CAA de BORDEAUX, 2ème chambre - formation à 3, 06/02/2018, 16BX01926, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 février 2018
Num16BX01926
JuridictionBordeaux
Formation2ème chambre - formation à 3
PresidentM. REY-BETHBEDER
RapporteurMme Aurélie CHAUVIN
CommissaireM. KATZ
AvocatsLOUIS ROPARS AVOCAT

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2013 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de reconnaître sa pathologie au titre d'une maladie professionnelle.

Par un jugement n° 1301296 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2016, Mme A..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 19 juillet 2013 rejetant sa demande de reconnaissance professionnelle de sa pathologie ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de statuer à nouveau sur sa demande
du 22 octobre 2012, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la lecture de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas examiné le moyen d'irrégularité du délai de convocation devant la commission de réforme alors que le préfet n'y avait pas répondu et n'avait pas produit la convocation contestée ; en l'absence de cette convocation, il n'est pas établi que les modalités destinées à garantir les droits de l'agent prévues par l'article 19 du décret du 14 mars 1986 ont été respectées ;
- l'arrêté querellé est entaché d'insuffisance de motivation et n'a pas été précédé de la procédure contradictoire ;
- il est entaché d'irrégularité en l'absence d' " installation " de la commission de réforme pour les officiers de police dans le département.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 décembre 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
- les conclusions en annulation dirigées contre une décision de refus d'octroi de protection fonctionnelle, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables ;
- les autres moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., capitaine de police née le 12 septembre 1955, alors en poste au service départemental d'information générale de la Réunion, a présenté, le 22 octobre 2012, une demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre des arrêts de travail délivrés par son médecin traitant attestant de souffrances engendrées par ses conditions de travail. À la suite de l'avis défavorable de la commission de réforme, réunie le 4 juin 2013, le préfet de La Réunion a, par arrêté du 19 juillet 2013, rejeté cette demande au motif qu'aucun élément médical ne permettait de prouver une origine professionnelle directe, certaine et exclusive. Mme A...relève appel du jugement du 3 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté refusant de reconnaître sa pathologie au titre d'une maladie professionnelle.


Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2013 :

2. Aux termes de l'article 13 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, la commission de réforme est consultée notamment sur : " La réalité des infirmités résultant d'un accident de service ou d'une maladie professionnelle, la preuve de leur imputabilité au service et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, en vue de l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité instituée à l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 19 du même décret : " (...) / La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. / Le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de la partie administrative de son dossier. Un délai minimum de huit jours doit séparer la date à laquelle cette consultation est possible de la date de la réunion de la commission de réforme ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission de réforme, si elle le juge utile, peut faire comparaître le fonctionnaire intéressé. Celui-ci peut se faire accompagner d'une personne de son choix ou demander qu'une personne de son choix soit entendue par la commission de réforme. / L'avis formulé en application du premier alinéa de l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite doit être accompagné de ses motifs. / Le secrétariat de la commission de réforme informe le fonctionnaire :/ - de la date à laquelle la commission de réforme examinera son dossier ;/ - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de se faire entendre par la commission de réforme, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. / L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande ; (...) ".

3. Si ces dispositions n'exigent pas que l'administration procède à une " convocation " du fonctionnaire devant la commission de réforme, elles impliquent que ce dernier soit prévenu de la réunion de la commission de réforme et informé préalablement de la possibilité de consulter son dossier, de présenter, s'il le souhaite, des observations écrites, de fournir, le cas échéant, des certificats médicaux et d'être entendu par la commission de réforme ou de faire entendre un médecin.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A...ait été avisée, conformément aux dispositions précitées, de la tenue de la réunion de la commission de réforme du 4 juin 2013 qui a examiné sa situation, qu'elle ait été invitée à prendre connaissance de son dossier préalablement, ni de la possibilité de présenter des observations écrites, de se faire entendre par cette commission, de même que de faire entendre le médecin et la personne de son choix. Ainsi, Mme A...est fondée à soutenir que la procédure est entachée d'irrégularité et à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2013 rejetant sa demande de reconnaissance professionnelle de sa pathologie.
5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 3 mars 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.



Sur les conclusions en injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. L'annulation de la décision attaquée implique nécessairement que l'administration prenne une nouvelle décision selon une procédure régulière, après consultation de la commission de réforme conformément aux dispositions précitées du décret du 14 mars 1986 susvisé. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens.











DÉCIDE :







Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 3 mars 2016 est annulé.
Article 2 : La décision du 19 juillet 2013 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de statuer à nouveau sur la demande de Mme A... du 22 octobre 2012 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Mme A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 février 2018

Le rapporteur,



Aurélie D...

Le président,



Éric Rey-BèthbéderLe greffier,


Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX01926