CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 23/02/2017, 16VE00122, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B...C...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler la décision en date du 18 février 2014 par laquelle le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis a refusé d'imputer au service sa maladie et la décision du 6 juin 2014 par laquelle il a rejeté son recours gracieux formé contre cette décision, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, au président du conseil général de la Seine-Saint-Denis de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation.
Par un jugement nos 1403277, 1407744 du 13 novembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 janvier et 20 juillet 2016, Mme C..., représentée par Me Arm, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du président du conseil général de la Seine-Saint-Denis du 18 février 2014 refusant d'imputer sa maladie au service, ensemble la décision du 6 juin 2014 par laquelle il a rejeté son recours gracieux formé contre cette décision ;
3° d'enjoindre au département de la Seine-Saint-Denis, par application des dispositions des articles L. 911-1, L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative, à titre principal de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de prendre en charge, au titre de la maladie professionnelle, l'ensemble des arrêts de travail et des soins y afférents depuis le 26 mars 2013 ainsi que les éventuelles séquelles, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4° de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis le versement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute n'est pas signée ;
- ce jugement est irrégulier pour n'avoir répondu que partiellement au moyen tiré du vice de procédure ;
- la décision du 18 février 2014 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que la commission de réforme a statué au vu des deux rapports médicaux et d'un rapport hiérarchique ;
- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur de droit dès lors que les articles L. 461-1 et R. 461-3 du code de la sécurité sociale sont applicables en l'espèce ; ces dispositions concernent les maladies professionnelles, instaurent une présomption d'imputabilité s'agissant d'une maladie répertoriée au tableau 57C et n'établissent aucune distinction entre salariés et agents publics ainsi qu'il ressort d'ailleurs des mentions du site Internet de la Caisse des dépôts concernant l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales ; le tribunal administratif a ainsi introduit une distinction entre salariés et agents publics qui ne résulte pas de la loi ;
- le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant l'imputabilité de la maladie à sa profession ; les éléments médicaux démontrent l'imputabilité de la maladie dont elle souffre à son activité professionnelle ; les tâches qui lui étaient confiées à la maison départementale des personnes handicapées correspondent bien à celles visées dans l'annexe II du tableau 57C des maladies professionnelles.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Le Gars,
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour le conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.
1. Considérant que MmeC..., adjoint administratif territorial relevant du département de la Seine-Saint-Denis, alors affectée à la maison départementale des personnes handicapées, a demandé, le 26 mars 2013, la reconnaissance du caractère professionnel du syndrome du canal carpien bilatéral dont elle est atteinte ; qu'après avis défavorable de la commission de réforme interdépartementale de la petite couronne qui s'est réunie le 2 décembre 2013, le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis a opposé un refus à sa demande par décision du 18 février 2014, confirmée par décision du 6 juin 2014 prise sur recours gracieux ; que Mme C...a demandé l'annulation de ces décisions ; qu'elle relève appel du jugement du 13 novembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que la minute du jugement attaqué ne serait pas signée manque en fait et doit être écarté ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que, pour écarter le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant la commission de réforme interdépartementale de la petite couronne était irrégulière faute que la commission ait été saisie de la fiche de poste de la requérante et d'un rapport hiérarchique, le tribunal administratif a d'abord relevé que le rapport médical établi par le médecin agréé et celui du médecin de prévention du service de médecine professionnelle et préventive ont été transmis par le président du conseil général à ladite commission de réforme ; qu'il a ensuite indiqué qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 et de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004, seules applicables, que l'autorité administrative doive en outre transmettre obligatoirement à la commission de réforme un rapport hiérarchique et une fiche de poste relatifs à l'agent dont la situation est examinée ; qu'enfin, s'appuyant sur la décision du 6 juin 2014 attaquée, le tribunal a relevé qu'en tout état de cause, l'administration a transmis ces derniers éléments à la commission de réforme ; que le moyen tiré de ce que le tribunal n'aurait que partiellement répondu audit moyen doit donc être écarté ; qu'à supposer que Mme C...entende contester l'appréciation portée par le tribunal sur la preuve de la transmission des documents en litige, un tel moyen relève en tout état de cause du bien fondé et non de la