de demande indemnitaire préalable à la ville de Paris ; que le contentieux n'a pas été lié par l'administration devant le tribunal administratif ; que, dès lors, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, ses conclusions indemnitaires sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;



9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 7 mai 2014 uniquement en tant qu'il était rétroactif ; que le présent arrêt n'implique dès lors le prononcé d'aucune mesure d'injonction ; que les conclusions du requérant présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent également, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la ville de Paris au titre des mêmes dispositions ;



DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...B...et à la ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme Petit, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2017.

Le rapporteur,
V. PETITLe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA02220