régularité du jugement attaqué ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Considérant qu'il résulte de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 susvisé que lorsqu'un fonctionnaire territorial en congé de maladie demande à ce que soit reconnue l'imputation au service de l'affection qui a justifié ce congé, sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, la commission de réforme compétente est obligatoirement consultée sur la question de l'imputation au service de l'affection à l'origine de ce congé de maladie sauf si, pour un arrêt inférieur ou égal à quinze jours, cette imputation est reconnue par l'administration ; qu'aux termes du même article 16, le dossier qui est soumis à la commission de réforme " doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé " ; que l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé dispose : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. (...) " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part et contrairement à ce qu'allègue MmeC..., la commission de réforme interdépartementale de la petite couronne qui s'est réunie le 2 décembre 2013 a bien été saisie des rapports médicaux précités des docteurs Mage et Le Magoarou, respectivement médecin agréé et médecin de prévention du service de médecine professionnelle et préventive du département de la Seine-Saint-Denis ; que, d'autre part et dès lors qu'il n'est pas contesté que la commission s'était également vu adresser la fiche signalétique de la requérante, sa déclaration de maladie professionnelle, l'état de ses absences pour maladie et sa fiche de poste détaillée, MmeC..., qui ne soutient d'ailleurs pas, ni même n'allègue, que cette fiche n'explicitait pas correctement ses missions, n'apporte aucun élément de nature à établir qu'un rapport hiérarchique spécifique aurait en outre été nécessaire pour que la commission puisse rendre son avis de manière suffisamment éclairée conformément à l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 ; qu'enfin, la circonstance que, pour l'instruction de son recours gracieux, le département a sollicité un rapport détaillé des tâches effectuées par l'intéressée à la maison départementale des personnes handicapées ne saurait faire regarder la procédure antérieurement suivie devant la commission de réforme comme entachée d'irrégularité ; que le moyen tiré d'un vice de procédure doit donc être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : " Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau " ; qu'aucune disposition ne rend applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique territoriale, qui demandent le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que le président du conseil général, dans sa décision prise sur recours gracieux, a commis une erreur de droit en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle est atteinte sur la seule circonstance qu'elle serait prise en compte dans le tableau n° 57 des maladies professionnelles ;
8. Considérant, en second lieu, qu'en invoquant une erreur manifeste d'appréciation de l'autorité administrative, Mme C...doit être regardée comme ayant entendu soutenir que c'est à tort que sa maladie n'a pas été reconnue imputable à l'exercice de ses fonctions et notamment de ses fonctions d'agent de numérisation des courriers au sein de la maison départementale des personnes handicapées de Seine-Saint-Denis de décembre 2012 à mars 2013 ; que, toutefois, les seuls éléments médicaux versés au dossier ne suffisent pas à établir l'imputabilité de la maladie dont elle souffre à son activité professionnelle ; que, par ailleurs, et alors que la commission de réforme, qui a disposé de la fiche de poste détaillée de l'intéressée, a clairement relevé que Mme C...n'effectuait pas de manière habituelle les gestes relevant du tableau n° 57 des maladies professionnelles, cette dernière n'apporte aucun élément précis de nature à remettre en cause cette constatation, notamment par un rapprochement entre les éléments mentionnés à ce tableau et ses propres activités ; qu'enfin, Mme C...se borne à rappeler ses fonctions ainsi que le travail intense fourni en raison d'un retard accumulé et à se prévaloir des rapports établis pour la commission de réforme par le docteur Bernard Mage, selon lequel, sans plus de précision, ses fonctions l'exposent au syndrome du canal carpien bilatéral, et par le docteur Le Magoarou, qui indique que son poste " comporte des mouvements répétés de préhension des mains (tri du courrier et numérisation) " et que " le travail sur écran comporte de façon habituelle un appui carpien droit lors de l'utilisation de la souris et l'extension des poignets lors de la frappe ", alors que le rapport d'activité détaillé des tâches confiées à Mme C...à la maison départementale des personnes handicapées ne relève pas un travail habituel sur écran et indique que les gestes réalisés au titre de l'activité de numérisation consistaient à " enlever les agrafes, couper les documents, insérer des codes barres, numériser via un scanner " ; que, dans ces circonstances, les gestes effectués par MmeC..., tant durant sa courte période d'affectation au sein de la maison départementale des personnes handicapées que dans son poste précédent, ne peuvent être regardés comme à l'origine de sa pathologie ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis a refusé de reconnaître le caractère professionnel du syndrome du canal carpien bilatéral dont elle est atteinte ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
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N° 16VE00122